Coronavirus : un infirmier libéral a-t-il été équipé de masques FFP2 "périmés depuis 2001" ?
Dans une vidéo publiée sur Facebook, Pascal Lapeyre assure qu'il a reçu un masque de protection périmé depuis 2001. Vérification faite, son masque est bien périmé, mais depuis 2013, date qui aurait quand même dû disqualifier sa distribution.
"Nous avons reçu les masques FFP2 qu'on attendait. Ils sont périmés depuis 2001." Pascal Lapeyre s'indigne, dans une vidéo postée sur Facebook vendredi 27 mars, de l'ancienneté des masques envoyés par sa pharmacie locale. Cet infirmier libéral à Canet-en-Roussillon (Pyrénées-Orientales) en a reçu un lot, afin de se protéger de l'épidémie de Covid-19. "Une collègue a eu du mal à respirer" après avoir porté un masque semblable, assure-t-il.
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Et pour cause : la barrette de maintien du masque, placée au niveau du nez, s'effrite et peut ainsi atterrir dans les voies respiratoires, explique l'infirmier. Pour maintenir le masque en place, Pascal Lapeyre utilise donc du "scotch de chantier de peintre". "J'ai l'impression qu'ils ne veulent plus de nous [les soignants], c'est pas possible", se désole l'homme de 57 ans. C'est avec des masques du même lot qu'il doit, le lendemain, "voir deux patients Covid-19".
Celui qui a des masques FFP2 d'origine qui ne sont pas périmés va faire fortune.
Pascal Lapeyre, infirmierdans une vidéo postée sur Facebook
La vidéo de Pascal Lapeyre connaît un succès immédiat : sa publication avait été partagée plus de 56 000 fois sur Facebook, jeudi. Un message Twitter datant du 31 mars reprenant ses images a quant à lui été "aimé" plus de 15 300 fois.
Un masque périmé depuis 2013
Pascal Lapeyre dit-il vrai ? Contacté par franceinfo, l'infirmier a accepté de fournir une photo d'un masque du même lot, afin que nous puissions en vérifier la date de péremption, qui n'est pas visible dans sa vidéo. En réalité, son masque n'est pas périmé depuis 2001. Ce nombre "correspond à la date de la norme européenne EN149 : 2001" qui encadrait alors la fabrication des masques de protection respiratoire jetables, explique à franceinfo le service commercial de Paul Boyé, le fabricant du masque. Cette norme a depuis été annulée et remplacée par une nouvelle, en 2009, comme le précise le site de l'Afnor.
Le masque reçu par Pascal Lapeyre est tout de même bien périmé. La date de fabrication est indiquée par la suite de chiffres "212/09", "soit le 212e jour de l'année 2009" (31 juillet 2009), explique le service commercial de Paul Boyé. Ces masques sont valables "cinq ans maximum". Ensuite, "les élastiques se cassent et les mousses se délitent". Le masque de Pascal Lapeyre est donc périmé depuis le 31 juillet 2014, au plus tard.
Contactée, la pharmacie qui a offert les protections à l'infirmier précise qu'il s'agit d'une boîte de 50 masques, extraite d'un lot de 200 boîtes, et dont la date de péremption indiquée sur l'emballage est juillet 2013. Ce stock lui a été envoyé par l'Agence régionale de santé (ARS) Occitanie, afin qu'elle le distribue aux "médecins, infirmiers, sages-femmes et kinésithérapeutes" du territoire, ajoute la gérante de la pharmacie. L'ARS Occitanie le confirme dans un communiqué de presse datant du 28 mars 2020.
"On n'a pas à subir ça"
Informé par franceinfo, Pascal Lapeyre reconnaît s'être trompé et juge la situation "moins grave" que ce qu'il pensait, sans décolérer totalement. "C'est insupportable de travailler dans des conditions pareilles, on n'a pas à subir ça. Je me mets en danger, je mets ma famille en danger", enrage cet infirmier depuis 35 ans.
Contactée par franceinfo, l'ARS Occitanie justifie la distribution de masques périmés par la nécessité de "répondre aux besoins urgents, avant le relais des stocks nationaux". "Plus de 750 000 masques supplémentaires seront diffusés" à partir de la semaine suivante, après un "réapprovisionnement au plan national". "L'ARS a procédé par ailleurs à une commande complémentaire de masques (en attente de livraison)" et un "nouvel appel aux dons" a été lancé.
Face à la pénurie de matériel de protection que connaît la France, la distribution de produits périmés n'est pas rare. Elle est même autorisée par le gouvernement, dans une limite de 24 mois après la date de péremption et à condition que les produits aient été "stockés dans les conditions de conservation conformes à celles prévues par le fabricant ou le distributeur". Les masques reçus par Pascal Lapeyre ont largement dépassé ce délai.
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