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Ce que l'on sait de l'affaire de pédophilie impliquant un ancien chirurgien de Charente-Maritime

Agé de 68 ans, il aurait fait "250 victimes potentielles de faits non prescrits", a indiqué lundi le procureur de la République de La Rochelle. 

Article rédigé par franceinfo
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La cour d'assises de Charente-Maritime, à Saintes, où Joël Le Scouarnec a été renvoyé dans une affaire de pédophilie. (MAXPPP)

Ce pourrait être l'un des plus grands scandales de pédophilie jamais dévoilés en France. Joël Le Scouarnec, chirugien à la retraite après avoir notamment exercé à Jonzac (Charente-Maritime) depuis 2008, est incarcéré depuis mai 2017 dans le cadre d'un premier volet d'accusations le concernant pour lesquel il doit comparaître du 13 au 17 mars 2020 devant la cour d'assises de la Charente-Maritime.

Ces premiers faits, qui ont lancé cette affaire d'une ampleur inédite en France, concernent des "viols sur mineur de moins de 15 ans par personne ayant autorité, agressions sexuelles et exhibition sexuelle" sur quatre victimes et remontent à la période 1989-2017, pendant laquelle le chirurgien a exercé en Bretagne, en Touraine et en Charente-Maritime, à l'hôpital de Jonzac.

Au total, cet homme de 68 ans est soupçonné d'avoir fait "250 victimes potentielles de faits non prescrits de pédophilie", a annoncé lundi 18 novembre le procureur de la République de La Rochelle, Laurent Zuchowicz. Au total, 184 personnes ont souhaité porter plainte dont 181 étaient mineures au moment des faits. Franceinfo revient sur ce que l'on sait de cette affaire sordide.

Une fillette de 6 ans à l'origine de l'enquête

Le processus judiciaire a débuté au printemps 2017 à Jonzac, lorsqu'une fillette de 6 ans, après une promenade au cours de laquelle elle a croisé son voisin, alerte son père sur le fait que "le monsieur [lui] a fait voir son zizi" par le passé, rapporte Le Parisien.

Lors des auditions par les gendarmes et après examen gynécologique, il apparaît que l'enfant a été violée. Elle accuse le sexagénaire, qui nie. Francesca Satta, avocate de la famille de la fillette, rapporte à France 3 Nouvelle-Aquitaine la version de la victime : "Il va passer sa main au-delà du grillage vers la fillette, puis se déshabiller. Il va demander à la petite de lui toucher le sexe. Lui, excité, va passer sa main à travers le grillage et la pénétrer avec un doigt."

Qu'elle ait réussi à parler, à dénoncer, c'est un exploit ! Sans elle, cet homme serait encore en liberté.

Le père d'une fillette qui accuse le chirurgien

au "Parisien"

L'enquête a permis de faire émerger trois autres cas, rapporte La Charente libre : "Le viol d’une de ses nièces (âgée de 4 ans) dans les années 1990. Mais aussi des atteintes sexuelles sur une autre petite fille de sa famille, en Touraine, ainsi que sur une autre, hospitalisée dans son service, à l’hôpital de Loches, en Indre-et-Loire." L'ancien spécialiste en chirurgie digestive reconnaît des agressions sexuelles, mais nie toute pénétration.

Le parquet de La Rochelle a en tout cas indiqué à Ouest-France qu'un juge d'instruction avait "mis en accusation" Joël Le Scouarnec pour "viol sur mineur par personne ayant autorité, viol sur mineur de 15 ans, agression sexuelle par personne abusant de l’autorité conférée par ses fonctions, agression sexuelle incestueuse sur mineur de 15 ans par personne ayant autorité, exhibition sexuelle, consultation et diffusion d'image d’un mineur à caractère pornographique".

Des carnets remplis de noms

Mais l'affaire pourrait aller encore plus loin. Lors d'une perquisition chez l'ancien chirurgien, les enquêteurs de la section de recherches de la gendarmerie de Poitiers ont en effet retrouvé de "sordides journaux intimes tenus depuis les années 1990", écrit La Charente libre. A l'intérieur, ils ont pu lire "des choses absolument abominables", raconte à franceinfo Francesca Satta, qui évoque "la consignation de noms et prénoms de jeunes filles et garçons mineurs, avec la narration de faits très précis les concernant".

Sous le parquet du domicile du chirurgien, les gendarmes ont aussi découvert des sex-toys, ainsi que "des photos de lui dénudé, en érection, portant des perruques", ajoute l'avocate. Des images à caractère pornographique ont également été retrouvées sur son ordinateur.

De quoi inciter les enquêteurs à passer ces écrits au peigne fin à la recherche de potentielles nouvelles victimes. Il pourrait y en avoir jusqu'à 200, recensées dans plusieurs régions de France, d'après les documents retrouvés par les gendarmes. Six victimes, nées entre 1977 et 1990, ont déjà été identifiées et localisées à partir de ces carnets, mais les faits sont prescrits pour trois d'entre elles, écrit Le Parisien.

Interrogé par le quotidien francilien, l'avocat de Joël Le Scouarnec, Thibaut Kurzawa, indique que son client "affirme qu'il s'agit d'écrits romancés de ses fantasmes, aussi nauséabonds soient-ils". Et insiste devant la caméra de France 3 sur le fait que le praticien n'est renvoyé aux assises que pour des faits concernant quatre mineures. 

Quelque 250 victimes potentielles 

Les investigations menées par la section de recherches de la gendarmerie de Poitiers (Vienne) ont permis d'identifier "250 victimes potentielles de faits non prescrits de pédophilie". Parmi elles, "209 ont pu être auditionnées, plusieurs d'entre elles faisant état de souvenirs précis", précise le communiqué du procureur de La Rochelle, Laurent Zuchowicz, ajoutant que "184 ont souhaité déposer plainte".

Parmi ces plaignants, 181 victimes "étaient mineures au moment des faits"Selon le parquet de La Rochelle, sur 159 faits de nature criminelle et/ou délictuelle suspectés entre avril 1991 et janvier 2014, 100 se seraient déroulés dans le Morbihan et 23 dans le Finistère. "Compte tenu du résultat de ces investigations, le parquet de La Rochelle s'est dessaisi au profit du parquet de Lorient", qui poursuivra l'enquête, a conclu Laurent Zuchowicz.

Joël Le Scouarnec n'est pas inconnu de la justice. En novembre 2005, alors qu’il exerçait dans le Morbihan, le chirurgien a en effet été condamné par le tribunal correctionnel de Vannes à quatre mois de prison avec sursis et 20 000 euros d'amende pour détention d'images à caractère pédopornographique. Une condamnation qui n'était pas assortie d'une obligation de soins. "Il ne conteste pas le caractère déviant de son comportement. Il assume ses responsabilités et cherche à comprendre ses actes et à se soigner en prison", affirme son avocat auprès du Parisien.

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