Cet article date de plus de trois ans.

Covid-19 : pourquoi la seconde vague épidémique risque-t-elle d'être pire que la première ?

Alors que le gouvernement s'apprête à annoncer de nouvelles restrictions pour freiner la propagation du virus en France, plusieurs médecins et épidémiologistes s'inquiètent de l'ampleur de cette nouvelle vague.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Un patient malade du Covid-19 dans un service de réanimation des Hôpitaux universitaires de Strasbourg (Bas-Rhin), le 22 octobre 2020. (FREDERICK FLORIN / AFP)

"On avait prévu qu'il y aurait cette deuxième vague, mais nous sommes nous-mêmes surpris par la brutalité de ce qui est en train de se passer depuis 10 jours à 15 jours", a reconnu le président du Conseil scientifique, Jean François Delfraissy, lundi 26 octobre, sur RTL. Dimanche, l'épidémie de Covid-19 a battu un nouveau record en France avec 52 010 nouveaux cas positifs enregistrés en 24 heures.

Ces derniers jours, plusieurs médecins et épidémiologistes alertent sur la propagation galopante du virus. "Il est possible que la deuxième vague soit pire que la première", a même reconnu Martin Hirsch, directeur général de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) vendredi 23 octobre, sur RTL"Beaucoup de nos concitoyens n'ont pas encore pris conscience de ce qui nous attend", estime Jean-François Delfraissy. Franceinfo fait le point sur les éléments qui alertent les spécialistes sur l'ampleur de la seconde vague.

Parce que la circulation du virus est plus diffuse

Au printemps, la première vague a particulièrement touché certaines régions, comme le Grand Est et l'Ile-de-France, tandis que l'ouest de la France a été relativement plus épargné. Mais aujourd'hui, la propagation du virus "frappe de manière plus globale le territoire national", selon Lamine Gharbi, président de la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP), interrogé par l'AFP. Au total, 92 départements sur 101 sont ainsi en vulnérabilité élevée, selon le dernier bulletin de Santé Publique France. 

"Si on se place sur la vitesse d'apparition des cas (...) c'était bien pire lors de la première vague, parce qu'on avait une courbe exponentielle. Là, ce qui nous pose problème, c'est que la situation est grave sur toute la France", s'inquiète Eric Caumes, chef du service des maladies infectieuses et tropicales à l'hôpital de La Pitié-Salpêtrière à Paris, sur franceinfo.

Ainsi, dans la pointe du Cotentin (Manche), peu touchée par l'épidémie au printemps, l'activité hospitalière est désormais "déjà supérieure à celle de la première vague", explique Séverine Karrer, directrice du centre hospitalier public du Cotentin, à France 2.

Parce qu'elle va "concerner l'ensemble du territoire", la deuxième vague épidémique "sera bien plus dure à encaisser", estimait fin septembre Patrick Bouet, président du Conseil national de l'Ordre des médecins, sur franceinfo. "Un peu comme les feux de forêt, lorsqu'une épidémie est généralisée, il est plus difficile de la combattre que lorsqu'elle est circonscrite", illustre quant à lui l'épidémiologiste Antoine Flahault, auprès de 20 Minutes

Parce que les transferts de patients seront plus difficiles

Si toute la France est fortement touchée par l'épidémie, alors les transferts de patients entre régions, instaurés lors de la première vague pour soulager certains hôpitaux débordés, pourraient être beaucoup plus limités cet automne. 

Depuis vendredi, seize malades de la région Auvergne-Rhône-Alpes ont par exemple été transférés vers des hôpitaux de Nouvelle-Aquitaine. Mais "dans une semaine, ce ne sera plus possible", a mis en garde Benoît Elleboode, directeur général de l'Agence régionale de santé Nouvelle-Aquitaine, auprès de l'AFP.

De plus, l'activité saisonnière à cette période est traditionnellement plus importante qu'au printemps. "Nous sommes en période automnale et, sans compter la pandémie, nos services de réanimation sont déjà quasiment pleins", a indiqué à l'AFP Ferhat Meziani, chef du service de médecine intensive et réanimation au CHU de la ville de Strasbourg.

Au total, 2 770 malades du Covid-19 étaient hospitalisés en réanimation, selon les derniers chiffres communiqués lundi, pour un total de 5 800 lits de réanimation dans toute la France. Un ratio qui n'avait plus été atteint depuis avril, selon Santé Publique France.

Parce qu'il faudra prendre en charge les patients non-Covid-19

Lors de la première vague, les opérations considérées comme non urgentes ont été déprogrammées. Certains malades ont même préféré ne pas se rendre aux urgences par peur d'y être contaminés au Covid-19, avance Olivier Milleron, cardiologue à l'hôpital Bichat et membre du collectif Inter-hôpitaux, auprès de franceinfo"Il y a eu des gens qui avaient des cancers et qui n'ont pas consulté. Il y avait des gens qui avaient des douleurs à la poitrine et qui n'osaient pas venir à l'hôpital", détaille-t-il.

"Cette fois-ci, l'enjeu sera de pouvoir traiter tout le monde."

Olivier Milleron, cardiologue

à franceinfo

L'hôpital devra prendre en charge les patients atteints du Covid-19, mais aussi les autres, car l'absence de leur prise en charge lors de la première vague avait occasionné des retards de soins qui n'ont d'ailleurs "pas encore été entièrement rattrapés", note Lamine Gharbi.

C'est notamment le cas en Ile-de-France, où "l'hôpital tourne déjà à plein" en raison de la résurgence du virus, et il faut "prendre en charge toute une série de patients avec d'autres pathologies, dont certains sont dans des situations plus graves, parce que pendant le printemps nous avions des difficultés et eux ne venaient pas à l'hôpital", constate Martin Hirsch.

Parce que les soignants sont épuisés

"Nos soignants sont très fatigués", a admis Emmanuel Macron, lors de son interview du 14 octobre, justifiant ainsi la mise en place de nouvelles restrictions sanitaires. 

Nous voyons bien aujourd'hui que les professionnels de santé sont encore sous le choc de cette première vague.

Patrick Bouet, président du Conseil national de l'Ordre des médecins

sur franceinfo

Un constat partagé par l'épidémiologiste Antoine Flahault, qui s'alarme auprès de 20 Minutes, de "la lassitude, [du] burn-out parfois, des personnels soignants qui sont épuisés par des mois de lutte contre cette pandémie dans des conditions difficiles". 

Et face au rebond de l'épidémie, certains établissements ont d'ores et déjà été contraints d'annuler les vacances de leur personnel. Le directeur de l'AP-HP a par exemple expliqué que des congés avaient été déprogrammés pour certains employés de ses hôpitaux. Jean Castex a par ailleurs promis une indemnité de 110 à 200 euros brut par jour pour les soignants qui renonceront à leurs vacances de la Toussaint.

Toutefois, si le système hospitalier est soumis à une tension inquiétante, il demeure "l'un des mieux taillés en Europe pour affronter la tempête hivernale, estime Antoine Flahault. Ses personnels sont hautement qualifiés, l'infrastructure est bien maintenue pour la plupart et bénéficie des dernières avancées technologiques".

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.