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Automédication : la France à contre-courant de l'Europe à cause d'une "méconnaissance des politiques"

Acheter des médicaments sans ordonnance, cette pratique est très courante en Europe mais pas en France, selon une étude publiée vendredi par l'Afipa, qui milite pour l'automédication.

Article rédigé par Bruno Rougier
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3 min
Illustration d'automédication.  (MAXPPP)

Les Français n'ont pas beaucoup recours à l'automédication. La France est dans le peloton de queue en Europe, selon l'étude annuelle, publiée vendredi 2 février, par l'Association française de l'industrie pharmaceutique pour une automédication responsable (Afipa), qui regroupe des industriels produisant et commercialisant des produits de santé disponibles en pharmacie sans ordonnance. 

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Le pays est 9e sur les 12 pays étudiés par l'Afipa, avec une part d'automédication de 11,7% en 2016. Il arrive ex-aequo avec l'Italie, devant l'Espagne (8,4%), mais loin derrière le Royaume-Uni (51%), l'Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas et la Suède. Selon ces chiffres, seulement un médicament sur huit est vendu en automédication en France, contre pratiquement un sur deux en Grande-Bretagne et en Allemagne. 

Moins de médicaments sans ordonnance qu'ailleurs

Si l'automédication n'est pas très répandue en France, c'est principalement en raison d'un manque d'éducation des patients : il n'existe aucune campagne pour les inciter à acheter des médicaments sans ordonnance, contrairement à ce qui se passe ailleurs. Par exemple, depuis 10 ans au Royaume-Uni, on incite les patients à se tourner vers un pharmacien dès les premiers symptômes hivernaux et avant d'aller chez le médecin. Par ailleurs, il existe beaucoup moins de médicaments disponibles sans ordonnance en France comparativement à d'autres pays européens.

Les industriels qui produisent et commercialisent ces médicaments sans ordonnance plaident pour l'élargissement de cette liste, pour "la toux, le reflux gastro-œsophagien, l'acné, la migraine", détaille Daphné Lecomte-Somagio, la déléguée générale de l'Afipa. 

Quand on regarde ce qu'il se passe dans les autres pays européens, il y a 92 molécules qui sont délistées déjà dans au moins un des pays, et qu'on pourrait mettre à disposition des Français en automédication.

Daphné Lecomte-Somagio, déléguée générale de l'Afipa

à franceinfo

Un effet codéine

Après deux années de progression – +5,2% en 2015 et +3,3% en 2016 – le chiffre d'affaires des médicaments en vente libre a chuté de 3,7% en 2017. Cela s'explique par deux raisons. D'abord, en 2017, les épidémies de grippe, de gastro-entérite et les allergies ont été assez faibles, or ces pathologies hivernales sont le plus souvent soignées en automédication. Ensuite, les médicaments à base de codéine, qui étaient en vente libre, nécessitent désormais une ordonnance

On pense souvent que les médicaments sans ordonnance sont chers, mais c'est faux : la France est l'un des pays où les prix sont les plus faibles. Les médicaments en automédication sont deux fois plus chers en Allemagne et en Suède par exemple. Seul le Royaume-Uni est moins cher. Et puis, les Français sont très fidèles à leurs marques : le top 10 des médicaments achetés sans ordonnance est le même depuis 10 ans et il reste dominé par les médicaments : Oscillococcinum, du laboratoire Boiron, et Humex, d'Urgo.

Un appel à des mesures "très simples"

Les professionnels de l’automédication sont partagés. D'un côté, ils ont beaucoup d'espoir car l'automédication fait partie des actions à développer dans le cadre de la stratégie nationale de Santé, mise en place actuellement. De l'autre côté, ils craignent que cette bonne volonté reste lettre morte. 

La liste de leurs doléances est longue, mais les "mesures très simples", selon le président de l'Afipa, Patrick Brossard : "À chaque fois qu'un médicament d'automédication est délivré, il devrait être inscrit dans le dossier pharmaceutique. On demande une grande campagne de communication auprès des patients sur une bonne utilisation de l'automédication. On demande également un meilleur conseil du pharmacien, qu'il soit aidé par des moyens informatiques."

Il y a une méconnaissance de nos politiques sur l'intérêt et les enjeux de l'automédication. Il suffit d'aller dans d'autres pays européens où l'automédication est l'un des piliers de la santé publique dans ces pays.

Patrick Brossard, président de l'Afipa

à franceinfo

"On insiste beaucoup sur le rôle du pharmacien pour les pathologies bénignes, du médecin pour les pathologie plus lourdes et les personnes fragilisées, et des urgences pour les urgences. Aujourd'hui, en France, il y a un grand mélange. Nous demandons à ce que ce soit organisé pour être plus efficace et plus coûteux." L'association demande un rendez-vous auprès de la ministre de la Santé et compte également rencontrer des conseillers à l'Élysée.

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