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Vidéo Covid-19 : comment la Chine, la Russie, l'Europe et les États-Unis pratiquent-ils la diplomatie vaccinale ?

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Article rédigé par franceinfo - Jean-Marc Four, Zhifan Liu, Jean-Didier Revoin, Angélique Bouin, Loig Loury
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Chaque semaine dans le monde en face, une même actualité vue par quatre correspondants de franceinfo. Aujourd'hui, direction Pékin, Moscou, Bruxelles et New York, pour voir comment le vaccin contre le coronavirus est utilisé, ou non, comme un outil d'influence géopolitique.

Alors que la vaccination contre le Covid-19 avance à tâtons, plusieurs pays ont décidé d'utiliser le vaccin comme un outil diplomatique, d'en faire un outil de "soft power", un outil d'influence, en particulier auprès des régions les plus démunies de la planète, notamment en Afrique et en Amérique du Sud. Mais les grands producteurs de vaccins, la Chine, la Russie, l'Europe, les États-Unis n'ont pas tous la même stratégie sur le sujet, ce qui donne une grande partie d'échecs au niveau mondial. Cette semaine, nous vous emmenons à Pékin, à Moscou, à Bruxelles et à New York.

La Chine est le pays par excellence qui a décidé d'utiliser cette diplomatie du vaccin. La Chine possède déjà deux vaccins exploitables. Et comme la situation épidémique est à peu près contrôlée à l'intérieur du pays, il n'y a pas d'urgence à vacciner en priorité la population chinoise, donc priorité à l'exportation. Une image résume assez bien la situation, c'est celle de l'ancienne légende du football brésilien Pelé, en train de se faire vacciner. Un cliché qui a rapidement fait le tour des médias locaux, alors que l'ancien champion du monde s'est fait vacciner à l'aide d'un produit chinois, au plus grand bonheur de la propagande communiste.

Depuis le début de la crise sanitaire, la Chine a exporté ses vaccins à plus de 20 pays et ne compte pas s'arrêter en si bon chemin, puisqu'elle a déjà promis l'envoi de 500 millions de doses à plus de 45 États. Pékin essaie de redorer son blason alors que son image s'est largement dégradée depuis le début de l'épidémie. Officiellement, le régime communiste se défend de vouloir jouer les héros et affirme simplement vouloir produire un bien public mondial. Un bien public mondial, c'est exactement ce qu'avait promis dès mai dernier le président chinois Xi Jinping à la tribune virtuelle des Nations unies.

La Russie mène une stratégie assez similaire de la Russie, même si, pour le coup, la situation épidémique n'est pas contrôlée en Russie. Mais ça ne change rien. Là encore, priorité à la diplomatie vaccinale, à l'exportation du vaccin maison. Depuis quelques semaines, Bruxelles se penche sur l'homologation du vaccin Spoutnik V. Un succès pour le Kremlin, dans la mesure où les relations diplomatiques avec l'Union européenne sont au plus bas. Une victoire diplomatique pour la Russie, car le vaccin est déjà homologué dans plus de 15 pays. Des pays alliés comme la Serbie ou l'Arménie, mais pas seulement : le Mexique et l'Argentine ont reçu des doses de ce vaccin.

Un vaccin qui apparaît comme un vecteur de l'influence croissante que la Russie veut avoir dans le monde, pour pouvoir développer de nouveaux partenariats industriels, en dehors de sa sphère d'influence traditionnelle. C'est déjà le cas en Corée du Sud, où le vaccin Spoutnik est fabriqué en sous-traitance. Moscou souhaiterait d'ailleurs que ce soit le cas également dans l'Union européenne. Cette épidémie a permis de montrer que la Russie était d'une part en mesure de produire un vaccin, d'autre part, qu'elle était prête à le fournir aux pays qui en faisaient la demande, alors que les pays occidentaux ont plutôt tendance jusqu'à présent à garder pour eux leurs vaccins.

L'Union européenne s'embarrasse de plus de précautions. D'abord, le vaccin est présenté comme un bien public. À ce titre, il ne saurait être utilisé officiellement comme un outil d'influence et en plus, la vaccination ne progresse que lentement en Europe. Mais tous les pays de l'Union n'ont pas la même position. Plusieurs pays souhaitent ne pas laisser le champ libre à la Chine et à la Russie, en particulier en Afrique. Cela s'est illustré lors du dernier sommet européen, lorsque plusieurs États membres, dont la France et le Portugal, ont proposé d'envoyer 13 millions de doses de vaccins sur le continent africain, pour vacciner son personnel soignant. Une mesure assez symbolique, puisque c'était moins de 0,5% des doses réservées par l'Europe. Mais leurs partenaires n'ont pas voulu, en particulier l'Italie, expliquant que face aux opinions publiques, la mesure était difficile à vendre, alors qu'on manque cruellement de vaccins sur le continent européen.

L'Élysée a regretté ce refus, arguant qu'il s'agissait d'une mesure certes humanitaire, mais aussi géostratégique. C'est d'autant plus regrettable que l'Union européenne, depuis le début de la pandémie, envoie des dizaines de millions d'euros pour soutenir le continent africain en envoyant des masques, des respirateurs, du personnel, sans en faire très particulièrement la promotion.

Aux États-Unis, c'est à peu près l'inverse de la Chine. Comme l'épidémie n'est pas contrôlée, la priorité, c'est de vacciner la population américaine. Les exportations passeront plus tard. C'est "America first". Finalement, sur ce sujet, Biden fait comme Trump. Le nouveau président américain a été relativement clair sur ce point : il ne cèdera aucun vaccin à l'étranger tant que chaque Américain n'aura pas été vacciné. Des doses, pourtant, il y en a : 700 millions ont été commandées. On estime qu'au mois de mai prochain, chaque Américain pourra avoir été vacciné. Et malgré tout, Joe Biden poursuit sur cette option du "America first". "L'Amérique d'abord", pour reprendre l'expression favorite de son prédécesseur Donald Trump. Il l'a redit d'ailleurs il y a quelques jours à son homologue mexicain, qui réclamait, sans succès, des doses vaccinales.

Les États-Unis, en revanche, ont promis quatre milliards de dollars à Covax, l'opération vaccinale des Nations unies. Mais on est très loin des efforts diplomatiques déployés par deux grands adversaires des Etats-Unis que sont la Russie et la Chine en matière de vaccins. Cette grande bataille de la diplomatie vaccinale ne fait sans doute que commencer. Mais pour l'instant, la Chine et la Russie ont pris une longueur d'avance.

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