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Témoignage franceinfo Meurtre de Chahinez : "On fait semblant de tenir", confient les parents de cette femme brûlée vive par son ex-compagnon en 2021

La reconstitution du meurtre de Chahinez Daoud a lieu mercredi à Mérignac, près de Bordeaux. Cette jeune mère de famille de 31 ans avait déposé plusieurs plaintes contre son ex-compagnon. Ses parents ont accepté de se confier à franceinfo.
Article rédigé par Margaux Stive
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Fleurs et bougies devant la façade noircie de la maison où vivait Chahinez à Mérignac. Photo du 05 mai 2023. (CAROLINE BLUMBERG / EPA)

Ce féminicide est devenu le symbole des échecs de la lutte contre les violences faites aux femmes : Chahinez Daoud, 31 ans, est morte, brûlée vive par son ex-compagnon le 4 mai 2021, à Mérignac, en Gironde, malgré plusieurs plaintes contre lui. Deux ans après, Djohal et Kamel Daoud prennent la parole, recroquevillés sur le canapé de leur avocat bordelais. La voix tremblante, toujours au bord des larmes, ils racontent la douleur toujours intacte : "Je suis une mère brûlée dedans, je suis une mère brisée", confie la mère de Chahinez, Djohal, qui assure qu'elle n’ira pas à la reconstitution du drame qui, selon les informations de franceinfo a lieu mercredi 24 mai, car elle "n'en a pas la force".  

>> Féminicide de Chahinez Daoud : la famille de la jeune femme veut attaquer l'État pour faute lourde

Kamel, son père, restera à l’écart dans sa voiture, loin de l’endroit où Chahinez a été brûlée vive, loin surtout de celui qui a tué sa fille. "Il ne mérite pas notre colère. Un homme qui brûle une femme, pour moi, c'est un lâche. Mourir de cette façon, personne ne peut l'accepter. Même les animaux ne méritent pas de mourir comme ça". Une mort d’autant est plus insupportable, dit Kamel, que sa fille a laissé trois enfants orphelins. Aujourd'hui, ce sont eux qui ont la garde des enfants. 

"J'ai pleuré en cachette"

À presque 70 ans, après la mort de leur fille, Kamel et Djoha ont quitté leur vie en Algérie pour venir en France s’occuper des enfants, deux garçons et une fille âgés de 6, 9 et 14 ans qui se reconstruisent tant bien que mal. Depuis deux ans, le fils aîné fait des cauchemars et refuse de parler de sa mère. Le plus petit, lui, tente de mettre des mots sur ce qu’il s’est passé, confie Kamel avec émotion. "Il m'a dit 'Papy, mon papa est un homme très méchant parce qu'il a tué ma mère'. Et j'ai pleuré en cachette." 

"On fait semblant de tenir, d'avoir du courage devant les enfants. Mais dedans, on se sent brûlés."

Kamel, le père de Chahinez Daoud

à franceinfo

Djohal, aussi, raconte les larmes en cachette dès que les enfants sont à l’école, pour préserver un peu de bonheur familial et continuer "le chemin qu’avait tracé" sa fille. 

Djohal et Kamel Daoud sont les parents de Chahinez Daoud, brûlée vive par son ex-compagnon le 4 mai 2021, à Mérignac (Gironde). (MARGAUX STIVE / RADIOFRANCE)

Comprendre pourquoi la France n'a pas protégé Chahinez

Les parents de Chahinez ont décidé il y a deux mois d’engager une procédure à l’amiable contre l’Etat. Contacté par franceinfo, le ministère de la Justice promet de traiter ce dossier en priorité. Si la réponse n’est pas à la hauteur de leurs attentes, les parents de Chahinez envisagent d’attaquer l’Etat pour faute lourde cette fois devant les tribunaux. "C'est une démarche avant tout symbolique, explique leur avocat, Me Julien Plouton. Elle vise à obtenir la reconnaissance que, dans ce dossier, il y a des dysfonctionnements graves et importants qui ont contribué au décès d'une femme alors qu'elle avait sollicité à de multiples reprises la protection de la police. Tout ce qui aurait pu être fait ne l'a pas été."

Car l’autre combat de Djohal et Kamel, c’est d’éviter le sort de Chahinez à d’autres femmes. Ils veulent surtout comprendre pourquoi Chahinez n’a pas été protégée malgré trois plaintes et un compagnon déjà condamné pour violences conjugales. Une série d’échecs insupportables pour le père de Chahinez, d’autant qu'à l’époque, il avait conseillé à sa fille de faire confiance aux institutions. "Je disais à ma fille, tu n'es pas dans n'importe quel pays, tu es en France, dans le pays des Droits de l'homme. Tu es protégée et il ne peut pas te tuer. J'étais déçu, très déçu...", glisse-t-il à franceinfo.

L'ex-mari de Chahinez a été mis en examen et placé en détention provisoire pour homicide volontaire par conjoint. L'homme, âgé de 44 ans, déjà emprisonné pour violences conjugales en 2020, avait poursuivi son ex-femme, mère de trois enfants, qu'il guettait depuis le matin. Il lui avait tiré plusieurs coups de feu dans les jambes puis l'a aspergée d'un liquide inflammable alors qu'elle était encore en vie puis a allumé le feu. 

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