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Coronavirus : "Il ne faut pas utiliser l'hydroxychloroquine en médecine de ville parce qu'on va avoir des accidents" alerte un pharmacologue

Le professeur Mathieu Molimard, chef du service de pharmacologie médicale du CHU de Bordeaux, alerte sur les dangers d'utiliser l'hydroxychloroquine hors du milieu hospitalier. L'ARS de Nouvelle-Aquitaine a déjà relevé plusieurs incidents. 

Article rédigé par franceinfo
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
L'institut hospitalo-universitaire Méditerrannée Infection de Marseille traite des patients atteints du Covid-19 avec de l'hydroxychloroquine. 



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 (GERARD JULIEN / AFP)

L'utilisation de l'hydroxychloroquine contre le Covid-19 fait débat dans le milieu médical, alors que des tests sur les effets de la molécule sont effectués dans plusieurs centres hospitaliers. "Il ne faut pas utiliser" l'hydroxychloroquine "en ville parce qu’on va avoir des accidents", a alerté sur franceinfo le professeur Mathieu Molimard, chef du service de pharmacologie médicale du CHU de Bordeaux, lundi 30 mars. La veille, plusieurs cas de toxicité cardiaque ont été rapportés par l’agence régionale de santé de Nouvelle-Aquitaine. "Si on traite des centaines de milliers de patients en ville, on va avoir de nombreux morts", prévient-il.

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franceinfo. Est-ce que ces effets secondaires graves vous surprennent ?

Mathieu Molimard. C’est parfaitement connu. Ça fait des années qu'on le sait, ça donne des troubles du rythme cardiaque si on utilise ces médicaments sans vérifier l'électrocardiogramme avant, et si on ne surveille pas l’électrocardiogramme après. En pratique, il ne faut pas les utiliser en ville parce qu'on va avoir des accidents. C'est prévisible. On peut les utiliser à l'hôpital, selon les recommandations du Haut Conseil de santé publique, des conditions impossibles à réunir en [médecine de] ville.

Si on traite des centaines de milliers de patients en ville, on va avoir de nombreux morts. Restons raisonnables dans cette période de stress. Je comprends que tout le monde est angoissé mais il faut que chacun fasse son travail et le meilleur service qu'on puisse rendre aux soignants et aux chercheurs qui travaillent sans bruit médiatique, c'est de participer aux essais cliniques, même s’ils ne testent pas d'hydroxychloroquine. À titre personnel, je n'ai aucune preuve de l'efficacité clinique de l’hydroxychloroquine.

Les essais européens qui sont en cours – et ne concernent pas que l’hydroxychloroquine – pourront-ils livrer des réponses plus claires ?

Je l'espère. Il faut tous participer à ces essais pour qu'on ait la réponse le plus vite possible. On ne sait pas aujourd'hui quelle est la meilleure stratégie. Les médicaments qu’on donne, y compris l’hydroxychloroquine, peuvent faire baisser le virus dans le nez mais être délétères en termes de santé voire même induire des morts. Pour le chikungunya, l’hydroxychloroquine faisait baisser le virus et aggravait les cas. Il faut le comparer avec d’autres options thérapeutiques.

J’aimerais que, dans trois semaines, on sache quel est le meilleur traitement qu’il faudra me donner si je dois être malade. Si l’hydroxychloroquine est un traitement miracle et qu’il fait un gros effet, on le verra rapidement. Si c’est une simple petite modification de quelques micro pourcentages, ça n’aura pas d’intérêt.

L’ancien ministre de la Santé Philippe Douste-Blazy appelle à permettre à tous les médecins de prescrire de l’hydroxychloroquine. Ce genre de positions nuit-il au débat ?

Non seulement ça nuit au débat mais ça retarde la recherche. C’est grave, je trouve que c’est une erreur de l’ancien ministre, qui n’est pas responsable lorsqu’il prend la parole. On prend le risque d’avoir un médicament qui ne marche pas sur les signes cliniques. On a un essai contrôlé qui a été fait en Chine, qui est critiquable mais qui est le seul essai contrôlé. On n’y trouve pas de différences en termes de diminution de la fièvre et du nombre d’hospitalisations.

Alors oui, l’hydroxychloroquine fait baisser le virus dans le nez mais ne rien faire fait aussi baisser le virus dans le nez. Or, on n’a pas de comparaison entre "je ne fais rien" et "je donne de l’hydroxychloroquine" en termes de vitesse de décroissance du virus dans le nez dans un essai bien conduit. C’est facile à faire, c’est bizarre que ça n’ait pas été fait.

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