"C'est une pionnière !" : Ines Vaz Luis, médecin de l'hôpital Gustave-Roussy à Villejuif, récompensée au plus grand congrès mondial de cancérologie

Article rédigé par franceinfo - Florence Méréo, envoyée spéciale à Chicago (Etats-Unis)
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Ines Vaz Luis, médecin et chercheuse de l'hôpital Gustave-Roussy, à Chicago (Etats-Unis), après avoir reçu un prestigieux prix lors d'un congrès mondial de cancérologie, le 1er juin 2024. (Florence Méréo)
Cette docteure et chercheuse portugaise, qui exerce dans le Val-de-Marne, a été distinguée pour ses travaux pionniers sur la qualité de vie des patients.

Il faut s'imaginer un immense bâtiment vitré. Des allées à n'en plus finir. Des salles de réunion à perte de vue. A Chicago, 50 000 personnes, dont 35 000 médecins, arpentent le centre des congrès où se tient, jusqu'au mardi 4 juin, le congrès de la société américaine d'oncologie clinique, plus grand rassemblement mondial de cancérologie. Chaque matin, tous empruntent un escalator qui longe le portrait noir et blanc d'une femme au sourire déterminé : Ines Vaz Luis, devenue un visage de la lutte contre le cancer.

Si elle est ainsi mise à l'honneur, c'est que cette médecin portugaise qui exerce depuis dix ans à l'hôpital Gustave-Roussy de Villejuif (Val-de-Marne) a reçu, samedi, une distinction prestigieuse, le prix du mentorat Women Who Conquer Cancer, qui désigne en quelque sorte la femme de l'année en cancérologie, et qu'elle partage avec une homologue américaine. "Cette récompense, ici, c'est un peu l'équivalent du Ballon d'or au foot. Ça en impose !", clame fièrement le professeur Fabrice André, directeur de la recherche de Gustave-Roussy, venu applaudir la chercheuse lors de sa montée sur la scène américaine.

Des travaux sur le bien-être global des patients

A 44 ans, Ines Vaz Luis, spécialiste du cancer du sein, se démarque au niveau international pour ses travaux sur la qualité de vie pendant et après la maladie. Prédire la fatigue aux traitements, réduire toutes les toxicités, amorcer la reprise de la vie sociale et professionnelle... Autant de champs qui étaient très peu explorés il y a encore quelques années et dont elle a fait sa spécialité. "Je ne veux pas seulement traiter le cancer, mais bien le patient dans son ensemble. C'est cela qui m'anime et me pousse : permettre à des personnes de mieux traverser cette épreuve, assure-t-elle à franceinfo. L'après-cancer se prépare dès le diagnostic de la maladie".

A son actif, notamment, des travaux autour de l'intelligence artificielle pour évaluer la fatigue des femmes traitées contre un cancer du sein et mettre en place des stratégies pour l'éviter. Des études sur les freins à la prise régulière des traitements. Ou encore la coordination de Canto, une grande plateforme pour découvrir les mécanismes biologiques impliqués dans le développement des effets secondaires des patients atteints d'un cancer du sein et du poumon, avec pour objectif de réduire les séquelles.

"Le système de santé est trop paternaliste"

"Aujourd'hui, on peut profiter des révolutions technologiques et numériques pour faire avancer la part humaine des traitements. Pourquoi s'en priver ?", interroge-t-elle. "Sur ces questions, c'est une pionnière", assure Fabrice André. Une pionnière qui est déjà dans la transmission : quand on lui parle d'elle, elle répond par le "nous" collectif de l'équipe de spécialistes qu'elle dirige à Gustave-Roussy et dont elle vante les travaux. Au congrès de Chicago, plusieurs de leurs publications scientifiques ont été remarquées. L'une d'elles concerne le dépistage précoce des symptômes dépressifs des malades, afin de mieux prévenir ce risque dans le temps. Une autre s'est intéressée aux inégalités d'accès à la télésurveillance, alors que celle-ci est un élément important de la prise en charge.

"Tout cela, ça peut changer la vie des patients, insiste Ines Vaz Luis. Aujourd'hui, le système de santé est trop paternaliste. Il faut le remplacer par un modèle plus participatif, où le malade est un acteur-clé", plaide-t-elle, comme un clin d'œil au titre qu'elle a reçu. Ce que lui inspire ce prix féminin ? "Ça me touche, car il récompense le fait d'être une mentor pour d'autres femmes". En le recevant, elle a pensé à ses collègues, à ses patientes, à ses deux enfants, et peut-être un peu plus à sa fille de sept ans, à qui elle expliquera que "rien dans la vie n'est impossible."

Cette reconnaissance devrait aussi lui être utile dans sa recherche de financements pour les projets qu'elle a en tête. Son rêve : monter une grande étude auprès de 5 000 femmes pour évaluer la part de celles qui pourraient se passer de chimiothérapie, et se contenter de thérapies moins lourdes. Une "désescalade thérapeutique" pour les cancers de bon pronostic. Toujours dans l'idée d'améliorer la vie des malades.

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