Manifestations propalestiniennes : les forces de l'ordre ont-elles le droit d'intervenir dans une université ?

Article rédigé par Audrey Abraham
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Des étudiants mobilisés sur le site de Tolbiac de La Sorbonne, à Paris le 30 avril 2024. (SERGE TENANI / HANS LUCAS)
En cas de blocage d'une université, la police ne peut procéder à l'évacuation des occupants que dans un cadre très précis.

Mardi 30 avril à Paris, la police est intervenue pour évacuer le site Tolbiac de l'université Paris 1 - Panthéon Sorbonne, occupé par certains étudiants pro-Palestiniens. Une intervention dénoncée par les syndicats de l'enseignement supérieur et par la Ligue des droits de l'homme qui alertent sur la restriction de la liberté d'expression dans les universités françaises. Que dit la loi ?

Seul le président de l'université peut demander une intervention des forces de l'ordre

Les universités bénéficient d'un régime particulier appelé par les juristes "franchise universitaire". Bien qu'elles soient des établissements publics, leur gestion ne relève pas du domaine public. Cela implique que la police ne peut y intervenir que si la demande vient de l'intérieur : autrement dit, sur demande ou sur autorisation du président de l'université lui-même.

Ce statut particulier permet de garantir la liberté d'opinion et l'indépendance des facultés, et remonte au Moyen-Âge. En 1229, lorsque la première révolte étudiante est organisée à Paris, les manifestants font l'objet d'une répression particulièrement violente. Certains sont tués par les gardes de la ville. En signe de soutien, les professeurs de l'université se mettent en grève et obtiennent du pape Grégoire IX un texte juridique garantissant l'autonomie de la gestion de l'université. Cette garantie d'indépendance perdure depuis, au fil des textes qui régissent l'enseignement supérieur. La dernière loi en date étant celle du 22 juillet 2013.

Le président de l'université n'a alors pas besoin de justifier, ni de motiver sa demande d'intervention des forces de l'ordre. C'est l'article L. 712-2 du code de l'éducation qui lui confère ce pouvoir. Le texte précise que le président est responsable du maintien de l'ordre dans l'enceinte de son établissement et qu'il "peut faire appel à la force publique dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État." Par ailleurs, le guide juridique de la Conférence des présidents d'université souligne que le président d'université peut même être "tenu d'une obligation d'intervention pour garantir l'ordre public" au sein de l'établissement.

C'est en vertu de cet encadrement juridique que le président de La Sorbonne a pu, mardi 30 avril, solliciter ou autoriser l'intervention de la police pour débloquer le campus de Tolbiac. De la même façon, ces dernières années, en marge de mouvements de contestation étudiants, plusieurs universités ont été évacuées.

Des exceptions au principe de non-intervention

Il existe néanmoins des exceptions au principe de non-intervention des forces de l'ordre. Il s'agit des cas de flagrant délit, de catastrophes - comme un incendie - ou lorsque la demande d'intervention émane du procureur de la République. La police peut alors pénétrer dans une faculté sans que le président du site soit à l'initiative de l'intervention.

À noter que pour garantir l'ordre public au sein de son université, le président peut aussi prendre d'autres mesures. Il a le pouvoir de suspendre les cours ou d'interdire l'accès à certains locaux pour une durée n'excédant pas trente jours. Il peut, par ailleurs, faire appel à des services de sécurité privés.

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