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Covid-19 : peut-on mesurer les effets du couvre-feu instauré dans plusieurs métropoles ?

Les derniers chiffres sont toujours alarmants en France, avec 49 215 nouveaux cas de contamination par le Covid-19 en 24 heures, selon les données publiées vendredi par Santé publique France.

Article rédigé par franceinfo
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Des gendarmes contrôlent des attestations dérogatoires de sortie, le 17 octobre 2020 à Cugnaux (Haute-Garonne). (FR?D?RIC SCHEIBER / HANS LUCAS)

Au terme d'une semaine marquée par le confinement et l'attentat islamiste meurtrier de Nice, des bonnes nouvelles arriveraient-elles enfin ? Des spécialistes des données notent que le taux d'incidence (le nombre de cas positifs au Covid-19 sur 7 jours pour 100 000 habitants) baisse ou progresse moins vite dans certaines villes françaises. Plus précisément dans les agglomérations placées sous couvre-feu dès le samedi 17 octobre (Paris, Grenoble, Lille, Lyon, Aix-Marseille, Saint-Etienne, Rouen, Montpellier, Toulouse). Convient-il de se réjouir pour autant ?  Voilà ce qui est constaté, et pourquoi il est trop tôt pour en tirer des conclusions.

Des tendances à la baisse 

"Le couvre-feu semble enfin montrer ses effets", se réjouit, sur Twitter, Guillaume Rozier, fondateur du site CovidTracker, qui propose des graphiques basés sur les données de Santé publique France et de l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques).

L'infographie montre en effet une baisse du taux d'incidence entre le 25 et le 28 octobre à Saint-Etienne, Lille, Grenoble ou Marseille. Ce n'est en revanche pas le cas à Lyon, même si la progression s'infléchit.

Un autre "data scientist", Germain Forestier, s'est également intéressé aux effets du couvre-feu. Il a publié sur Twitter un graphique comparant la progression du taux d'incidence des villes placées sous couvre-feu dès le 17 octobre avec celle des villes qui n'ont pas appliqué le couvre-feu à cette date. On remarque que le chiffre d'incidence progresse moins vite dans les premières que dans les secondes, ce qui tendrait à montrer l'effet positif du couvre-feu.

Trop tôt pour tirer des conclusions

Ces hirondelles annoncent-elles le printemps ? Guillaume Rozier remarque lui-même qu'il faut rester "très prudent, ça peut être une irrégularité des données, ou l’effet des vacances" de la Toussaint (qui ont commencé le 17 octobre, en même temps que le couvre-feu dans les grandes agglomérations). "On sera fixés dans les prochains jours !" ajoute-t-il.  Plusieurs facteurs peuvent d'ailleurs brouiller les comparaisons entre villes qui sont ou non placées sous couvre-feu (taille des agglomérations, progression du nombre de tests ...).

Mais surtout, le recul n'est pas encore suffisant pour mesurer les effets du couvre-feu instauré il y a tout juste deux semaines. Le Conseil scientifique Covid-19 le signalait dans une note publiée le 26 octobre et actualisée deux jours plus tard. 

"Il est encore trop tôt pour évaluer l’efficacité du couvre-feu instauré le 17 octobre au soir dans neuf métropoles.

Le Conseil scientifique Covid-19

dans une note publiée le 28 octobre

"Tout au plus peut-on dire que la médiane du pourcentage d’augmentation de l’incidence depuis le 17 octobre a été plus faible dans les métropoles avec couvre-feu comparée aux métropoles sans couvre-feu", ajoutait-il dans la même note, en commentant les graphiques signés Germain Forestier.

Si le couvre-feu parvient à ralentir le nombre de contaminations, il faut en effet "compter deux semaines pour voir un impact sur les nouvelles personnes diagnostiquées, et trois semaines pour voir un impact sur les indicateurs à l'hôpital", avait expliqué le 19 novembre à l'AFP Dominique Costagliola, épidémiologiste et directrice de recherche à l'Institut Pierre Louis d'épidémiologie et de santé publique (IPLESP).  Daniel Levy-Bruhl, responsable de l'unité des infections respiratoires à Santé publique France, avait même estimé qu'il fallait attendre au moins six semaines.

Pour l'instant, les chiffres sont toujours alarmants en France, avec 49 215 nouveaux cas de contamination au Covid-19 en 24 heures, selon l'agence Santé publique France vendredi. Selon nos indicateurs actualisés au 30 octobre, tous les voyants sont au rouge avec 22 176 hospitalisations en cours (en hausse sur la dernière semaine) et 3 377 réanimations (également en hausse sur les sept derniers jours).

Difficile d'isoler une seule cause

Enfin, à l'exception de mesures très coercitives, il est toujours difficile d'isoler une seule cause lorsque l'épidémie recule. Le Conseil scientifique le notait à sa façon en début de semaine : "Compte tenu de la diversité des mesures prises et du court délai depuis la mise en  œuvre des couvre-feux, l’analyse des indicateurs d’impact paraît peu informative au 26 octobre 2020. Dans le même temps, on constate une accélération massive de la circulation virale."

De toute façon, avec l'entrée en vigueur du confinement vendredi 30 octobre, il sera désormais difficile d'étudier l'efficacité du seul couvre-feu dans les grandes villes françaises. Cette efficacité avait toutefois été analysée en Guyane (où le couvre-feu avait été instauré à 17 heures au début de l'été) dans une étude mise en ligne le 12 octobre par l'Institut Pasteur. Selon les chercheurs, le couvre-feu "aurait permis de réduire de près d'un tiers le taux de reproduction effectif [du Covid-19], en le passant de 1,7 à 1,1", avait expliqué à France Culture Pascal Crépeyenseignant-chercheur en épidémiologie et biostatistiques à l’Ecole des hautes études en santé publique à Rennes.

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