Santé : des lunettes spéciales pour freiner la myopie et réduire les risques de glaucome ou de cataracte

Méconnues du grand public, des lunettes spéciales permettent de ralentir la myopie. Les effets sont prouvés chez les enfants et les adolescents.
Article rédigé par Thomas Giraudeau
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Salim, 13 ans, porte depuis six mois (juin 2023) des lunettes freinatrices, qui ralentissent la progression de sa myopie (Thomas Giraudeau / FRANCE INFO)

Il est possible de freiner la myopie ! Depuis une dizaine d'années, des techniques assez méconnues du grand public permettent de ralentir la progression d'un trouble qui touche énormément de Français. Des lentilles spéciales existaient déjà depuis une dizaine d'années. Depuis trois ans, des lunettes sont également disponibles, proposées de plus en plus souvent par les ophtalmologistes.

Près de quatre adultes sur dix (37%) et un enfant sur cinq est myope, d'après une vaste étude menée par le CHU de Poitiers. Il a analysé pendant six ans les données anonymes de clients du groupe d'opticiens Krys. Or, plus la myopie est forte, plus les risques de développer une maladie oculaire (glaucome, cataracte, décollement de la rétine) augmentent, de l'ordre de 40% de plus par dioptrie de moins (- 1.0, -3.0, -5.0 sur vos ordonnances de lentilles et lunettes). Les effets de ces méthodes freinant la myopie sont prouvés chez les enfants et adolescents.

Dans le cabinet de la Dr Sirine Hammoud, chirurgien ophtalmologue à Paris, Salim, un collégien de 13 ans, le confirme : "Je me porte mieux avec ces nouvelles lunettes. J'ai mis quelques jours à m'adapter, j'avais l'impression de voir le monde au ralenti, mais maintenant j'ai moins de mal à voir les petits détails, au loin comme tout proche. Je pensais qu'il allait y avoir des effets positifs mais pas autant que ce qu'elle m'a expliqué. Je suis assez content."

Soulagement aussi pour Bouchra, la mère de Salim. La vue de son fils se dégradait (il porte des lunettes depuis huit ans déjà) avant de porter ces verres freinateurs depuis six mois. Ils sont conçus de façon à ramener tout le champ de vision à l'avant de la rétine, ce qui freine l'agrandissement de l'œil, et donc la myopie : "À chaque rendez-vous, on apprenait que sa vue avait baissé. On se demandait quand et si cette histoire allait se terminer. Là, ça ne bouge plus depuis six mois, donc c'est encourageant."

En portant ces lunettes freinatrices, qui ressemblent à l'œil nu aux verres classiques, jusqu'à ses 18 ans au moins, peut-être même 25 ans, jusqu'à ce que son œil et sa vision se stabilisent, Salim ne devrait pas voir sa myopie trop s'aggraver. Il pourrait ainsi être opéré plus tard, à l'âge adulte. Et ne plus avoir à porter ni lunettes ni lentilles.

"Tout ce qu'on peut économiser en myopie pour un jour être opéré, il vaut mieux le faire !"

L'ophtalmologue Sirine Hammoud

à franceinfo

 L'ophtalmologue Sirine Hammoud insiste : "La myopie, ce n'est pas juste mal y voir. C'est aussi avoir un peu plus de risques de glaucome, de décollement de la rétine, et d'autres pathologies plus tard à l'âge adulte. Après, on aimerait bien que ces techniques soient aussi destinées à des gens qui n'ont pas forcément beaucoup de capacités financières." Car le problème est que ces verres, vendus depuis seulement trois ans en France, sont mal remboursés par les mutuelles et l'Assurance maladie. De même pour des lentilles spécifiques, de jour comme de nuit, commercialisées depuis une dizaine d'années, et qui ont un effet moindre. 

La mère de Salim, par exemple, a dû débourser 220 euros de sa poche. Ce que regrette la professeure Dominique Brémond-Gignac, cheffe du service ophtalmologie à l'hôpital Necker : "Certaines familles ne peuvent pas assumer le surcoût. C'est quand même dommage parce que ces verres correcteurs freinent la myopie de 60%. Je dis bien que ça la freine, ça ne l'arrête pas complètement. Parce que l'enfant continue de grandir, et l'œil va continuer de grandir normalement. On aimerait bien que cela marche à 100%, mais aucun système ne fonctionne à coup sûr."

Bientôt une meilleure prise en charge ?

La freination n'est donc pas un remède miracle chez les enfants et adolescents. Et commencer à l'âge adulte, "c'est souvent trop tard, puisque la myopie évolue surtout durant l'enfance", explique la professeure Claude Speeg-Schatz, ophtalmologue au CHU de Strasbourg, spécialisée en pédiatrie, et ex-présidente de la Société Française d'Ophtalmologie. Aucune étude n'a d'ailleurs pour l'instant été menée sur les adultes commençant à porter des verres freinateurs.

Elle conseille donc quelques bonnes pratiques pour limiter l'aggravation de la myopie. "Que les enfants sortent au moins deux heures par jour, à la lumière naturelle, passent moins de temps devant les écrans, téléphones, jeux vidéo, et limiter la vision prolongée de près. Faire des pauses régulières, de quelques secondes, suffisent." Claude Speeg-Schatz estime également que "ce n'est qu'une question de temps" avant que les lunettes freinatrices soient mieux remboursés par l'Assurance maladie et les complémentaires. "Nous avons maintenant des études qui ont suivi des enfants sur quatre à six ans et ont prouvé l'efficacité des verres freinateurs."

 

Myopie : l'efficacité des lunettes et lentilles spéciales - Reportage de Thomas Giraudeau

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.