Plages fermées : les habitants "ressentent ça plus comme une brimade qu'une mesure sanitaire", dénonce le maire d'Ouessant
Denis Palluel fait part de son "incompréhension totale" devant le refus du gouvernement de rouvrir les plages. Il évoque un "sentiment d'inégalité", notamment par rapport aux citadins qui ont traversé la France pour passer le confinement dans leur résidence secondaire.
"Les communes, on leur demande de faire le boulot qui est décidé en haut, mais prendre des initiatives limités, ce n’est toujours pas possible", fustige jeudi 7 mai sur franceinfo Denis Palluel, le maire d'Ouessant dans le Finistère et président de l'association des îles du Ponant à propos du déconfinement. Pour lui, la fermeture des plages sur les îles est une décision "incompréhensible". Il assure que les habitants prennent cette décision "plus comme une brimade qu’une mesure sanitaire".
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franceinfo : Vos plages restent-elles fermées ?
Denis Palluel : C'est une incompréhension totale. À Ouessant, il y a 800 habitants et 40 km de côtes et on n'a pas le droit de mettre les pieds sur les plages. Il n’y a pas beaucoup de plages, ce sont beaucoup de sentiers littoraux. C'est une incompréhension. Sur une île, la mer et la terre, j'ai envie de dire qu'à l'estran, c'est pareil. On a plein de petits pêcheurs, retraités ou autres, qui ont leur petit canot pour aller à la pêche. Ils n'ont pas droit de le faire. Ils ressentent ça plus comme une brimade qu'une mesure sanitaire. Franchement, je ne peux pas les contredire.
Je ne vois pas où est le danger, d'autant plus qu'encore une fois, on n'a pas de touristes.
Denis Palluel, le maire d'Ouessantà franceinfo
Où est le danger sanitaire ? Il faudra me l’expliquer. Ça montre aussi un fonctionnement très centralisé. Les communes, on leur demande de faire le boulot qui est décidé en haut, mais prendre des initiatives limitées, et bien ce n’est toujours pas possible.
Comment s’annonce la reprise économique sans tourisme et la rentrée scolaire ?
Nous n’avons que des petites entreprises familiales. J'ai reçu plusieurs fois des artisans commerçants qui sont très inquiets. Il peut y avoir des mesures d'aide et il y en a, mais si vous n'avez pas de chiffre d'affaires, pas de clients, à un moment, ça va être la clé sous la porte et ça sera très, très dur à remonter. Il y a vraiment une très grande inquiétude sur la vie économique dans les mois qui viennent. On sait que dans les résidences secondaires, il y a des chefs d'entreprises, de très grandes entreprises qui pourraient peut-être aussi se pencher sur la situation locale des entreprises qui vont être en grande difficulté. Peut-être leur donner des coups de main. Certains le font, ce serait aussi une manière pour les résidents secondaires de s'investir un peu plus dans une vie à l'année sur les îles. Il y a eu une école primaire qui va reprendre dans des conditions comme partout. Ce n'est pas parce que c'est une petite école que c'est plus simple, parce que les locaux sont plus petits. On a moins de moyens humains, etc. On se débrouille. On va faire comme partout où on va pouvoir reprendre le chemin de l'école.
Comment les habitants ont-ils vécu le confinement ?
À Ouessant, il y a beaucoup d'anciens marins de commerce. Il y en a plusieurs qui m'ont dit le confinement, on connaît. Donc le confinement interne, ça n’a pas été trop dur à vivre. Après, le confinement vis-à-vis du continent, c’est deux mois sans aucune relation. Moi, personnellement, et tous les Ouessantains, c'est pareil, on n'a pas mis les pieds sur le continent depuis deux mois. Il y a des besoins maintenant qui se manifestent par des rendez-vous médicaux, pour avoir accès à certaines denrées parce que c'est quand même très limité sur l'île. Ça serait bien de pouvoir bouger un peu.
Comment s'est passé l’arrivée de résidents secondaires sur Ouessant et les autres îles ?
Sur l'île d'Ouessant, on a eu peur de ce débarquement au début. On a eu quelques résidents secondaires, mais on n'a pas eu l'invasion annoncée parce que le bateau, c'est compliqué chez nous. Il n’y avait plus que deux bateaux par semaine. On a vécu l’isolement très rapidement et ça a empêché ce mouvement qu'on a pu connaître, par exemple Noirmoutier. Les situations sont un peu diverses. C'est vrai que dans certaines îles du Morbihan, il y a eu plus de résidents secondaires. C'est quand même resté dans des proportions à peu près gérables. Même à Ouessant où il y en avait très peu, ça a provoqué des tensions. Il faut distinguer : il y avait des résidents secondaires qui étaient déjà là, qui étaient venus, par exemple, voter. Il n'y a rien à dire. Pour les autres, ce n'était pas forcément un ostracisme contre les Parisiens, d'ailleurs, ils viennent de Paris, de Lyon ou de Rennes. On s'en moque un petit peu.
Les gens avaient un sentiment d'inégalité. Il y a des gens qui pouvaient traverser la France et venir dans leur résidence secondaire. C'est vraiment ce sentiment qu'on n'est pas tous traités pareils qui, je pense, a fait que certains ont réagi de manière assez virulente.
Denis Palluel
Le mouvement n'a pas été très important. Il y a eu d'autres tensions dans des îles. J’ai entendu parler à Belle-Île, à Groix… C'était tout simplement de la bonne logique.Il y a des mesures qui sont prises pour tout le monde. Ce n'est pas parce qu'on a une maison sur l'île ou ailleurs d'ailleurs, qu'on peut s'affranchir de la loi. C’est vraiment ça qui a énervé des gens. Sur Ouessant, pas nécessairement, mais il y a eu d’autres îles où on a du faire comprendre que ce n'était pas la plage, les vacances et le farniente.
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