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Variant Omicron : le nombre de contaminations en France est-il sous-estimé ?

Article rédigé par Mathilde Goupil, Noé Bauduin
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Un technicien de laboratoire manipule un prélèvement réalisé lors d'un test PCR pour le Covid-19 à Mulhouse (Haut-Rhin), le 17 novembre 2020. (PATRICK HERTZOG / AFP)

Un peu plus de 300 cas de contaminations au variant Omicron du coronavirus ont été officiellement recensés en France, mi-décembre.

"Nous freinons le variant Omicron avec succès." Le ministre de la Santé, Olivier Véran, s'est réjoui, jeudi 16 décembre, de la stratégie française face à l'arrivée du dernier variant préoccupant identifié par l'Organisation mondiale de la santé (OMS), le variant Omicron.

"On a 200 et quelques cas diagnostiqués dans notre pays (...) comparés à peut-être cinquante, cent fois plus chez nos voisins anglais", note-t-il, estimant que "notre stratégie d'isolement, de traçage, de contact tracing, de séquençage, de criblage est fonctionnelle". Cependant, "il ne faut pas se leurrer, il y a un moment où ce variant va envahir la planète", prévient Olivier Véran.

La France fait-elle mieux que son voisin d'outre-Manche, ou réussit-elle moins bien à détecter les personnes contaminées à ce nouveau variant ? Franceinfo s'est penché sur la question.

Un chiffre "forcément sous-estimé"

Seuls 347 cas de contamination par le variant Omicron ont été comptabilisés en France, selon les dernières données de Santé publique France (PDF), au 17 décembre. Comme le souligne Olivier Véran, c'est bien moins que chez nos voisins britanniques, où 11 708 cas du variant étaient recensés le 16 décembre, ou au Danemark, qui comptait 9 009 cas le même jour.

Le chiffre français "est forcément sous-estimé", reconnaît auprès de franceinfo Vincent Enouf, directeur adjoint du Centre national de référence des virus des infections respiratoires à l'Institut Pasteur à Paris. D'une part, car le nombre total de cas de Covid-19 est lui aussi sous-estimé, puisque certaines personnes porteuses du virus mais asymptomatiques ne sont pas testées, donc pas diagnostiquées. Ensuite, parce que certaines personnes testées positives grâce à un test antigénique ne font jamais de test PCR pour confirmer le diagnostic – ce qui est normalement obligatoire.

Or, seuls les prélèvements réalisés lors des tests PCR sont criblés, c'est-à-dire analysés pour rechercher la présence de mutations spécifiques à tel ou tel variant. Enfin, parce que seule une partie des tests PCR positifs font l'objet de ce criblage. Entre le 7 et le 13 décembre, 27% des tests PCR positifs ont fait l'objet d'un criblage, soit environ 117 300 tests, selon Santé publique France.

Des méthodes d'analyse en passe d'évoluer

Comment les autorités décident-elles quels tests doivent être analysés ? La direction générale de la santé a recommandé (PDF), le 2 décembre, le criblage des tests PCR positifs des personnes ayant séjourné en Afrique australe (où a été identifié variant Omicron) et des cas contacts de ces personnes. Mais la méthode de criblage actuelle ne permet pas encore de détecter de mutation spécifique au variant Omicron. Les prélèvements criblés actuellement qui ne répondent à aucune des mutations identifiées chez les autres variants sont donc seulement "soupçonnés" d'être liés au variant Omicron. "Cette méthode est donc assez peu spécifique et demande un énorme travail de séquençage", reconnaît Justine Schaeffer, chargée de projet expertise variants à Santé publique France. Un nouveau panel de mutations, cette fois spécifique au variant Omicron a donc été élaboré, et il sera mis en œuvre "dans les prochains jours".

A la différence du criblage, le séquençage est plus long (une dizaine de jours) et requiert des outils plus perfectionnés afin d'analyser l'intégralité du génome. En France, le consortium pour la surveillance et la recherche sur les infections à pathogènes émergents via la génomique microbienne (consortium Emergen), coordonné par Santé publique France et l'ANRS Maladies infectieuses émergentes, réalise chaque semaine le séquençage d'une partie des tests PCR positifs.

Quelque 11 700 tests ont fait l'objet d'un séquençage durant la semaine du 29 novembre au 5 décembre, soit 5,6% des cas de Covid-19 recensés la semaine précédente, selon Santé publique France. C'est plus que l'Allemagne ou l'Espagne, mais beaucoup moins que le Royaume-Uni et le Danemark, comme le montre ce graphique réalisé avec les données de la première quinzaine de novembre (derniers chiffres disponibles pour des comparaisons internationales fiables).

Il est donc difficile d'estimer précisément le nombre de cas du variant Omicron présents aujourd'hui sur le territoire français, selon Bruno Lina, virologue et coordinateur du Centre national de référence des Hospices civils de Lyon. Ils seraient "entre 2 000 et 3 000" avance de son côté Bertrand Guidet, chef du service de médecine intensive réanimation de l'hôpital Saint-Antoine (AP-HP), dans Le Parisien (article réservé aux abonnés). Une chose est certaine : le variant Omicron, qui représentait 1,4% des cas détectés la semaine du 6 décembre "va devenir majoritaire, probablement entre la fin décembre et début janvier", selon Bruno Lina.

Le séquençage systématique "coûteux" et contre-productif

Si le nombre de cas est effectivement sous-estimé, un séquençage beaucoup plus large, sur le modèle de la stratégie britannique, n'aurait pour autant pas beaucoup plus d'intérêt, assurent les experts interrogés par franceinfo. "Il n'y a pas de logique scientifique à avoir un séquençage systématique, note Bruno Lina. L'important est d'avoir un échantillonnage séquencé suffisamment important pour qu'il soit représentatif, c'est-à-dire qu'il puisse voir les mouvements des variants, et qu'il soit sensible, donc qu'il puisse détecter un événement rare." 

L'Organisation mondiale de la santé rappelle d'ailleurs qu'"il n'est pas nécessaire de rechercher les variants préoccupants dans tous les échantillons positifs au test Sars-CoV-2". "Il est possible de sélectionner une proportion d’échantillons représentative de différentes zones géographiques, grappes ou catégories cliniques de patients", estime l'agence onusienne. Elle recommandait ainsi en septembre le séquençage d'"au moins 5%" des échantillons positifs. Un niveau comparable à ce que fait la France.

Le résultat obtenu sur cet échantillon permet "d'avoir des estimations de la proportion de ce variant parmi tous ceux qui circulent en France, et c'est ce qui va guider les décisions politiques qui seront prises ensuite", détaille Bruno Coignard, épidémiologiste et directeur de la section des maladies infectieuses de Santé publique France. L'Hexagone n'a ainsi pas attendu une explosion des cas de contamination au variant Omicron pour limiter l'arrivée sur son territoire de voyageurs en provenance du Royaume-Uni, souligne Vincent Enouf, par ailleurs responsable de la plateforme de séquençage P2M à l'Institut Pasteur.

Un séquençage systématique représente en outre un "coût financier important" pour le contribuable, ajoute le virologue Bruno Lina, également membre du Conseil scientifique. Et peut-être contre-productif au niveau mondial, signale Vincent Enouf : "Les Anglais utilisent une grande partie du matériel nécessaire au séquençage disponible au niveau mondial, alors qu'il pourrait être utile dans d'autres pays, qui, du coup, ne peuvent plus commander les kits nécessaires."

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