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"On aimerait une prise de conscience sur un tabou" : les menstruations des sportives en une de "L'Equipe"

Dans le numéro du samedi 18 février, trois journalistes ont mené une enquête sur la façon dont les sportives de haut niveau gèrent leurs règles pendant les entraînements et les grandes compétitions.

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
La une de "L'Equipe magazine" du 18 février 2017. (L'EQUIPE MAGAZINE)

"Les règles. Les championnes brisent le dernier tabou du sport." Le titre s'affiche au-dessus d'une culotte blanche agrémentée d'un petit triangle rouge sur un bas ventre et des cuisses, en une de l'édition du samedi 18 février du magazine L'Equipe.

L'hebdomadaire consacre huit pages à cette enquête réalisée par trois journalistes, Béatrice Avignon, Chrystelle Bonnet et Nicolas Herbelot. Le choix, explique Béatrice Avignon et Chrystelle Bonnet, contactées par franceinfo, a été fait pour permettre une "prise de conscience", dans un monde décrit comme "très masculin".

"Même si la rédaction est plutôt masculine, il n'y a eu aucun frein"

C'est Nicolas Herbelot qui a eu l'idée du sujet. "Il suit l'athlétisme, et il entendait des sportives dire sur les pistes : 'Aujourd'hui, cela ne tombe pas bien.' Les coachs glissaient parfois : 'Une fois par mois, c'est compliqué.' Au fur et à mesure, cela a fait du chemin dans sa tête", relate Chrystelle Bonnet.

Le déclic s'est produit au cours de l'été 2016. Pendant les Jeux olympiques de Rio, la nageuse chinoise Fu Yuanhui en a parlé ouvertement. Apparue fatiguée, la sportive de 20 ans avait terminé quatrième à l'issue de la finale du 4x100 mètres quatre nages dames, le 13 août. "Mes règles ont commencé hier, alors je me sens particulièrement fatiguée. Mais ce n'est pas une excuse, je n'ai quand même pas assez bien nagé", avait alors déclaré la championne.

"On s'est dit que c'était le moment de proposer le sujet, explique Chrystelle Bonnet. Même si la rédaction est plutôt masculine, il n'y a eu aucun frein. En conférence de rédaction, tout le monde a trouvé que c'était une bonne idée."

"On réalise à quel point les règles peuvent pourrir la vie des sportives"

Les trois journalistes ont d'abord interrogé Carole Maitre, gynécologue à l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (Insep) et auteure d'une étude sur le sujet. Puis ils ont contacté des sportives françaises, qui ont "répondu volontiers". Les championnes racontent comment elles composent avec leurs règles.

"Au fil des témoignages, on réalise à quel point les règles peuvent pourrir la vie des sportives avec leur cortège de manque d'énergie, barre dans le dos, migraine, crampes, maux de ventre parfois terribles, manque de sommeil, vomissements..." écrit L'Equipe dans son enquête, consultée par franceinfo. Les sportives expliquent qu'elles souffrent davantage du syndrome prémenstruel que des douleurs du début des règles, qui sont atténuées par l'adrénaline de la compétition.

"Les plus jeunes doivent aussi être informées"

De manière générale, les journalistes auteurs de l'enquête espèrent "une prise de conscience des entraîneurs". "Les coachs disent souvent : 'Ce n'est pas mon affaire.' Mais les médecins peuvent leur dire qu'une sportive ne se sent pas bien. Les plus jeunes doivent aussi être informées", précise Béatrice Avignon. Ainsi, dans le dossier, une gymnaste "livre qu'à 20 ans, elle n'est pas encore réglée". 

"On se dit que ça va permettre aux filles de réaliser que ça compte dans leurs performances. Car les performances de sportives de haut niveau ne tiennent pas à grand-chose, à quelques dixièmes de seconde", indique Chrystelle Bonnet. "Les sportives dans les catégories à poids, comme la boxe ou le taekwondo, ont les plus gros soucis, car le poids peut augmenter avant ou pendant les règles", ajoute-t-elle. Il faudrait davantage d'études, estime la journaliste, qui cite en exemple l'équipe de hockey féminine d'Angleterre, où le cycle est étudié, ou l'équipe de handball des Bleues, dont le médecin prend conscience du problème.

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