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Coronavirus : "Le réel allié du virus, c'est la sur-occupation des logements, la promiscuité", affirme un expert en immobilier

Selon l'économiste Robin Rivaton, ce n'est pas la densité de population mais la concentration au sein des habitations qui favorise la propagation du Covid-19. Il appelle à la construction de logements verticaux.

Article rédigé par franceinfo
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Selon l'économiste Robin Rivaton, les quartiers où il y a beaucoup de cohabitation inter-générationnelle ont été davantage touchés par le coronavirus, notamment au Royaume-Uni. (KAMILA STEPIEN / LE PICTORIUM / MAXPPP)

Il faudra construire plus et plus haut, notamment en ville. Tel est l'enseignement que l'on doit tirer de l'épidémie du Covid-19 en termes d'urbanisme estime l'économiste Robin Rivaton, spécialiste de l'immobilier.  "Le réel allié du virus, c'est la suroccupation des logements, la promiscuité", affirme-t-il lundi 27 avril sur franceinfo. 

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franceinfo : La crise actuelle va-t-elle signer la fin des politiques d'urbanisation qui ont été menées jusqu'à aujourd'hui ?

Robin Rivaton : En tout cas, elle en souligne les défauts et les difficultés à double titre. La première, c'est tout ce qui avait trait à l'éloignement, la difficulté pour une partie importante des populations à se loger dans le centre des aires métropolitaines. On s'est rendu compte de manière éclatante que cette crise mettait en lumière le rôle des enseignants, des infirmières, des personnes qui se chargeaient de la collecte des déchets et que malheureusement, aujourd'hui, ces personnes-là, ces catégories socio-professionnelles, avaient été rejetées du cœur des métropoles. Le deuxième problème que cette crise met en lumière, c'est qu'en fait, le réel allié du virus, c'est la suroccupation des logements.

Qu’est-ce qui a fondamentalement changé dans l'évolution de ces villes et des quartiers difficiles, vous estimez dans votre livre qu'elles sont devenues un enfer. Qu'est-ce que vous entendez par là ?

Urbain, c'était au départ un terme positif. Depuis la révolution industrielle, on a souvent dessiné les villes comme un enfer, comme un nid à problèmes, à difficultés avec nombre de problèmes sociaux qui s'y étaient enkystés, que ce soit la délinquance, que ce soit des problèmes liés à la drogue et ainsi de suite. Depuis quelques années, on avait plutôt vécu un retour en arrière ou un retour à de meilleurs auspices pour les villes, avec un renouveau des centres-villes. Et aujourd'hui, la question qui va se poser après cette épidémie, c’est "est-ce que ce mouvement va se poursuivre ?" Est-ce qu'on va continuer à aller vers une métropolisation, une concentration des activités, des loisirs, de l'enseignement dans ces coeurs de ville ou est-ce que quelque chose a définitivement changé.

À New York, sur les 25 quartiers où le taux de contamination est le plus important, 16 d'entre eux présentent des niveaux de suroccupation les plus élevés de la ville.

Robain Rivaton, économiste

Pour vous, il y a un point commun entre la suroccupation des logements et la crise du Covid-19 ?

Les villes ont été largement montrées du doigt dans cette crise en pointant le fait qu'elles étaient des territoires plus denses que les autres. En réalité, la densité ce n'est pas un facteur réel d'explication du virus. C'est évidemment des lieux où il y a plus d'interaction ou de connexions, donc, ça a favorisé la dispersion du virus. Mais aujourd’hui les territoires dits périphériques, qui ne sont pas en cœur de ville, souffrent autant que des territoires extrêmement denses. Inversement, des villes très, très denses parviennent à gérer l'épidémie. Le véritable allié du virus aujourd'hui, c'est la suroccupation, la promiscuité, notamment à l'échelle du logement. C’est ce qui explique le tribut élevé payé par certains quartiers, par certains quartiers difficiles ou périphérie, que ce soit à New York, dans le Queens, que ce soit à Londres, que ce soit à Paris. C'est un vrai sujet qui aujourd'hui doit nous préoccuper, c'est que l'habitat qui est suroccupé aujourd'hui est un facteur de diffusion du virus. Ce n'est pas le seul facteur, mais ça fait partie de ces facteurs. On a montré qu'effectivement, au Royaume-Uni, pour donner le chiffre, les quartiers ou les zones qui étaient les plus prises à de la cohabitation intergénérationnelle ont trois fois plus de malades du coronavirus que la moyenne nationale. C'est effectivement des schémas que l'on retrouve dans des territoires comme la Seine-Saint-Denis.

Quelles sont les solutions ? Détruire et reconstruire autrement ?

À chaque fois que les villes et les grandes villes ont subi des attaques liées à des organismes pathogènes, elles se sont réinventées. Je prends l'exemple de Londres et de Paris avec le choléra au milieu du 19e siècle. Ça a abouti aux immenses travaux d'assainissement de ces deux villes, travaux d'assainissement dont on profite encore un siècle et demi plus tard. Aujourd'hui, on doit être capable de penser la pensée urbaine de demain, post confinement, post virus et on doit produire plus de logements. On peut espérer, on peut imaginer, on peut rêver que ce virus se traduise par un reflux de la ville, certains le chérissent. La réalité est qu'on a encore besoin de logements. C'est un vrai sujet qui aujourd'hui doit nous préoccuper, c'est que l'habitat qui est suroccupé aujourd'hui est un facteur de diffusion du virus. C'est l'une des façons de mieux nous protéger demain. Il faut construire en hauteur. On ne va pas vers un étalement urbain. C'est quelque chose qui ne va pas dans le sens de la préoccupation climatique. Le foncier n’est rare que si on construit à faible hauteur. Il faut effectivement qu'on soit capable de construire en hauteur. On peut produire des logements de qualité en hauteur. Je vais juste donner l'exemple de Singapour, qui est sans doute la troisième ville la plus dense au monde, et qui aujourd'hui a parfaitement jugulé la crise avec une douzaine de décès sur une population de 6 millions d'habitants. Donc, on voit bien que la densité et la question de la hauteur des bâtiments n'est pas un problème en soi.

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