Fin de vie, hôpital public, plein emploi... Ces dossiers qui attendent Catherine Vautrin, nouvelle ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités
Et de sept ! Catherine Vautrin est devenue, jeudi 11 janvier, la septième ministre de la Santé nommée sous la présidence d'Emmanuel Macron depuis 2017. Cette personnalité de droite, déjà entrée au gouvernement sous Jacques Chirac, succède à Agnès Firmin-Le Bodo, qui assurait l'intérim depuis la démission d'Aurélien Rousseau en décembre. Elle sera aussi secondée par une ministre déléguée à la Santé, en la personne d'Agnès Pannier-Runacher, selon les informations de franceinfo.
Outre la Santé, Catherine Vautrin aura la charge des sujets liés au Travail, un portefeuille jusqu'ici détenu par Olivier Dussopt, et des Solidarités, en lieu et place d'Aurore Bergé, désormais chargée de l'Egalité femmes-hommes.
Catherine Vautrin pourrait là aussi bénéficier de renforts, alors que la deuxième partie du gouvernement de Gabriel Attal doit être dévoilée ces prochains jours. Franceinfo vous explique quels sont les principaux chantiers qui attendent la responsable de ce grand ministère, qui lui vaut d'occuper le quatrième rang dans la hiérarchie protocolaire.
Le débat sur la fin de vie
C'est l'une des plus importantes réformes promises pour cette année : le gouvernement doit présenter son projet de loi sur la fin de vie "courant mars-avril" en Conseil des ministres, selon Emmanuel Macron. D'ici là, la nouvelle ministre de la Santé n'aura que peu de temps pour s'emparer du dossier, fruit d'un long travail entamé dès 2022 par Agnès Firmin-Le Bodo, dont l'avenir au sein du gouvernement paraît compromis. Une stratégie nationale de développement des soins palliatifs, largement esquissée dans un rapport remis à l'exécutif en décembre, doit être dévoilée d'ici à la fin du mois, avant que le chef de l'Etat n'expose en février les orientations retenues pour l'ouverture de l'accès à une aide à mourir en France.
Alors qu'Agnès Panier-Runacher avait soutenu en 2021 une proposition de loi allant dans le sens de l'aide active à mourir, Catherine Vautrin, connue pour ses positions sociales conservatrices – elle avait voté contre le mariage pour tous en 2013 et participé aux manifestations contre le projet de loi, avant de le regretter en 2023 –, n'a pas fait état de sa position récemment. En 2004, alors secrétaire d'Etat aux Personnes âgées du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, elle avait toutefois estimé, lors des débats sur la proposition de loi relative aux droits des malades, que "l'euthanasie active" relevait de "démarches inacceptabes". "Je ne me réjouis pas de sa nomination", a réagi Jonathan Denis, président de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité, dans Le Monde.
La loi sur le grand âge
En parallèle, sauf changement de cap décidé par Gabriel Attal, Catherine Vautrin devra aussi porter la future loi de programmation sur le grand âge promise par l'ancienne Première ministre, Elisabeth Borne. En novembre, Elisabeth Borne avait souhaité qu'un texte "puisse être présenté d'ici l'été", avant une adoption au second semestre 2024.
L'enjeu est de taille face au défi du vieillissement de la population, qui rend nécessaire un investissement humain et financier conséquent pour amplifier et améliorer la prise en charge des personnes âgées. "Si on loupe l'opportunité qui est la nôtre dans l'année qui vient, on risque de ne plus avoir le temps", avait prévenu Aurore Bergé, alors ministre des Solidarités, chargée de piloter les concertations.
La réforme de l'AME
Avant de quitter Matignon, Elisabeth Borne avait promis aux élus du parti Les Républicains de réformer l'aide médicale d'Etat (AME) en 2024, sans la supprimer, en échange de leur soutien au projet de loi sur l'immigration. Il reviendra donc à Catherine Vautrin de poursuivre ce projet, en s'appuyant sur le récent rapport réalisé par l'ancien ministre socialiste Claude Evin et l'ex-préfet Les Républicains Patrick Stefanini.
Mais le sujet est sensible et risque de diviser une nouvelle fois la macronie. En désaccord avec la réforme de l'AME, trois médecins ont porté plainte pour violation du Code de la santé publique, fin décembre, contre Olivier Véran, alors porte-parole du gouvernement, ainsi que plusieurs députés, tous médecins de profession. L'ancien ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, s'était également opposé à sa suppression, voulue par la majorité de droite au Sénat.
L'IVG dans la Constitution
Lors de la passation de pouvoir avec Agnès Firmin-Le Bodo et Aurore Bergé, Catherine Vautrin a rendu hommage à Simone Veil au moment où "son texte fondateur" légalisant l'interruption volontaire de grossesse (IVG) doit être "gravé dans le marbre de notre Constitution". Réforme hautement symbolique, sur laquelle Eric Dupond-Moretti, le ministre de la Justice, a la main, l'inscription de l'IVG dans la Constitution est espérée par l'exécutif pour le 5 mars via un Congrès à Versailles. Cette rare réunion des députés et des sénateurs est nécessaire pour faire adopter une révision constitutionnelle, à condition de réunir le vote favorable de 3/5e des parlementaires.
L'agenda est tout de même serré pour l'exécutif, car un préalable est nécessaire avant de passer au vote du Congrès : que le texte ait été adopté par les deux chambres du Parlement dans les mêmes termes. Pour s'assurer une victoire, le gouvernement a proposé une formulation proche de celle adoptée en février par les sénateurs, avec la notion de "liberté garantie" à l'IVG – et non de "droit". Toute modification rédactionnelle du Sénat viendrait néanmoins bouleverser le calendrier de l'exécutif, car un nouvel examen serait nécessaire.
La crise de l'hôpital public
Comme ces prédécesseurs, Catherine Vautrin aura la lourde tâche de répondre aux demandes des soignants hospitaliers, qui dénoncent une sous-dotation de l'hôpital public et des conditions salariales insuffisantes. "Rien n'a changé" dans les services d'urgence, qui sont "actuellement saturés, comme tous les hivers", affirmait ainsi Marc Noizet, président du syndicat Samu-Urgences de France, fin décembre. L'urgentiste déplorait aussi "une absence de visibilité" pour le système de santé causée par la succession de ministres éphémères.
Face aux tensions de recrutements à l'hôpital public, l'indemnité forfaitaire pour le travail des dimanches et jours fériés et le travail de nuit pour une partie du personnel hospitalier ont été revalorisés au 1er janvier, conformément aux engagements du gouvernement. Lors de la cérémonie de passation de pouvoir avec Agnès Firmin-Le Bodo, la nouvelle ministre s'est voulu rassurante, promettant que "l'hôpital public et tous les établissements de santé [devaient] être tout autant soutenus que modernisés" et que les soignants, dont elle a souligné "le courage", devaient avoir "des conditions d'exercice stimulantes". Mais la taille du ministère de Catherine Vautrin fait craindre à plusieurs acteurs du secteur un immobilisme gouvernemental sur le sujet.
Le plein emploi et les bas salaires
Catherine Vautrin devra aussi concourir à l'objectif de plein emploi (5% de taux de chômage) que vise Emmanuel Macron pour 2027. Elle devra donc poursuivre les réformes liées au travail mises en œuvre par Olivier Dussopt : celle du revenu de solidarité active (RSA), qui a durci les obligations pesant sur les allocataires, et le lancement de France Travail, en lieu et place de Pôle emploi.
Elle aura également en charge la concrétisation des négociations entamées entre les partenaires sociaux sur le maintien dans l'emploi des salariés seniors. Un dossier sur lequel la nouvelle ministre du Travail devra imprimer sa marque, alors que Bruno Le Maire propose de revoir leurs conditions d'accès à l'assurance-chômage. Enfin, elle devra aussi veiller à la question des bas salaires, alors que les 56 branches professionnelles qui ont des niveaux conventionnels de rémunération en dessous du smic ont jusqu'à juin pour se mettre en conformité.
Evoquant lors de sa passation avec Olivier Dussopt un dialogue social "parfois difficile, mais toujours fécond", Catherine Vautrin a annoncé qu'elle recevrait "très prochainement les partenaires sociaux" pour évoquer ces questions.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.