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Covid-19 : pourquoi le gouvernement ne veut pas rendre la vaccination obligatoire

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Publié Mis à jour
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Le personnel médical accueille des patients à l'ouverture d'un centre temporaire de vaccination, à Bordeaux, le 26 mai 2021. (PHILIPPE LOPEZ / AFP)

L'Académie de médecine préconise, dans un communiqué publié mardi, que la vaccination contre le Covid-19 soit rendue obligatoire pour "assurer une immunité collective suffisante pour contrôler l'épidémie". Mais le gouvernement continue d'écarter cette possibilité.

Le gouvernement persiste et signe : la vaccination contre le Covid-19 ne sera pas obligatoire en France. Pourtant, l'Académie de médecine a relancé le débat, mardi 25 mai, en plaidant pour que l'obligation vaccinale contre le Sars-CoV-2 soit envisagée. L'instance craint que des réticences empêchent in fine d'atteindre l'immunité collective.

Les opinions sont beaucoup plus mitigées sur la question : 51% des Français y sont favorables (contre 46% qui y sont opposés), selon une étude du Cevipof et d'Opinionway réalisée en mai. Franceinfo fait le tour des raisons pour lesquelles le gouvernement refuse de contraindre les Français à se faire vacciner.

Parce que l'exécutif s'y est engagé

Le président de la République Emmanuel Macron avait d'emblée écarté l'éventualité de rendre le vaccin obligatoire, lors de son allocution du 24 novembre 2020. "Je veux aussi être clair : je ne rendrai pas la vaccination obligatoire", avait-il assuré. En décembre, lors de son entretien chez le média Brut., le président expliquait sa décision par le rejet de l'obligation vaccinale par une large partie de l'opinion publique notamment, affirmant croire beaucoup plus "au travail de conviction par la transparence." 

Emmanuel Macron a rappelé qu'au début de son mandat, des vaccins bien connus ont été rendus obligatoires : "Ça a été un très gros débat démocratique dans notre pays et on était avec des vaccins qu'on connaissait par cœur, on avait des décennies de recul", ce qui n'est pas le cas avec les vaccins contre le Covid-19, a-t-il précisé. Le 21 mai, lors d'un déplacement à Nevers (Nièvre), le président de la République a une nouvelle fois affirmé sa position. "Si on veut que la nation reprenne une vie normale, il faut le maximum de gens qui se vaccinent. Mais je respecte l'avis de chacun, c'est pour ça qu'on ne l'a pas rendu obligatoire. Je préfère marcher par la conviction."

Parce que le gouvernement préfère miser sur le dialogue

L'exécutif n'a pas l'intention de suivre l'avis de l'Académie nationale de médecine, qui recommande de rendre progressivement obligatoire la vaccination contre le Covid-19. "Si en décembre, l'adhésion au vaccin était minoritaire, elle est aujourd'hui majoritaire. Il faut donc continuer à convaincre", a confié un proche du ministre de la Santé à franceinfo

Selon le baromètre du Cevipof et d'Opinionway, les vaccins sont de plus en plus approuvés par les Français : 65% du panel dit vouloir se faire vacciner ou avoir déjà reçu une dose, soit une augmentation de 16 points depuis février. Principale raison évoquée par les personnes sondées favorables à la vaccination : "c'est le seul moyen d'en finir avec la contagion et de retrouver une vie normale."

De plus, après des débuts difficiles, le gouvernement a atteint ses objectifs : celui des 20 millions d'injections mi-mai, avant sans doute celui des 30 millions mi-juin. Cependant, dans les catégories qui ont déjà droit à la vaccination, notamment les personnes âgées, "on commence à arriver de plus en plus sur la population des sceptiques", reconnaît le ministère de la Santé auprès de l'AFP.

Pour autant, "on ne se résout pas à ce que 20% des plus de 75 ans ne soient pas encore vaccinés", a renchéri l'entourage du Premier ministre auprès de l'AFP. Le mot d'ordre est donc clair : il faut aller chercher ceux qui ont droit à la vaccination, pour limiter au maximum le nombre de non-vaccinés.

Une stratégie que l'exécutif résume par la formule "Aller vers". "On continue cette politique d''Aller vers' systématique, et on descend par tranche d'âge", explique le ministère de la Santé. "On a appelé les préfets, ARS, élus, centres de vaccination à mettre en place une stratégie de dernier kilomètre" pour amener la vaccination aux gens, assure également l'entourage de Jean Castex à l'AFP.

Parce que le vaccin n'a pas été rendu obligatoire pour les soignants

Bien que la vaccination obligatoire ait été écartée pour le grand public, la question s'est très vite posée pour les soignants, qui sont exposés au virus et au contact permanent des malades. Début mars, Olivier Véran a envoyé une lettre aux membres du corps médical pour les inciter à se faire vacciner, en rappelant que le Covid-19 constitue à l'heure actuelle la principale infection nosocomiale dans les établissements de santé.

Le ministre de la Santé rappelait, lors d'une interview à RMC en mars, qu'un certain nombre de vaccinations étaient obligatoires pour les soignants, comme celles contre l'hépatite B ou la poliomyélite par exemple. Il a affirmé qu'une obligation pouvait être envisageable sur le plan législatif. "Je saisirai le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) pour lui poser la question de savoir s'il est éthique de refuser de se faire vacciner quand on est soignant. Cela pourrait nous conduire à prendre des décisions supplémentaires. Nous verrons, nous n'en sommes pas encore là." 

Finalement, le CCNE n'a pas été saisi à ce sujet. D'autant que sept soignants sur 10 avaient, fin avril, reçu au moins une dose. "Les soignants sont extrêmement exposés pendant la crise, il serait injuste de leur imposer une vaccination", estime auprès de franceinfo Karine Lefeuvre, la vice-présidente du CCNE.

Parce que la question éthique est au cœur du débat

Comment déterminer si l'obligation de se faire vacciner est éthique ou non ? En février, devant le Sénat, Olivier Véran avait ouvertement posé la question alors que le débat sur la vaccination obligatoire dans les Ehpad battait son plein. "Où est l'éthique, est-ce que c'est laisser le libre choix aux soignants de se vacciner ou non ? […] Est-ce qu'il n'est pas plus éthique de poser la question d'une incitation plus forte, voire d'une forme d'obligation vaccinale ?" 

Fin mars, le CCNE a rendu son avis (PDF) sur la question concernant les soignants. "L'enjeu éthique est celui du juste équilibre entre le principe d'autonomie qui repose sur la liberté de consentir de chacun et la responsabilité collective, puisque la vaccination confère une protection non seulement pour soi-même, mais aussi pour autrui", explique à franceinfo Karine Lefeuvre. 

Selon l'institut indépendant, dans le cadre de la pandémie de Covid-19, l'obligation vaccinale ne peut se concevoir que comme "un dernier recours, face à une situation de très grave danger créé par une pandémie non contrôlée, avec une offre de vaccins à l'efficacité et à l'innocuité parfaitement connues et éprouvées avec le recul nécessaire".

"En laissant le choix de se faire vacciner ou non, on prend le risque d'attendre plus longtemps pour atteindre l'immunité collective, mais si les gens décident eux-mêmes de se faire vacciner, l'acceptabilité n'en sera que plus forte. On observe même un effet d'entraînement."

Karine Lefeuvre, vice-présidente du Comité consultatif national d'éthique

Franceinfo

Mais le CCNE reste prudent sur ses prédictions : "Il est hasardeux de s'aventurer sur l'anticipation des conditions éthiques d'une éventuelle obligation vaccinale, alors que ces conditions ne sont pas réunies."

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