Coronavirus : des études chinoises ont-elles montré que la chloroquine guérit la quasi-totalité des patients ?
Une vidéo très partagée sur les réseaux sociaux prétend que des études chinoises prouvent que la chloroquine guérit la quasi-totalité des malades du Covid-19. Même s’il y a eu des premiers résultats encourageants, les chercheurs restent en réalité très prudents.
Une étude chinoise démontrerait que la chloroquine soigne la quasi-totalité des patients atteints du nouveau coronavirus. Franck Bulher, militant de Debout la France passé par l'UMP et le Front national, et figure du mouvement des "gilets jaunes", l'affirme dans une vidéo qui a été massivement partagée sur Facebook. Il y prétend que la chloroquine, prescrite depuis plusieurs décennies contre le paludisme, a des résultats miraculeux sur les malades du Covid-19. Pour cela, Franck Bulher cite "une étude chinoise". En réalité, les chercheurs chinois se montrent très prudents. La Cellule Vrai du faux de franceinfo vous explique.
Une première étude qui divise
Une première étude a été publiée le 18 février dans la revue BioScience Trends par trois chercheurs chinois. Elle se base sur des essais réalisés dans dix hôpitaux de Wuhan, Jingzhou, Pékin ou encore Shanghai. Très succinct, l’article avance des résultats encourageants sur "plus de 100 patients" atteints du Covid-19. Ces conclusions suscitent l'enthousiasme de certains, dont le professeur Didier Raoult.
[Desinfox]
— Ministère des Solidarités et de la Santé (@MinSoliSante) February 26, 2020
❌ Aucune étude rigoureuse, publiée dans une revue internationale à comité de lecture indépendant, ne démontre l’efficacité de la #chloroquine (Nivaquine) pour lutter contre l’infection au #CoronavirusFrance chez l’être humain
✅ RDV sur : https://t.co/0I8koxOdgq pic.twitter.com/KpOm22hV2Z
Mais d’autres chercheurs émettent de sérieuses réserves sur la fiabilité de cette étude, car elle donne peu de détails sur sa méthodologie et sur ses résultats. "Il y a très peu d’informations dans ce papier, donc je reste très prudent", réagit Arnaud Fontanet, épidémiologiste à l’Institut Pasteur, interrogé sur cette étude mercredi 26 février par la commission des Affaires sociales du Sénat. Et le ministère de la Santé rappelle dans un tweet, mercredi 26 février, qu'"aucune étude rigoureuse publiée dans une revue internationale à comité de lecture indépendant ne démontre l’efficacité de la chloroquine pour lutter contre l’infection au coronavirus chez l’être humain".
Des tests majoritairement réalisés en laboratoire
Plus récemment, d’autres chercheurs chinois ont mené des essais pour déterminer si la chloroquine s’avère efficace contre le nouveau coronavirus. Le 9 mars, une quinzaine de chercheurs chinois ont publié une étude dans Clinical Infectious Diseases. Il s’agit d’une expérience réalisée in vitro et non pas sur des malades. Ils affirment que l’utilisation de l’hydroxychloroquine, connue en France sous le nom de Plaquénil, est préférable à celle de la chloroquine, car elle "s'est avérée plus puissante que la chloroquine pour inhiber le SRAS-CoV-2 in vitro".
Une autre étude chinoise, publiée le 18 mars dans Cell Discovery, a également été réalisée sur l'efficacité de l'hydroxychloroquine face au Covid-19. Elle estime que ce "médicament a un bon potentiel pour combattre la maladie". Toutefois, les chercheurs notent que "cette possibilité attend d'être confirmée par des essais cliniques", car cette étude aussi n'a pas été réalisée sur des malades du coronavirus. Ils alertent également sur le fait "qu’une utilisation prolongée et une surdose peuvent toujours provoquer un empoisonnement".
Des résultats mitigés sur des malades
D'autres scientifiques chinois ont également réalisé leur expérience directement sur des malades du Covid-19. Dans un article publié le 6 mars par le journal de l’université du Zhejiang, une quinzaine de chercheurs s’intéressent à 30 patients atteints du Covid-19. Sur ces patients, la moitié ont pris de l’hydroxychloroquine. Au bout de sept jours, 13 des 15 patients qui suivaient ce traitement ont été testés négatifs, c’est-à-dire que le coronavirus a disparu de leur organisme.
Concernant le groupe qui n’a pas ingéré d’hydroxychloroquine, 14 des 15 patients n’étaient plus atteints du Covid-19 à la fin de l’expérience. Les malades des deux groupes ont mis approximativement le même temps pour guérir. "Une étude de plus grande taille d'échantillons est nécessaire pour étudier les effets de l’hydroxychloroquine dans le traitement du Covid-19", concluent les chercheurs.
C’est pour cette raison que des études de plus grande envergure ont été lancées. L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a lancé dimanche 22 mars un essai clinique européen baptisé Discovery. Il a pour objectif de tester quatre traitements, dont l'hydroxycholoroquine, sur 3 200 patients, dont 800 cas graves en France. Des résultats sont attendus dans les prochaines semaines. De son côté, l’Organisation mondiale de la santé a lancé un vaste essai clinique international, et rappelle que, pour l’instant, le nombre de malades du Covid-19 ayant eu recours à la chloroquine est trop faible pour en tirer des conclusions.
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