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"On fabrique des masques de fortune, c'est ubuesque" : les pompiers dénoncent leur manque de protection face au coronavirus

Dans certains départements, il est même demandé aux pompiers de n'utiliser les masques que pour traiter les cas avérés ou fortement suspects de Covid-19, entraînant des situations dangereuses.

Article rédigé par franceinfo - Fanny Lechevestrier, édité par Théo Hetsch
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2min
Deux sapeurs-pompiers lors d'un exercice au Dézert (Manche), le 15 janvier 2020 (PIERRE COQUELIN / FRANCE-BLEU COTENTIN)

Eux aussi continuent d'exercer leur métier au plus près de la population : les sapeurs-pompiers professionnels. Près de 80% de leurs interventions concernent une assistance aux personnes. Et pourtant, même pour eux, les masques ne sont pas légion. Ils existent dans les casernes, mais en nombre très insuffisants. A tel point que les pompiers de la Drôme ont reçu, via un mail, une note très précise de leur direction, la SDIS 26 : ils ont le droit de les utiliser uniquement s'ils interviennent pour transporter des malades atteints ou suspectés de coronavirus. Pour tout le reste, c'est non, dénonce David*, un pompier professionnel.

"Pour toutes les interventions ambulancières 'habituelles' que l'ont effectue, toutes celles qui ne sont pas expressément suspectées Covid-19, notre employeur nous a dit de ne pas mettre de masque".

Prenons l'exemple d'une personne qui s'ouvre le tibia sur la voie publique. On la prend en charge et on l'emmène aux urgences, sans masque. Et là, évidemment, là-bas, 100% des soignants ont des masques, mais nous, on n'en a pas.

David, pompier professionnel dans la Drôme

à franceinfo

Cette mesure de restriction de l'usage des masques, imposée par leur direction, suscite incompréhension et inquiétude au sein des équipes, explique le soldat du feu : "La paranoïa s'installe. On a peur pour les victimes qu'on prend en charge, mais aussi pour nous. La première fois que je suis arrivé aux urgences sans masque, tous les regards se sont tournés vers moi. Hier par exemple, à Saint-Marcel-lès-Valence, trois collègues ont effectué - sans masque - un massage cardiaque à une personne. Aujourd'hui, ils sont tous les trois en quarantaine. Ce n'est pas très rassurant, on n'est pas serein..."

Le système D alors qu'un cas de coronavirus a été diagnostiqué dans la caserne

Dans la caserne de David, qui compte une cinquantaine d'unités, un cas de coronavirus a déjà été diagnostiqué. Mais David craint que ce soit le premier d'une longue série. Car les pompiers font fonctionner le système D :

On fait comme tout le monde, on se débrouille. On confectionne avec nos épouses des masques de fortune.

David, pompier professionnel dans la Drôme

à franceinfo

"On travaille beaucoup avec les policiers, qui eux ont des masques. Certains agents m'en ont donné quelques-uns la nuit dernière. On est en train de pallier à nos employeurs, c'est ubuesque", dénonce le sapeur-pompier.

"Si vous utilisez des masques pour chaque intervention, on va tenir une semaine"

Et l'exemple de la Drôme serait loin d'être unique. Ainsi, dans le compte-rendu syndical d'une réunion tenue le 19 mars en Gironde, on peut y lire cette réponse d'un colonel face aux interrogations des fonctionnaires : "Le risque zéro n'existe pas. Si vous utilisez les masques pour chaque intervention pour l'ensemble de l'équipage, on va tenir moins d'une semaine". De là à renoncer à leur mission ? "Le droit de retrait est interdit pour les pompiers professionnels et se faire porter pâle, ce n'est pas dans nos habitudes", tranche David.

*Le prénom a été modifié.

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