Covid-19 : quel impact aura le confinement sur les différents secteurs de l'économie ?
Les professionnels du secteur de l'hôtellerie-restauration, de la culture ou encore de l'événementiel abordent ce reconfinement comme une véritable épreuve.
"L'économie ne doit ni s'arrêter, ni s'effondrer". Au moment d'annoncer la mise en place d'un nouveau confinement pour lutter contre la reprise de la pandémie de Covid-19 en France, mercredi 28 octobre, Emmanuel Macron a prévenu qu'il n'était pas question d'imposer à l'économie française un coup d'arrêt aussi important qu'au printemps dernier.
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"Il n'y a pas d'économie prospère dans une situation sanitaire dégradée avec un virus qui circule activement", a toutefois reconnu le chef de l'Etat, conscient que de nombreux secteurs allaient être fragilisés par ces nouvelles restrictions sanitaires. Interrogé par franceinfo jeudi, le vice-président et porte-parole du Medef Fabrice Le Saché a d'ailleurs comparé les effets du confinement à ceux d'un "bazooka", qui devrait selon lui détruire entre "50 et 75 milliards" de richesses. Mais tous les secteurs subiront-ils de la même manière les effets de cette mesure ? Eléments de réponse.
Ceux qui redoutent le coup de grâce
• Les secteurs de la culture, de l'événementiel et du spectacle vivant. Déjà grandement éprouvées par le confinement du printemps puis par l'instauration du couvre-feu à l'automne, les entreprises de ces secteurs n'ont pas d'autre choix que de baisser le rideau le temps du confinement, a confirmé jeudi le Premier ministre, concédant que la suspension de ces activités "est très [douloureuse] mais nécessaire pour assurer l'effectivité" des mesures anti-Covid. Interrogé par franceinfo, Guillaume Husson, délégué général du Syndicat de la librairie française (SLF) rappelle que l'activité d'Amazon sera toujours aussi vive, et invite le chef de l'Etat à laisser les libraires continuer leur activité, rappelant que les semaines précédant les fêtes de fin d'année étaient cruciales pour leur secteur.
Les librairies n'ont pas les réserves suffisantes pour faire face à une baisse drastique de leur chiffre d'affaires.
Guillaume Husson, délégué général du Syndicat de la librairie françaiseà franceinfo
• Les petites et moyennes entreprises et les commerces "non-essentiels". Les organisations patronales qui représentent les petits commerces, obligés de fermer leurs portes lorsque leur activité est jugée "non-essentielle", dénoncent une "inégalité de traitement' avec la grande distribution. "Si le motif sanitaire d'une telle mesure est de limiter les interactions sociales, pourquoi les supermarchés et hypermarchés ne sont-ils pas soumis à la même interdiction ?", a réagi mercredi soir dans un communiqué l'Union des entreprises de proximité (U2P), qui représente commerçants, artisans et professions libérales.
"Il faut que les mesures de soutien soient à la hauteur des sacrifices qu'on demande à ces gens", s'est exclamé sur RTL le président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) François Asselin. La CPME demande notamment une mesure sur les loyers et attend avec impatience l'annonce par le gouvernement d'un crédit d'impôt pour les bailleurs dont les locataires ne peuvent pas s'acquitter des loyers.
• L'hôtellerie-restauration. Emmanuel Macron a eu beau appeler les Français à "[soutenir] les entreprises qui, proches de chez vous, ont innové à travers des commandes à distance, la vente à emporter ou la livraison à domicile", les professionnels du secteur de la restauration abordent le reconfinement comme une véritable épreuve. Le médiatique chef Philippe Etchebest n'a d'ailleurs pas mâché ses mots au micro de la chaîne LCI.
On est vraiment sous le choc, cette nouvelle fermeture imposée est un coup de grâce, une mise à mort de beaucoup de TPE, mais aussi de filières qui dépendent de nous. C'est terrible.
Philippe Etchebestà LCI
Cité par France 3 Bretagne, Hubert Jan, restaurateur et président de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH), redoute également d'importants dégâts dans son secteur d'activité. "Là, on tend vers 30% de casse sur l'ensemble des métiers de l'hôtellerie, restauration et discothèques, c'est-à-dire des établissements qui ne tiendront pas", redoute-t-il.
Ceux qui s'attendent à une passe difficile
• Le sport professionnel. L'activité des sportifs professionnels se poursuivra pendant ce nouveau confinement, mais le huis-clos imposé partout en France, s'il perdure, menace à terme les finances de clubs exsangues, qui demandent déjà de l'aide. "Cette absence de revenus issus de la billetterie était déjà un problème depuis la reprise pour le sport pro", rappelle Virgile Caillet, délégué général de l'Union sport et cycles.
Évidemment, tous les sports ne sont pas touchés de la même façon. Le rugby par exemple, qui tire près de 60% de ses revenus de la billetterie, des hospitalités qui vont avec, et du sponsoring, et seulement 20% des droits TV, va se retrouver dans une situation très compliquée. Le son de cloche n'est pas vraiment différent pour le volley, le handball ou le basket, qui a, lui, décidé de se mettre en pause à partir de ce week-end.
• Les entreprises du tertiaire qui pourront recourir au télétravail. Entre fatalisme et lassitude, de nombreuses entreprises du tertiaire se préparent à repasser au "télétravail généralisé" prescrit par Emmanuel Macron. Avec une différence de taille par rapport au premier confinement : cette fois, les écoles continueront d'accueillir les enfants.
Mais cette solution n'est pas forcément la garantie d'un confinement sans douleur. "Le télétravail a mis à jour la fracture sociale entre ceux qui avaient de bonnes conditions à leur domicile et ceux qui vivent à l'étroit" observe auprès de l'AFP Isabelle Calvez, DRH chez Suez. L'entreprise va ainsi inciter ses salariés du siège à repasser en télétravail 5 jours par semaine, mais avec "plus de souplesse et de tolérance. On va laisser la tour de la Défense ouverte, et on prévoit d'accueillir 10 à 15% des salariés", dit-elle, à comparer avec une présence de 50 à 60% des salariés en septembre.
Ceux qui pourraient tirer leur épingle du jeu
• Le secteur du bâtiment et des travaux publics. Durement éprouvé par le premier confinement, au cours duquel son activité avait chuté de 88% lors du seul mois d'avril selon le ministère de l'Economie, le secteur du BTP pourrait cette fois s'en sortir sans trop d'encombres. Les chantiers peuvent en effet se poursuivre lors des prochaines semaines, a précisé Emmanuel Macron mercredi.
De quoi rassurer Olivier Salleron, le président de la fédération française du bâtiment (FFB), qui a affiché sa satisfaction sur les réseaux sociaux.
Suite aux annonces d @EmmanuelMacron, @OSalleron compte sur une mobilisation forte et immédiate de l'ensemble de la filière #BTP pour maintenir l'activité du secteur en toute sécurité et donc soutenir l'économie toute entière. #COVID19 pic.twitter.com/cM2fhqkUdn
— FFB (@FFBatiment) October 28, 2020
• La grande distribution et le secteur de l'agroalimentaire. Se souvenant des razzia dans les supermarchés en mars, les industriels de l'agroalimentaire assurent cette fois être préparés à ce nouveau confinement. "La chaîne alimentaire a tenu et elle tiendra" a déclaré à l'AFP le président de l'association nationale des industries alimentaires (ANIA), Richard Girardot.
Les industriels se sont mis à accélérer de nouveau les rythmes de production de pâtes et produits de base depuis le couvre-feu il y a deux semaines, et la distribution a augmenté ses stocks.
Richard Girardot, président de l'association nationale des industries alimentairesà l'AFP
Le groupe agroalimentaire espagnol Ebro Foods n'a d'ailleurs pas eu à se plaindre de l'année 2020 pour l'instant. L'entreprise, propriétaire de Panzani et Lustucru, a annoncé mercredi avoir vu son bénéfice net grimper de près de 28% sur les neuf premiers mois de 2020 essentiellement grâce à la hausse des ventes de pâtes et de riz lors des confinements mis en place au printemps.
• Le commerce en ligne et le secteur de la livraison. Conséquence de la hausse d'activité du commerce en ligne durant le précédent confinement, le secteur de la livraison a connu une embellie qui s'est poursuivie durant l'été. "Depuis le déconfinement, nous avons une croissance de 30%", détaille ainsi au Figaro Xavier Mallet, directeur général de Colissimo. Entre le confinement et la période propice aux achats de Noël, cette filiale de La Poste s’attend à une augmentation de son activité de 24%. Quelque 9 000 saisonniers doivent d'ailleurs grossir ses rangs dans les prochaines semaines.
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