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"J'ai revécu tout ce qui s'est passé" : le témoignage d'Amélie, victime du chirurgien Joël Le Scouarnec

Plus de 180 victimes présumées ont déjà porté plainte contre l'ancien chirurgien soupçonné de pédophilie sur plus de 250 enfants. Des dizaines d'autres comptent le faire dans les prochaines semaines. Parmi elles, Amélie, qui s'est confiée à franceinfo.

Article rédigé par franceinfo - Margaux Stive, édité par Bastien Munch
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2min
De gauche à droite : Maître Francesca Satta, avocate d’une dizaine de victimes, Amélie, une victime de Loches, Claudette, la mère d’Amelie, et Roland, le grand-père d'une victime de Quimperlé. (MARGAUX STIVE / RADIO FRANCE)

Ce pourrait être la plus grave affaire de pédophilie de l'histoire judiciaire française. Un chirurgien, Joël Le Scouarnec, est soupçonné d'avoir violé ou agressé sexuellement plus de 250 enfants pendant plus de trente ans d'exercice, dans plusieurs hôpitaux de France. Dans des carnets retrouvés chez lui, il notait méticuleusement les noms de ses victimes, et ce qu'il leur avait fait subir.Toutes étaient des enfants au moment des faits. Ce sont aujourd'hui des adultes détruits. Tous racontent la même histoire. Une souffrance profonde qui pendant des années est restée une énigme. Pour Amélie, c'était l'anorexie, une peur panique des seringues et de l'hôpital aussi. Et puis, l'été dernier, elle apprend que son nom figure dans les carnets de Joël Le Scouarnec, et tout s'éclaire.

Ma mère rentre et je lui dis : 'Tu vois, l'explication elle est là ! Je suis sur les carnets, je comprends ce qui m'arrive, je comprends pourquoi je suis comme ça.'

Amélie

à franceinfo

Mais la jeune femme n'a toujours aucun souvenir de l'agression. Jusqu'à cette séance d'hypnose, où tout revient d'un coup. "Je me souvenais de ce médecin qui était revenu dans ma chambre, qui sentait le citron, ou un parfum assez acide, se remémore Amélie. Je l'ai revu, j'avais les images, les sensations, et cette fameuse odeur. Une fois arrivée chez moi, quand je me suis couchée, j'ai fait une énorme crise d'angoisse parce que je le sentais vraiment sur moi, comme s'il était là. C'était assez étrange, assez bouleversant, mais j'ai au moins pu mettre des images et des mots sur ce que j'ai vraiment subi." Après cette nuit-là, Amélie n'a pas pu manger ni dormir pendant plusieurs semaines. 

Une fois que j'ai fait l'hypnose, j'ai revécu tout ce qui s'est passé.

Amélie

à franceinfo

La question qui se pose est de savoir comment ce médecin a pu sévir aussi longtemps sans que personne ne dise rien. Il avait pourtant été condamné en 2005 pour détention d'images pédopornographiques, mais il a continué à exercer pendant plus de dix ans, notamment avec des enfants. "Le silence est le pire des fléaux", selon Maître Francesca Satta, l'avocate d'une dizaine de victimes. "Un chirurgien qui agresse un petit mineur, entre 5 et 10 ans, sait pertinemment que l'enfant ne parlera pas. Le mutisme, l'enfermement dans ce mutisme, fait qu'un homme traverse les années et continue à assouvir ses pulsions sexuelles sur ses petits 'objets', parce qu'il les voit ainsi. Et voilà, trente années d'impunité et un immense scandale autour du silence." 

C'est un terrain fertile, ce sont des proies faciles.

Maître Francesca Satta

à franceinfo

Un silence que les victimes veulent aujourd'hui briser. Elles sont déjà 184 à avoir porté plainte et d'autres comptent le faire dans les prochaines semaines. Joël Le Scouarnec sera jugé en mars devant la cour d'assises de Charente-Maritime, à Saintes, pour quatre premières agressions sexuelles et viols. L'enquête se poursuit pour les dizaines d'autres victimes.

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