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Pass vaccinal : entre "responsabilité" et opposition à Emmanuel Macron, le dilemme de Valérie Pécresse

La candidate des Républicains, qui s'est déclarée favorable au pass vaccinal, doit gérer les désaccords de ses troupes sur le projet de loi transformant le pass sanitaire en pass vaccinal. 

Article rédigé par Clément Parrot
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Valérie Pécresse lors de la présentation à la presse de son QG de campagne, le 4 janvier 2021, à Paris. (QUENTIN DE GROEVE / HANS LUCAS / AFP)

"On suspend !" Il est un peu plus de minuit quand la vice-présidente de l'Assemblée nationale, Annie Genevard (LR), annonce, dans la nuit du lundi 3 au mardi 4 janvier, la suspension de la séance sur l'examen du projet de loi transformant le pass sanitaire en pass vaccinal. Sous les cris de satisfaction de l'opposition, les députés viennent de rejeter lors d'un vote à main levée la demande de prolongation des débats au-delà de minuit formulée par le gouvernement. 

"Nous, on n'a pas sauté de joie quand ça a été suspendu, d'ailleurs on ne s'y attendait pas du tout", raconte à franceinfo le député LR Eric Diard, qui s'attendait à siéger jusqu'au bout de la nuit. "Mais on a voté la suspension parce qu'il était minuit et qu'il restait 500 amendements..." Si les conséquences de ce vote devraient rester limitées – les discussions reprennent mardi en fin d'après-midi –, l'épisode a permis à La République en marche et aux Républicains de régler leurs comptes, sur fond de campagne présidentielle.

"Amicale de l'irresponsabilité"

Les responsables de la majorité tentent de faire porter la responsabilité de ce couac de séance à l'attitude des députés de droite, en rappelant que la candidate Valérie Pécresse s'est déclarée favorable au pass sanitaire. "Soit madame Pécresse ne tient pas ses troupes, soit, et c'est encore plus grave, ça s'appelle la duplicité, vous dites à la télé des choses et dans l'hémicycle vous faites autre chose", a fustigé Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, sur BFMTV.

"Cela s'appelle la duplicité, c'est irresponsable."

Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques

sur BFMTV

"LR n'est plus un parti de gouvernement et le camouflet, ce sont les députés de droite qui l'ont infligé à tous les malades du Covid", a complété sur franceinfo Patrick Mignola, le patron du groupe MoDem à l'Assemblée. "On a vu hier soir une forme d'amicale de l'irresponsabilité se constituer avec les députés de La France insoumise, du Rassemblement national et les députés LR pour faire un coup de procédure, pour essayer de faire dérailler le calendrier de l'adoption du pass vaccinal", s'est également agacé le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, sur France Inter

"Nous sommes un parti responsable"

Au-delà du report de la discussion, la majorité dénonce aussi le vote des députés LR en faveur d'un amendement visant à supprimer l'article 1er du projet de loi, celui qui contient la transformation du pass sanitaire en pass vaccinal. "Le vote d'un amendement ne préjuge pas du vote sur le texte, tempère le LR Eric Diard. C'est un amendement coup de gueule, de mauvaise humeur… Le groupe se braque par rapport à l'attitude du ministre de la Santé, qui a tendance à nous agacer."

"Certains pensent s'abstenir ou voter contre, en raison de l'arrogance d'Olivier Véran."

Eric Diard, député LR

à franceinfo

Dépeinte comme ambiguë et divisée sur ce texte, la droite se retrouvait ce mardi autour de Valérie Pécresse, qui présentait son QG de campagne et son organigramme à la presse. Avec toutes les tendances de LR réunies pour la photo de famille, à commencer par les anciens adversaires de la gagnante de la primaire. "Il y a toujours eu des positions différentes au sein de LR, mais le groupe vit bien", assure Eric Diard. "Tout le monde est d'accord pour la vaccination, il n'y a pas d'antivax aux Républicains, mais il y a des désaccords sur les modalités", explique le député Julien Aubert, très critique envers le projet de loi. Selon lui, LR tire "sa force" de ce large rassemblement entre une droite Macron-compatible et une droite plus proche des idées d'Eric Zemmour.

"Nous avons aujourd'hui un grand rassemblement de sensibilités autour de moi, et il n'y a aucune famille politique où tout le monde pense la même chose", a tranché Valérie Pécresse depuis son nouveau QG. Elle a néanmoins assuré que la position du groupe LR était de ne pas s'opposer au texte, à l'Assemblée comme au Sénat, "car nous sommes un parti responsable".

"Piège politique"

Tout au long de la séance au Palais Bourbon, lundi soir, les députés LR n'avaient toutefois pas retenu leurs coups contre le texte du gouvernement, avec de nombreux amendements déposés. Dans un difficile exercice d'équilibriste, la droite va devoir tenter de faire entendre ses critiques, tout en gardant la ligne de responsabilité édictée par la candidate. "Ce pass vaccinal, c'est un outil de gestion de la crise sanitaire, mais le gouvernement en a fait un piège politique. Si vous votez contre le texte, vous paraissez être contre la vaccination..." regrette le député LR Julien Dive, un proche de Xavier Bertrand. 

Pour éviter de tomber dans ce "piège", Christian Jacob, le président des Républicains, s'est d'ailleurs rendu lundi soir vers 22h30 à l'Assemblée nationale pour convaincre quelques parlementaires récalcitrants de ne pas s'opposer au texte. "Je l'ai vu prendre à part des députés pour les convaincre. Sans le travail de Christian Jacob et Damien Abad [le président du groupe LR], vous auriez une majorité de votes contre le texte", confie un député LR. "Au final, je pense que le delta entre les pour et les contre est assez mince", estime Julien Dive. Le vote du groupe LR à l'Assemblée sur le texte sera donc scruté à la loupe.

Pour tenter de masquer ses divisions, la droite n'oublie pas de riposter en pointant du doigt l'absentéisme de la majorité lors du report voté lundi soir. Valérie Pécresse évoque ainsi "l'impréparation du gouvernement", qui "n'arrive pas à tenir sa majorité". "On ne s'attendait pas à un tel amateurisme de leur part. Au moment du vote, il y avait une vingtaine de députés à la buvette", se moque Eric Diard. "Ils nous tapent dessus simplement parce qu'ils ont les boules, parce qu'ils ont été mauvais, riposte aussi Julien Dive. Ils étaient à la buvette, dans leur lit ou en train de faire des interviews…" 

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