Le secret médical est-il menacé ?
C'est l’un des droits fondamentaux du patient : le respect du secret médical. Une sacro-sainte règle chez les blouses blanches qu’un décret paru en toute discrétion cet été, risquerait de mettre à mal. Publié le 22 juillet, il autorise certains professionnels non médecins à échanger des données de santé sur un patient. Des assistants de services sociaux, par exemple, des ostéopathes, des chiropracteurs, des psychothérapeutes, ou encore des éducateurs et aides familiaux. Or ces professionnels ne sont pas assermentés. C'est ce qui inquiète les syndicats de médecins.
"On est vraiment inquiet sur ce décret de partage des données du secret de santé du patient parce que le secret médical va être partagé entre beaucoup d’intervenants. Or beaucoup d’intervenants, cela signifie qu’il y a une vraie menace sur le secret médical. Et le secret médical il protège le patient, il ne protège pas le médecin", explique Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des Médecins de France.
Mais selon les professionnels cités dans le décret, comme les ostéopathes, la législation ne nuit pas aux intérêts du patient. Bien au contraire, l’échange d’informations de santé permettrait de mieux les accompagner. "Vous prenez le cas d’un patient qui s’est fait une entorse à la cheville. Il a fait une radio de contrôle, il a été voir son généraliste, il est suivi par un kiné, et en plus il va voir son ostéopathe. On va chacun avoir un rôle à jouer. Si on n’échange pas, comment savoir que la radio du patient est négative ? Comment savoir quelle est la prise en charge réelle du kiné ? ", estime Olivier Jacq, ostéopathe.
Hippocrate s’en retournerait-il dans sa tombe ? Pas si sûr selon le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM). D’après lui, la loi est claire : c’est au médecin et à lui seul de juger quelles informations médicales peuvent ou non être échangées. Et les garde-fous subsistent.
"Dans le texte du décret il est dit : le médecin « peut » et non pas le médecin « doit ». Echange et partage, oui mais à certaines conditions très précises. Il faut que l’information soit nécessaire et indispensable à la prise en charge du patient sur le plan médical, social, et médico-social. Ce point est très important", souligne Jean-Marie Faroudja, président de la section éthique et déontologie du CNOM.
Mais si ces informations-là, même restreintes, sortaient de la sphère strictement médicale, un risque persisterait : celui de ne plus pouvoir les contrôler car les professionnels du champ médico-social ne sont soumis à aucun ordre ni à aucune obligation de secret professionnel. Un risque qui reste théorique selon Me Samuel Fitoussi, avocat : "Ce sont des professionnels qui œuvrent au quotidien dans l’intérêt des personnes qu’elles suivent. Donc s’il peut y avoir une crainte de principe, je pense qu’en pratique, il n’y a pas beaucoup de craintes à avoir pour les patients."
Le décret ne serait donc pas une menace tant qu’il est appliqué dans l’intérêt du patient. Mais la nouvelle législation ne peut le garantir. En acceptant que des informations de santé gravitent hors des cabinets médicaux, elle ouvre une brèche vers de potentielles dérives. Si ces données tombent entre les mains de sociétés d’assurance, par exemple, elles pourraient servir leurs intérêts commerciaux.
Le meilleur rempart contre le partage d’informations de santé reste le patient lui-même. En effet, le médecin ne peut échanger le contenu d’un dossier médical sans l’autorisation préalable de son titulaire.
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