"Les gamins étaient crevés" : le retour à la semaine de quatre jours accueilli avec soulagement à Longpont-sur-Orge
Un tiers des écoles primaires et maternelles de l'Hexagone ont fait choix de revenir à la semaine de quatre jours dès la rentrée.
Il y a de l'orage dans l'air. En ce milieu d'après-midi, mercredi 19 juillet, le soleil tape fort sur la petite commune de Longpont-sur-Orge (Essonne) et quelques gouttes se font déjà sentir. Les 6 500 habitants que compte cette petite ville au sud de Paris se font rares. Beaucoup ont déjà pris la route des vacances, après une année scolaire bien chargée. A la rentrée, les 800 écoliers de la commune, qui se répartissent dans trois groupes scolaires, trouveront pourtant les choses un peu changées.
Longpont-sur-Orge a fait le choix de revenir à la semaine de quatre jours, quatre ans après l'instauration de la semaine de quatre jours et demi. Au niveau national, c'est un tiers des écoles maternelles et primaires de France qui ont décidé de revenir en arrière. Des dérogations sont, en effet, possibles depuis la publication d'un décret au Bulletin officiel, le 28 juin.
"Finalement, ça ne s'est pas si mal passé"
Alain Lamour affiche une allure décontractée au moment d'ouvrir sa mairie. Sandales aux pieds, l'édile, encarté au Parti de gauche, connaît bien la question des rythmes scolaires. S'il n'est maire que depuis trois mois, après des démissions en cascade au sein de l'ancienne équipe municipale, l'homme était premier adjoint lorsque la réforme a été adoptée entre 2013 et 2014. Il se souvient d'une mesure "compliquée à mettre en place", qui, sans les subventions qui sont venues après, coûtait 200 000 euros par an.
Dans sa commune, l'école se termine ainsi à 15h45. Après le goûter, les écoliers ont le choix entre des activités périscolaires ou l'étude. Les NAP, les "nouvelles activités périscolaires" pour les néophytes, se déroulent, elles, le vendredi après-midi. "Finalement, ça ne s'est pas si mal passé", reconnaît le maire lorsqu'on lui demande de faire le bilan. "Mais", ajoute-t-il immédiatement, il y avait "un point noir souligné par les parents et les enseignants" : la fatigue des enfants.
Les gamins étaient crevés à partir du jeudi. L'apprentissage n'était pas quasi nul, mais enfin...
Alain Lamour, maire de Longpont-sur-Orgeà franceinfo
Ce point est repris en boucle par tous les parents d'élèves. "Dès le jeudi, ils sont fatigués. Et le vendredi, c'est le plus dur, c'est terrible", relate Alexandrine Martin, mère de deux enfants et représentante de l'AAPEL (Association autonome des parents d'élèves de Longpont-sur-Orge). "Le jeudi est une journée extrêmement difficile. Ils ont beaucoup de mal à se lever", complète Aurélia Lambrisset, mère de trois enfants et présidente locale de la FCPE. "Ils sont très fatigués. On appelle ça 'le jeudi noir'", renchérit Linda Vallois, mère de trois enfants, également représentante de l'AAPEL.
"Ça n'allège pas les journées, ça en rajoute"
Cette fatigue est à mettre en relation avec l'activité professionnelle des parents. "Sur le principe, je n'étais pas défavorable à la réforme des 4 jours et demi mais je le suis devenue car les enfants ne peuvent pas être récupérés à 15h45", pointe Aurélia Lambrisset, ajoutant qu'à Longpont-sur-Orge, "plus de la moitié des enfants restaient après 15h45 alors que 75% des familles peuvent les faire garder le mercredi". En clair, la réforme des rythmes scolaires, censée alléger la semaine et mieux répartir les temps d'apprentissage, a atteint un objectif opposé. "Ça n'allège pas les journées, ça en rajoute", assure Aurélia Lambrisset.
Je suis satisfaite de ce retour à la semaine de 4 jours car ça fait une coupure dans la semaine.
Aurélia Lambrissetà franceinfo
"Il y avait beaucoup d'absents le mercredi matin", note encore cette maman. "La vraie question, c'est aussi : est-ce que les enfants apprennent mieux avec ce rythme-là ? Bon, eh bien, on ne voyait pas trop la différence", relève de son côté Alexandrine Martin.
Retour aux journées de 8h30 à 16h30
Si on comprend bien que le maire ne fait pas de cette réforme un marqueur idéologique à l'instar de certains élus des Républicains, Alain Lamour glisse tout de même sa position personnelle. "Le bon rythme, c'est le samedi matin [supprimé en 2008 sous Nicolas Sarkozy] ou alors, l'autre solution, c'est de raccourcir les vacances scolaires mais ça, c'est encore autre chose", balaye-t-il, trouvant que "quatre jours, ça fait des journées trop longues".
Le maire a néanmoins pris les devants très tôt, dès que la possibilité d'une dérogation à la réforme des rythmes scolaires a été émise par le ministère de l'Education. Un sondage a été envoyé aux parents d'élèves, qui y ont répondu massivement. En 2013, au moment de la réforme, seuls 25% des parents de la commune avaient donné leur avis. Une "écrasante majorité", selon le maire, s'est prononcée en faveur de la semaine de quatre jours.
Comme la commune est relativement petite, les choses ont pu se mettre en place pour la rentrée de septembre. "Ça s'est fait naturellement et avec beaucoup de fluidité", tient à faire remarquer Aurélia Lambrisset. Revoilà donc les journées de 8h30 à 16h30. Néanmoins, signale Alain Lamour, "on garde ce qui est bien dans la réforme", à savoir le choix entre les activités périscolaires et l'étude ainsi que les NAP le vendredi après-midi. Autre "gros" avantage pour la mairie : de substantielles économies, estimées par le maire entre "70 000 à 100 000 euros" par an. "Deux ou trois postes d'animateurs" vont, par exemple, être supprimés.
"Il y a des parents qui s'étaient déjà organisés pour la rentrée"
Si tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes à Longpont-sur-Orge, quelques voix discordantes s'élèvent tout de même. Certains représentants de parents d'élèves ne semblent pas très satisfaits des activités extra-scolaires proposées. "Il n'y a pas eu grand-chose de fait pour les NAP. C'était plus de la garderie améliorée", juge sévèrement Linda Vallois. Elle regrette aussi la précipitation dans laquelle les choses se sont organisées. "On nous a prévenus à la fin juin qu'on repassait à quatre jours. Il y a des parents qui avaient déjà fixé les choses pour la rentrée, que ce soit en termes professionnels ou de garde d'enfants", souligne-t-elle.
On n'est pas à l'abri que ça rechange, en plus.
Linda Valloisà franceinfo
Sa collègue Alexandrine Martin, qui loue "l'écoute de la mairie sur ce sujet", se tourne plutôt du côté de l'Education nationale. "Pour moi, la solution miracle, c'est une vraie réforme de l'école, sur les apprentissages, les programmes... La question des rythmes n'est pas le seul problème de l'école."
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