Covid-19 : quelles sont les premières hypothèses des experts de l'OMS à Wuhan sur l'origine de la pandémie ?
Après quatre semaines passées dans la ville chinoise considérée comme l'épicentre de l'épidémie, la mission de l'OMS n'a pas pu déterminer formellement quelle était l'origine du virus. Elle a toutefois écarté quelques pistes.
Des pistes, pas de révélations. Après quatre semaines de mission à Wuhan, en Chine, les experts de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) n'ont pu percer les origines de la pandémie de Covid-19, responsable de 2,3 millions de morts dans le monde. D'après le scientifique australien de l'OMS Dominic Dwyer, il faudra vraisemblablement plusieurs années pour connaître les origines du Covid-19. "Je pense que nous trouverons un jour, a jugé le zoologue britannique Peter Daszak, cela pourrait prendre du temps." Néanmoins, les experts ont déjà écarté certaines pistes.
Sur l'animal comme vecteur du virus
Une transmission du coronavirus depuis une première espèce animale vers une deuxième avant une contamination à l'être humain est l'hypothèse "la plus probable", a indiqué Peter Ben Embarek, chef de la délégation de l'OMS, lors de cette conférence de presse du 9 février. Selon l'équipe de l'OMS, la première espèce serait la chauve-souris. Quant à la deuxième espèce vers laquelle aurait migré le coronavirus, elle n'a "pas encore été identifiée", a ajouté Liang Wannian, le chef de la délégation de scientifiques chinois.
Cette piste demande toutefois "des recherches plus spécifiques et ciblées", a précisé Peter Ben Embarek. Selon les experts, des dizaines de milliers d'échantillons d'animaux sauvages, domestiques et d'élevage prélevés à travers le pays ont été analysés, mais aucun ne contenait le virus Sars-CoV-2.
La virologue néerlandaise Marion Koopmans a néanmoins expliqué que des espèces très sensibles au coronavirus – rat des bambous, blaireau, lapin – étaient vendues au marché Huanan de Wuhan, lieu d'un des premiers clusters, ce qui pourrait être un point de départ pour remonter la chaîne de contamination. "Les premiers cas de pneumonie imputable au Sars-CoV-2 pourraient être liés au marché dans la première quinzaine de décembre, ce qui signifie qu’ils ont été infectés début décembre ou fin novembre", a assuré Peter Ben Embarek.
Toutefois, un Chinois qui est considéré comme le "patient zéro", le premier cas signalé de Covid-19 au monde, a assuré aux enquêteurs qu'il ne s'était pas rendu dans ce marché de Wuhan, a rapporté l'expert australien Dominic Dwyer dans l'émission australienne "60 minutes" (en anglais), diffusée sur la chaîne Nine. Par ailleurs, le zoologue britannique Peter Daszak a ajouté que de nouveaux virus découverts sur des chauves-souris en Thaïlande et au Cambodge "déplacent le curseur vers l'Asie du Sud-Est".
Sur un virus échappé d'un laboratoire
L'hypothèse de la fuite du coronavirus d'un laboratoire est "hautement improbable", a affirmé Peter Ben Embarek. Cette théorie était notamment avancée par l'administration de l'ancien président américain Donald Trump, qui avait accusé l'Institut de virologie de Wuhan d'avoir laissé s'échapper le coronavirus, volontairement ou non. Elle était également très sérieusement envisagée par plusieurs scientifiques. En effet, les laboratoires de l'Institut de virologie de Wuhan détiennent, dans leur collection, la plus grande d'Asie, 1 500 spécimens de souches virales différentes recueillies dans la nature, et sont notamment spécialisés dans les virus de chauve-souris.
Cinq jours avant l'investiture du démocrate Joe Biden, le département d'Etat avait déclaré savoir que des chercheurs de cet Institut de virologie de Wuhan étaient tombés malades "avant l'identification du premier cas de l'épidémie, avec des symptômes compatibles à ceux, à la fois du Covid-19, et de maladies saisonnières courantes". Avec l'arrivée au pouvoir du nouveau président, les Etats-Unis ont pris leurs distances vis-à-vis de cette hypothèse et ont exprimé leur soutien aux experts de l'Organisation mondiale de la santé.
Sur l'hypothèse des produits surgelés
Pékin a plusieurs fois évoqué la thèse que le coronavirus aurait pu être importé en Chine via des aliments surgelés. Le responsable des situations d'urgence à l'OMS, Mike Ryan, a estimé qu'il n'y a "pas de preuve que des aliments ou la chaîne alimentaire participent à la transmission" du virus. Mais en Chine, son équipe semble avoir accordé un certain crédit à cette thèse.
D'après le chef de la partie chinoise de la mission, Liang Wannian, le coronavirus peut voyager sur de grandes distances à la surface de produits froids, et l'analyse d'échantillons du marché de Huanan, qui vendait des animaux sauvages et des fruits de mer surgelés, a montré une "contamination généralisée" au Covid-19.
Le chef de l'équipe de l'OMS, Peter Ben Embarek, a néanmoins prévenu qu'on ignorait pour l'instant si le coronavirus pouvait se transmettre aux humains par la chaîne du froid. "Il serait intéressant d'examiner si un animal sauvage congelé qui a été infecté a pu être un vecteur potentiel", s'est-il interrogé.
Sur la date d'apparition du virus
Pékin a demandé avec insistance à l'OMS d'enquêter sur une éventuelle origine américaine de l'épidémie. La Chine a également diffusé des études suggérant que le Covid-19 serait apparu fin 2019 en Italie et dans d'autres pays. Mais la virologue néerlandaise Marion Koopmans a jugé que ces études "ne fournissent aucune preuve d'une circulation antérieure" à décembre 2019 du virus hors de Chine. "Il n'y a pas assez de preuves (...) pour déterminer si le Sars-Cov-2 s'est propagé à Wuhan avant décembre 2019", a corroboré le chef de la partie chinoise de la mission, Liang Wannian. Pourtant, des chercheurs français de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) affirment que le virus circulait en France dès novembre 2019.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.