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En Guadeloupe, l'hôpital perturbé par les blocages : "On demande simplement à pouvoir faire notre travail de soignant avec un maximum de sérénité"

Une cinquantaine d’agents du Raid et du GIGN, 200 policiers en renfort et un couvre-feu sur l’île : le gouvernement veut rétablir l’ordre en Guadeloupe après des violences, des pillages et des blocages sur fond de contestation du pass sanitaire. Une situation qui continue de perturber fortement le CHU de Pointe-à-Pitre.

Article rédigé par franceinfo - Farida Nouar et Laurent Macchietti
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Une soignante de l'unité de soins intensifs du CHU de Pointe-a-Pitre, en Guadeloupe, le 3 septembre 2021. (CARLA BERNHARDT / AFP)

Les yeux cernés, Benjamin, interne en chirurgie, quitte le centre hospitalier universitaire de Pointe-à-Pitre (Guadeloupe) avec le sentiment de ne pas avoir accompli son serment d’Hippocrate : soigner tous ceux qui en ont besoin. À cause des barrages, de nombreux confrères n’arrivent pas à accéder à l’hôpital. Il doit donc faire le tri dans ses patients. "Au bloc opératoire, on ne peut pas faire tourner les salles d'opération comme d'habitude, on ne fait pratiquement que les urgences, et tout ce qui était programmé ça s'annule. Du coup, il y a plein de patients qui attendent d'avoir leur chirurgie et qui ne peuvent pas l'avoir."

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Grégory, autre interne en chirurgie, doit aussi faire des choix : "On n'opère que ceux qui sont entre la vie et la mort." Il en veut à ceux qui tiennent les barrages et empêchent les patients d'accéder à l'hôpital : "Dans ma spécialité, l'ORL, quand on détecte le cancer, il faut traiter dans les trois semaines pour avoir de réelles chances d'être soigné."

"Ces gens ne se rendent pas compte qu'ils tuent leur famille et leurs amis parce que nos patients ne sont pas soignés."

Grégory, interne en chirurgie

à franceinfo

On constate du retard dans les chimiothérapies et des patients en danger de mort qui ne peuvent pas rejoindre les centres de dialyse à cause des blocages. Le docteur Laurent Larifla, cardiologue au CHU, a laissé sa voiture à la maison. Trop risqué pour lui de prendre la route. "Il y a des équipes de nuit qui arrivent, qui ne savent pas si elles vont être menacées sur le chemin qui va les conduire à leur lieu de travail, c'est absolument inadmissible, lâche-t-il. Ça me paraît inconcevable qu'un endroit qui est sanctuarisé comme l'hôpital, même en temps de guerre on essaye d'en garantir l'accès, et que là, en temps de paix, on fasse un blocage."

Des soignants agressés

Cédric Zolezzi, le directeur adjoint de l'hôpital, s'inquiète de plus en plus pour son personnel soignant. "Un deuxième interne a été agressé par un individu cagoulé, un médecin a aussi été molesté, un autre a dû sortir de sa voiture et on a tenté de voler son portable, énumère-t-il. Donc non, on aurait vraiment besoin que la situation de blocage et de filtrage à l'entrée de l'hôpital cesse. Ce sont déjà des conditions de travail qui sont difficiles avec un CHU qui est assez vieillissant, un bâtiment vétuste, il n'y a pas besoin d'en rajouter. On demande simplement à pouvoir faire notre travail de soignant avec un maximum de sérénité." 

Le préfet de Guadeloupe a appelé les manifestants à laisser passer le personnel soignant et à cesser les entraves à la circulation.

Crise en Guadeloupe : l'hôpital de Pointe-à-Pitre perturbé par les blocages - Reportage de Farida Nouar et Laurent Macchietti

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