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Covid-19 : des coiffeurs posent nus dans leur salon pour sauver une profession "qui a les deux genoux à terre"

"Nous allons droit dans le mur", affirme une coiffeuse qui participe à cette opération sur les réseaux sociaux afin de protester contre la fermeture des salons pendant ce deuxième confinement.

Article rédigé par Guillemette Jeannot
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Le coiffeur Jean Charles Gerard pose nu dans son salon de coiffure pour dénoncer la crise économique qui touche sa profession, le 4 novembre 2020, au Havre. (ETIENNE DELAUNEY / ART&FACT)

"Quitte à être mise à poil par le gouvernement, autant le faire moi-même !", "Si l’Etat reste sur ses positions, nous allons tous finir à poil"... De tels messages, accompagnés du mot-clé #moncoiffeurapoil et d'une photo d'un coiffeur (ou d'une coiffeuse) nu, fleurissent sur les réseaux sociaux ces derniers jours. Chacun dénonce la fermeture de son établissement, jugé non essentiel par le gouvernement durant ce nouveau confinement, et s'inquiète des conséquences économiques subies par le deuxième secteur de l'artisanat français, avec plus de 184 000 actifs et 85 000 établissements, selon l'Union nationale des entreprises de coiffure (Unec).

Face à la colère d'élus locaux et de commerçants, le gouvernement a revu sa copie. Depuis le 3 novembre, la vente des produits concernés par la fermeture des commerces de proximité est interdite dans les grandes surfaces. Toutefois, l'inquiétude et l'incompréhension continuent de gagner du terrain chez les coiffeurs.

"J'ai voulu pousser un coup de gueule"

"Parce qu’on est en train de me foutre à poil en m'enlevant mon outil de travail qui est le cheveu, j'ai voulu pousser un coup de gueule en posant nu dans mon salon", explique à franceinfo Jean Charles Gérard, coiffeur havrais de 43 ans à l'origine du mouvement. 

Outre la décision gouvernementale, les grossistes qui vendent en ligne des produits professionnels aux particuliers sont également dans son viseur. "Nous sommes touchés par cette forme de commerce déloyal, en plus du confinement", constate le patron d'entreprise qui a dû arrêter la période d'essai d'une de ses trois salariées. "Je ne peux pas prendre le risque de continuer l'aventure avec elle, ne sachant pas ce qui nous attend d'ici la fin de l'année."

Etonné du succès que remporte sa photo publiée le 4 novembre sur Facebook et partagée plus de 4 500 fois, Jean Charles Gérard assure ne pas avoir "vocation à vouloir faire du buzz". "Cela me pousse à réfléchir à la manière dont je peux continuer à m'impliquer dans la profession en prenant plus de responsabilités", ajoute le coiffeur, qui prépare une nouvelle publication.

Un nouveau confinement qui "fait très mal"

De son côté, c'est avec une photo d'elle vêtue seulement d'un tablier et en pointant un sèche-cheveux sur sa tempe que Karen Meyer, 29 ans, a rejoint le mouvement. "Nous allons droit dans le mur", affirme la patronne d'un salon à Ribeauvillé (Haut-Rhin) auprès de franceinfo. Ce deuxième confinement la rend "amère" : "J'ai l'impression qu’il n'y a que nous, les petits commerçants, qui sommes confinés."

Après le déconfinement en mai, Karen Meyer a suivi le protocole sanitaire à la lettre en nettoyant et stérilisant ses outils entre chaque client. "Tout ça pour rien !", s'insurge la jeune femme. "Nous n'avons jamais été un foyer de contamination. Pourtant, nous devons fermer."  

"Avec le premier déconfinement, nous avons remarqué que, pour la population, nous étions essentiels. Pour leur moral, l’estime de soi mais aussi pour le contact humain que nous apportons à nos clients."

Karen Meyer, patronne d'un salon de coiffure

à franceinfo

Ce nouveau confinement fait "très mal économiquement", concède la gérante. "Normalement à cette époque de l’année, on commence à rentrer notre chiffre d'affaires pour Noël, qui est une période importante pour nous." 

2020, "une année noire"

Comme Karen Meyer et Jean Charles Gérard, le président de l'Unec, Christophe Doré, espère que les salons de coiffure rouvriront leurs portes dès le 1er décembre, "dans des conditions optimales et non drastiques avec, par exemple un couvre-feu à 17 heures ou tout le week-end". Pour le coiffeur, par ailleurs maire de Bolbec (Normandie), 2020 est "une année noire" pour la profession qui doit gérer des trésoreries "très basses".

"Le premier confinement a fortement touché la profession qui a mis un genou à terre. Là, avec ce deuxième confinement, je pense qu’elle a les deux genoux à terre", analyse-t-il.

"Je crains des licenciements, mais surtout beaucoup de détresse et de désespoir. Ils se traduisent sur les réseaux sociaux par le hashtag #moncoiffeurapoil."

Christophe Doré, président de l'Union nationale des entreprises de coiffure

à franceinfo

Selon l'Unec, près d'un tiers de la profession a sollicité un prêt garanti par l'Etat lors du premier confinement. "Avec celui-ci, d'autres coiffeurs vont le demander et il va falloir le rembourser ensuite", anticipe déjà Christophe Doré.

Les coiffeurs font désormais face à leur troisième mois de fermeture depuis le début de l'épidémie. "Mais une fois notre commerce fermé, comment vivons-nous derrière ?", s'interroge Anne Bretesché, 34 ans. Cette gérante d'un salon de coiffure à Villars (Loire) a rejoint "sans hésitation" le mouvement en posant nue, cachée derrière un ensemble de cadres où l'on peut notamment lire le message "Mon coiffeur, mon essentiel".

Car Anne Bretesché souligne que son commerce est "essentiel" pour faire vivre sa famille. Pour la troisième fois cette année, elle bénéficie de l'aide de 1 500 euros accordée par l'Etat. "Mais c'est loin de tout couvrir. Sans compter mon salaire et celui de mes employés, j'ai déjà 3 500 euros de charges fixes mensuelles", calcule-t-elle. "Si je devais être en liquidation suite à cette crise sanitaire, non seulement je ne toucherais pas le chômage, mais j'aurais toujours 1 300 euros de crédit à rembourser tous les mois." 

La perspective de n'ouvrir que trois semaines sur les quatre du mois de décembre est inenvisageable pour la gérante. 

"Nous avons perdu un quart de notre chiffre d'affaires annuel. Nous avons besoin de ce mois complet. Sans lui, nous aurons trop de charges à rembourser en 2021." 

Anne Bretesché, coiffeuse

à franceinfo

En attendant une éventuelle évolution du confinement, le président de l'Unec ne perd pas de vue 2021. "Nous demandons un vrai plan de relance pour la profession pour l'année prochaine, avec une baisse de 20 à 10% de la TVA." D'ici là, Anne Bretesché assure que le 1er décembre, "déconfinement ou pas", elle sera dans son salon. 

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