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Jean-Michel Blanquer à Ibiza : "Pour l'exécutif, c'est un cauchemar" à 80 jours de la présidentielle, analyse un communicant

"Il y a un problème Blanquer", reconnaît Philippe Moreau-Chevrolet, professeur à Sciences Po. Alors que les appels à la démission du ministre de l'Éducation fusent, il estime "normal, vu l'affaire en question, qu'il y ait une demande de sanction". 

Article rédigé par franceinfo
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Le ministre de l'Education Jean-Michel Blanquer, le 3 décembre 2021. (LUDOVIC MARIN / AFP)

Les vacances du ministre de l'Éducation nationale Jean-Michel Blanquer à Ibiza lorsqu'il a donné une interview au Parisien pour dévoiler le protocole sanitaire, parue la veille de la rentrée scolaire de janvier, font scandale. C'est Médiapart qui l'a révélé lundi [article payant]. "Pour l'exécutif, c'est un cauchemar" à 80 jours de la présidentielle, analyse le professeur à Sciences Po et PDG de MCBG conseil Philippe Moreau-Chevrolet mardi 18 janvier sur franceinfo. Il pense néanmoins que le ministre ne sera poussé à la démission que si cela a un impact négatif dans les sondages sur les intentions de vote.

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franceinfo : Pourquoi les vacances de Jean-Michel Blanquer à Ibiza passent aussi mal auprès de la communauté enseignante ?

Ça donne une image assez désastreuse de la politique parce que ça intervient à peu près au même moment que l'affaire Boris Johnson à Londres, qui est une affaire un peu similaire. Le Premier ministre britannique a été accusé de faire des fêtes tous les vendredis pendant le confinement.

"On a le sentiment d'un deux poids-deux mesures, c'est-à-dire une population à qui on demande vraiment beaucoup d'efforts et des ministres qui, en l'occurrence, sont en vacances et sont en réalité déconnectés des efforts qu'ils demandent à la population."

Philippe Moreau-Chevrolet, professeur à Sciences Po

à franceinfo

C'est d'autant plus douloureux pour la communauté scolaire - quand même 20 millions de personnes - à qui on a balancé en quelque sorte un protocole le lundi matin de la rentrée. On a vu des gens en larmes, des directeurs d'école en larmes à l'antenne de Radio France et le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal avait dû leur répondre. On a vu que le Premier ministre Jean Castex avait été obligé de déminer la situation au 20 heures de France 2 et s'était même fait reprendre par la journaliste qui lui reprochait d'en être au troisième protocole. Dans ces conditions, tout le monde aurait préféré que le ministre soit à son bureau à Paris et pas en vacances à Ibiza. Le symbole d'Ibiza est tellement puissant, ça rappelle David Guetta, ça rappelle la fête, ça rappelle une fête aussi de riches. Ce symbole est tellement fort que ça va être difficile de le contrer comme ça.

Pensez-vous qu'il y a actuellement, un problème Jean-Michel Blanquer ?

Il y a un problème Jean-Michel Blanquer, qui est identifié depuis plusieurs semaines déjà, puisque la rentrée a été une vraie catastrophe d'un point de vue d'image en tout cas, d'un point de vue de communication. Mais que faire à 83 jours de l'élection présidentielle ? Si vous faites partir un ministre, vous avouez en quelque sorte un problème, vous vous affaiblissez et donnez à l'opposition des armes pour vous attaquer. Si vous ne le faites pas partir, vous vivez avec une épine dans le pied, mais d'une certaine façon, il reste longtemps avant le scrutin. (…) La défense habituelle de l'exécutif depuis 2017, c'est le "j'assume", donc c'est de ne pas s'affaiblir en reconnaissant une erreur, ne pas faire démissionner un ministre en pleine crise. Il faut voir combien de temps c'est tenable. À l'Élysée, ils vont regarder de près les sondages et l'évolution de l'électorat, en particulier à droite, qui risque d'être assez sensible à cette polémique.

Pourtant les appels à la démission se multiplient déjà. C'est le jeu de la politique ?

Oui, c'est la règle et puis, entre nous, c'est assez normal vu l'affaire en question qu'il y ait une demande de sanction. Ça rappelle l'affaire de Jean-François Mattéi lors de la canicule de 2003. C'était le ministre de la Santé à l'époque, il y avait une canicule qui faisait 15 000 morts dans le pays et lui avait accueilli les caméras de TF1 en duplex depuis sa maison de vacances et en polo, ça avait fait un scandale assez compréhensible et ça lui avait coûté sa carrière politique. Donc oui, un ministre peut sauter sur une affaire comme celle-ci. Il est assez logique que l'opposition le demande. Après, c'est une question de rapport de force et, encore une fois, on est à 80 jours du scrutin donc, pour l'exécutif, c'est un cauchemar. Ce qu'Emmanuel Macron fait, en général, c'est de refuser de céder à la pression. Souvenez-vous dans l'affaire Alexandre Benalla, il avait même dit qu'il faudrait venir le chercher pour qu'il remette en cause la situation de son conseiller. En général, il réagit à la pression en tenant bon et en ne bougeant pas de sa position. Là, ça va vraiment dépendre de l'évolution de l'électorat.

"S'ils constatent que la situation glisse et risque de leur échapper, peut-être qu'ils lâcheront Jean-Michel Blanquer, comme un gage à l'électorat. Si les chiffres sont relativement bons et que ça a peu d'impact, Jean-Michel Blanquer devrait s'en sortir."

Philippe Moreau-Chevrolet

à franceinfo

Malheureusement, on est plutôt dans ce type de calcul en campagne électorale.

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