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Malgré le Covid-19, le Japon a du mal à se convertir au télétravail

Le gouvernement japonais vient d’instaurer l’état d’urgence dans les principales grandes villes. Mais il se heurte à une difficulté majeure : mettre en place le télétravail dans un pays qui y est très réticent.  

Article rédigé par franceinfo - Jean-Marc Four
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Des Japonais portant des masques dans le métro de Tokyo, le 6 avril 2020. (BEHROUZ MEHRI / AFP)

Sur le papier, on associe facilement le Japon à la modernité, aux robots, et à la haute technologie. Mais c’est aussi un pays de tradition. Et en l’occurrence, la tradition qui pose problème, c’est le hanko.

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De quoi s’agit-il ? Le hanko (tout le monde connaît au Japon), c’est une sorte de tampon, de sceau personnel pour ratifier les documents : un petit cylindre avec au bout de l’encre noire qui permet de signer. Tout le monde en possède, généralement deux : un pour les documents officiels, un autre pour les signatures informelles. Et le souci, c’est que dans le travail, dans les entreprises, tous les actes nécessitent le hanko : depuis les contrats et les devis les plus officiels, jusqu’à la confirmation de l’arrivée d’un simple courrier.

C’est une tradition vieille de 2 000 ans qui s’est généralisée au 19ème siècle. Et les hankos ne peuvent pas sortir de l’entreprise. Il est bien question de créer un hanko virtuel, numérique, mais le projet est prévu pour 2022. Résultat: près de la moitié des salariés japonais qui ont initié du télétravail ces derniers jours affirment être contraints de retourner dans leur entreprise pour tamponner les documents.

Seulement 14% des salariés en capacité de travailler à distance

Plus globalement, il n'ya quasiment aucune habitude de télétravail. Le monde du travail japonais utilise encore beaucoup, en plus du hanko, le papier, les fax. La paperasserie est omniprésente. Elle explique d’ailleurs en grande partie la lenteur de décision dans certaines entreprises japonaises.

Les salariés, même quand ils ont un ordinateur portable, ne sont généralement pas autorisés à le ramener chez eux. Et les plus réticents au télétravail, ce sont les managers, les cadres. Ils y voient souvent quelque chose de dégradant, et redoutent que pratiquer le travail à distance ne soit un frein à leur carrière.

Ils privilégient aussi les réunions traditionnelles ; les visio-conférences, qui se sont généralisées ces dernières semaines en Europe, ne sont pas du tout dans les habitudes au Japon. Résultat : seulement 14% des salariés japonais se disent en mesure de pratiquer le télétravail. Et seulement 9% l’ont réellement pratiqué.

Une forte augmentation des cas à Tokyo

Mais cette fois, il y a vraiment besoin de le développer parce que la situation sanitaire se dégrade. L’épidémie a d’abord été maîtrisée au Japon. Mais ces derniers jours, à Tokyo en particulier, on compte 350 cas de plus par 24 heures. Le bilan, qui est encore modéré dans le pays (8 000 personnes contaminées, 140 morts) pourrait donc s’alourdir rapidement. Le gouvernement de Shinzo Abe a donc décrété l’état d’urgence dans les sept principales préfectures du pays.

Mardi 14 avril, le Premier ministre a donc appelé tous les Japonais qui le peuvent à opter pour le télétravail, en particulier pour désengorger les transports en commun. Certaines grandes entreprises, comme Sony ou Fujitsu, poussent désormais dans le même sens. Seulement voilà : au Japon, la loi, même en situation d’urgence, ne permet pas au pouvoir d’imposer quoi que ce soit. Les salariés ne peuvent pas être contraints à travailler chez eux. On se résume : au Japon, la tradition, notamment celle du hanko, est la meilleure alliée du virus.

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