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Panthéon : entre Geneviève de Gaulle et Germaine Tillion, un lien indéfectible noué à Ravensbrück

Les deux résistantes, qui entrent au Panthéon le 27 mai, se sont rencontrées début 1944 dans le camp de concentration.

Article rédigé par Anne Brigaudeau
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Geneviève de Gaulle-Anthonioz en 1987, et Germaine Tillion en 1972. (AFP)

Ensemble. Amies depuis la guerre, les résistantes Germaine Tillion (1907-2008) et Geneviève de Gaulle-Anthonioz (1920-2002) entrent conjointement au Panthéon, mercredi 27 mai.

A l'origine de cette amitié entre l'ethnologue spécialiste de l'Algérie et la nièce du Général, devenue plus tard présidente d'ATD-Quart Monde ? Leur rencontre au début de l'année 1944 dans le camp de Ravensbrück, en Allemagne, où elles sont déportées après avoir été arrêtées (respectivement en 1942 et 1943) pour faits de résistance. 

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Geneviève de Gaulle-Anthonioz, explique sa fille Isabelle Anthonioz-Gaggini, se trouve dans "le convoi des 27 000", parti de Compiègne le 20 janvier, avec Emilie Tillion, la mère de Germaine. Lorsqu'elles arrivent à Ravensbrück, l'ethnologue s'y trouve déjà depuis trois mois. Bien qu'il soit interdit de quitter son baraquement, elle se rend au bloc où se trouve sa mère et y rencontre Geneviève.

L'ethnologie au cœur de leur rencontre

"A 36 ans et forte de son expérience d'ethnologue, Germaine Tillion prenait beaucoup de risques pour aller parler de bloc en bloc, poursuit Isabelle Anthonioz-Gaggini. Elle prenait très à cœur d'expliquer aux plus jeunes, et notamment à Geneviève de Gaulle, qui n'avait alors que 23 ans, le fonctionnement 'ethnologique' du camp."

C'est-à-dire ? "Elle repérait les modes d'organisation, les postures, précise Isabelle Anthonioz-Gaggini. Cette collecte d'information était précieuse pour permettre aux prisonnières de sortir de l'absurde et de comprendre ce qui se passait. Germaine leur montrait comment ce camp organisait le travail, en collusion avec l'industrie allemande, et leur expliquait sa volonté de nier toute identité aux femmes déportées, comme en témoignait la nudité pendant l'appel ou la réduction à un numéro." Un savoir parfois vital pour comprendre les règles du jeu.

Des cadeaux de fortune dans le camp

Certes, les deux femmes sont liées "par ce qui les avait amenées au camp, leur engagement dès 1940 dans la Résistance, continue la fille de Geneviève de Gaulle. Mais aussi par un sentiment de l'ordre de la fraternité, de l'affection, de la tendresse, avec quelque chose de féminin." Aussi incroyable que cela puisse paraître, à Ravensbrück, le cercle d'amies dont faisaient partie Geneviève de Gaulle et Germaine Tillion (et qui comptait aussi, entre autres, Jacqueline Péry d'Alincourt et Anise Postel-Vinay) parvenait à se faire des cadeaux, à Noël ou pour leur anniversaire.

Un exemple ? Sentant le vent tourner, le commandant nazi Himmler s'avise fin 1944 qu'il détient la nièce du général de Gaulle, et espère l'utiliser comme monnaie d'échange. En novembre, Geneviève de Gaulle est ainsi séparée des autres et isolée au bunker, la prison du camp. Mais elle se souviendra toute sa vie que le 25 décembre, sa gardienne entre dans sa cellule "avec un bon sourire". Et dépose un "petit carton", écrit-elle dans Dialogues (Plon), un livre rassemblant des conversations avec Germaine Tillion.

Un vrai trésor que ce colis de fortune envoyé par ses amies : il contient une petite branche de sapin, quatre biscuits, une pomme, deux sucres… et une poupée, confectionnée avec des petits bouts de tissu et de cuir récupérés dans l'atelier où elles travaillaient.

"Leur témoignage doit rester une mémoire vive"

"Cette fraternité leur permettait de garder la tête haute et de préserver ce qu'on voulait détruire : leur humanité", explique Isabelle Anthonioz-Gaggini. Geneviève de Gaulle sera libérée en avril 1945 par la Croix-Rouge suisse. Germaine Tillion, elle, est évacuée quelques jours plus tard par la Croix-Rouge suédoise. La première meurt en 2002, la seconde, centenaire, en 2008.

Soixante-dix ans après la libération des camps, Isabelle Anthonioz-Gaggini assistera évidemment, le 27 mai, à l'hommage rendu à sa mère. Qu'en attend-elle ? Qu'on parle de "toutes ces femmes résistantes - et les déportées plus encore - oubliées dans les différents récits." Elle rappelle ce que disait sa mère : "On n'a pas voulu nous entendre."

Et de conclure : "La moindre des choses pour nous, les enfants, c'est de porter le témoignage de nos mères parce qu'elles disaient toujours que ce témoignage ne servait pas au passé, mais à l'avenir. Ce qui s'est passé avec le nazisme peut se reproduire n'importe où, n'importe quand. Il faut maintenant s'assurer que ce message reste une mémoire vive et non un tombeau qui se referme."

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