Religion, éducation à la sexualité... Quelles sont les obligations des établissements privés sous contrat ?

Les établissements privés sous contrat, qu'ils soient de confession catholique, juive ou musulmane, sont soumis à des obligations sous peine de rupture du contrat établi avec l'État français. Une question qui revient sur le devant de la scène avec la polémique entourant le groupe privé Stanislas.
Article rédigé par Audrey Abraham
Radio France
Publié Mis à jour
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Photo d'illustration (SPEICH FREDERIC / MAXPPP)

En France, 17% des élèves sont scolarisés dans des établissements privés sous contrat. Parmi ces établissements, plus de neuf sur dix sont d'enseignement catholique. Le groupe privé Stanislas, à Paris, est épinglé dans un rapport de l'Inspection générale pour des pratiques contraires aux valeurs de la République, notamment des cours de catéchisme obligatoires. Chaque année, l'Etat verse entre dix et douze milliards d'euros à des établissements privés sous contrat. Faut-il renforcer les contrôles et l’encadrer plus strictement le fonctionnement de ces établissements ? C’est l’objet du rapport d’une mission parlementaire sur le financement des établissements remis mardi 2 avril. Franceinfo vous explique ce que prévoit le Code de l'éducation en matière de laïcité.

Un projet éducatif libre pour chaque établissement

Depuis 1959, la loi Debré régit les engagements des établissements privés qui passent un contrat avec l'État en échange de financements. Y figurent l'obligation de se conformer aux programmes définis par le ministère de l'Éducation nationale, le respect de la liberté de conscience ou encore l'absence d'enseignement religieux obligatoire pour les élèves.

"Il faut que vous puissiez mettre votre enfant catholique dans un établissement musulman sous contrat sans qu'il soit obligé d'aller à un cours sur la religion musulmane, explique Valérie Piau, avocate spécialiste en droit de l'éducation. De la même manière, vous devez pouvoir aller dans un établissement catholique sous contrat si vous êtes musulman et vous devez pouvoir dire librement que vous êtes musulman et que vous croyez, ou pas, en Dieu."

Ces obligations sont fermes mais s'appliquent en concordance avec le "caractère propre" des établissements privés. Il s'agit de la liberté du projet éducatif de chaque établissement. Une école, un collège ou un lycée privé, même sous contrat avec l'État, peut ainsi revendiquer son appartenance à une religion ou à des principes spirituels.

Cette notion n'a pas de définition juridique et permet aux établissements de se situer dans une "zone grise", souligne Valérie Piau. "Ils ont le choix de la façon dont ils vont procéder aux enseignements tant qu'ils respectent les programmes, la liberté de conscience et qu'il n'y a pas d'enseignement religieux obligatoire", ajoute l'avocate.

Enseignement cultuel vs enseignement culturel

Sur franceinfo, le directeur des classes préparatoires de Stanislas, Louis Manaranche, distingue "le catéchisme" de "l'instruction religieuse". Une nuance faite par de nombreux établissements privés sous contrat pour intégrer des cours de connaissance religieuse obligatoires dans leur programme, les justifiant par leur éclairage culturel, historique et philosophique. "Il y a de la jurisprudence sur le fait qu'on peut enseigner aux élèves les différentes religions, explique Valérie Piau. Mais dans ces cas-là, il faut que ce soit toutes les religions de façon objective, critique et pluraliste."

Ainsi, dans un établissement qui impose des cours de connaissances religieuses, cela doit être fait de façon neutre et équitable, précise l'avocate : "S’il y a toutes les semaines une heure de cours, et qu'il y a 30 minutes sur la religion hindoue et cinq heures sur la religion catholique, alors ça n'est pas fait de façon objective." Il est, en revanche, tout à fait légal pour un établissement de proposer des cours de religion, type cathéchisme, tant qu'ils sont facultatifs.

Contraception, IVG et éducation à la sexualité

Le programme de l'Éducation nationale impose des cours d'éducation à la sexualité. Il y est question de contraception, de droit à l'avortement mais aussi de lutte contre les comportements homophobes ou sexistes. Comme tout le reste, cette partie du programme doit obligatoirement être enseignée. "Si ce n'est pas fait, c'est une violation de l'obligation qui incombe à l'établissement privé sous contrat et il est hors la loi", affirme Valérie Piau. 

L'avocate souligne que les enseignants peuvent refuser de donner les cours d'éducation à la sexualité : "Dans ce cas-là, il incombe aux chefs d'établissement de prendre des intervenants qui leur permettent de faire les cours."

Les propos sexistes, misogynes ou homophobes tombent, par ailleurs, sous le coup de la loi. De la même manière qu'il n'est pas concevable de demander aux jeunes filles de se couvrir les épaules, les jambes ou le décolleté pour ne pas provoquer leurs camarades masculins, il est interdit de tenir des propos condamnant l'homosexualité dans quelque contexte que ce soit. Le rapport épinglant Stanislas fait ainsi mention d'intervenants qui tiennent des propos violemment homophobes ou anti-avortement.

Les contrôles et les sanctions

Les contrôles se font à l'ouverture de l'établissement, puis dans le courant de la première année et ensuite à la discrétion de l'État. Si certaines des exigences ne sont pas remplies par l'établissement, le contrat peut être résilié après avis d'une commission de concertation. C'est la sanction prise à l'égard du lycée musulman Averroès de Lille, en décembre dernier. Les financements peuvent être interrompus et la sanction peut aller jusqu'à l'ordonnance de fermeture de l'établissement.

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