Démission d'Aurélien Rousseau : la succession des ministres de la Santé "ralentit la capacité à réformer", estime l'ancienne ministre Agnès Buzyn
"À chaque nouveau ministre, tout est remis en cause", estime l'ancienne ministre de la Santé Agnès Buzyn sur franceinfo ce jeudi, au lendemain de la démission d'Aurélien Rousseau qui a claqué la porte du gouvernement après l'adoption de la loi immigration.
Si elle était toujours en poste, à la place d'Aurélien Rousseau, Agnès Buzyn ne sait pas si elle aurait démissionné pour contester la loi immigration, mais elle se "serait certainement posé la question, de ne pas endosser un grand nombre de mesures qui ne vont pas dans le sens" de ses valeurs. "Le problème de cette loi immigration, c'est qu'elle percute un certain nombre de valeurs fondamentales de notre République et par ailleurs, elle ne repose pas sur des faits", critique l'ancienne ministre d'Emmanuel Macron.
"L'AME n'est pas un facteur d'attractivité"
Cette nouvelle loi, rédigée par le Sénat et la commission mixte paritaire, opère "un glissement sémantique", selon Agnès Buzyn, et prend "le problème à l'envers. Au lieu de s'attaquer objectivement et complètement à l'immigration clandestine, telle qu'elle a été voulue par la majorité présidentielle, on en vient quelque part à réduire l'attractivité de notre pays pour les étrangers légaux".
L'ancienne ministre prend l'exemple de la promesse obtenue par Les Républicains (LR) de réformer l'aide médicale d'État (AME) en 2024, faute d'avoir pu l'inscrire dans la loi immigration.
C'est typiquement des politiques publiques qui ne reposent pas sur des faits.
Agnès Buzyn, ancienne ministre de la Santésur franceinfo
"D'abord, l'AME n'est pas un facteur d'attractivité sur notre sol", rectifie Agnès Buzyn. "Deuxièmement, la consommation de soins des personnes à l'AME est strictement superposable à la consommation de soins des personnes les plus pauvres de notre pays. Donc, s'il y a des abus, ils sont totalement minoritaires. D'ailleurs, nous avions déjà lutté contre les possibilités d'abus en modifiant un tout petit peu l'AME, en 2018, lorsque j'étais ministre."
"Chaque nouveau ministre veut imprimer sa marque"
Au total, depuis 2017 et le premier quinquennat d'Emmanuel Macron, cinq ministres ont été nommés à la Santé. Agnès Firmin-Le Bodo est la sixième personne à prendre le portefeuille en intérim depuis la démission d'Aurélien Rousseau. "Ça ralentit la capacité qu'on a à réformer, à mettre en œuvre des politiques de transition pour rendre le système plus efficient et plus efficace", observe Agnès Buzyn.
Celle qui a quitté le gouvernement d'Édouard Philippe en février 2020, à l'aube de la crise sanitaire du Covid-19, ne préfère pas parler de "crise" mais voit plutôt un "système de santé en difficulté et en transition, en train de changer de modèle. C'est vrai dans tous les pays du monde et donc ça se ressent". Sauf que pour changer de modèle, selon Agnès Buzyn, il faut des réformes d'ampleur et une certaine stabilité sur le long terme pour appliquer les mesures politiques, pour "réorganiser l'accès aux soins, le rendre plus efficient et donc ça nécessite des politiques publiques de long terme et donc de la continuité".
Evidemment, aucun ministre n'arrive pour mettre en œuvre complètement la réforme de ses prédécesseurs.
Agnès Buzyn, ancienne ministre de la Santésur franceinfo
La première ministre de la Santé d'Emmanuel Macron a vu ensuite Olivier Véran lui succéder, puis Brigitte Bourguignon, ensuite est arrivé François Braun, avant Aurélien Rousseau qui vient de laisser sa place à Agnès Firmin-Le Bodo. "Chaque nouveau ministre veut imprimer sa marque", explique Agnès Buzyn. "Il veut éventuellement faire une nouvelle réforme. Donc, vous plantez une réforme, vous travaillez avec les acteurs et vous construisez pour le long terme et l'avenir. Et à chaque nouveau ministre, tout cela est remis en cause.
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