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"Nous avons trouvé poétique de les envoyer dans l'espace" : comment des milliers de tardigrades se sont retrouvés sur la Lune

En avril dernier, la sonde israélienne Bereshit s'est écrasée sur la Lune. A son bord se trouvait une des espèces animales les plus robustes au monde : le tardigrade. 

Article rédigé par Guillemette Jeannot
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Ilustration d'un "ourson d'eau".  (SCIEPRO/SCIENCE PHOTO LIBRARY / SKU)

Des "oursons d'eau" sur la Lune. Cela pourrait être le titre d'un poème mais c'est le résultat d'une récente mission spatiale. Le 11 avril dernier, la sonde Bereshit s'est écrasée lors de son alunissage sur la Lune. L'engin spatial transportait la première "bibliothèque humaine".

Cette bibliothèque renferme 30 millions de pages d’informations, des échantillons d’ADN humain et des milliers de tardigrades. Ces animaux microscopiques, appelés "oursons d'eau", peuvent survivre dans presque tous les environnements, y compris l’espace. Mais comment se sont-ils retrouvés sur la Lune ? Pourquoi ont-ils été choisis ? Franceinfo a posé la question à l'initiateur de ce voyage sans retour des "oursons d'eau".

Embarqués "à la dernière minute" 

"Nous avions déjà fait quelques essais préliminaires", raconte Nova Spivack. Le fondateur de l'ONG Arch Mission, qui a envoyé les tardigrades sur la Lune, a orchestré avec son équipe "une sauvegarde de la planète Terre" en envoyant des bibliothèques de souvenirs humains dans l'espace. En 2018, les premières archives sont parties dans la boite à gants de la Tesla Roadster d'Elon Musk, qui est maintenant en orbite solaire. Cette fois, la bibliothèque lunaire, de la taille d'un DVD et composée de fines feuilles de nickel, a été accrochée à la sonde israélienne Bereshit. 

Les 25 couches de la bibliothèque contiennent, entre autres, la quasi-totalité de Wikipedia en anglais, des milliers de livres classiques et même les secrets des tours de magie de David Copperfield, rapporte le magazine californien Wiredqui a longuement interviewé Nova Spivack.

L'équipe de l'entrepreneur américain avait prévu d'envoyer plus tard des échantillons d'ADN sur la Lune. Mais peu de temps avant le départ de la mission, ils ont décidé de profiter de ce voyage pour intégrer à leur bibliothèque lunaire des follicules pileux et des échantillons de sang provenant de Nova Spivack et de 24 autres personnes, ainsi que des échantillons de lieux sacrés, comme l'arbre de la Bodhi en Inde. Mais également quelques milliers de tardigrades.

C'était à la dernière minute et nous avions le matériel prêt. Nous avons décidé de les ajouter, parce que vous n'avez tout simplement pas l'occasion d'atterrir très souvent sur la Lune.

Nova Spivack, fondateur d'Arch Mission

à franceinfo

Entre chaque couche de nickel a été ​​ajoutée une fine couche de résine époxy, un équivalent synthétique de la résine d’arbre fossilisée qui préserve les insectes anciens. Dans la résine ont été insérés les ADN humains. Et les tardigrades déshydratés ont été déposés sur du ruban adhésif fixé à la bibliothèque lunaire. Cette dernière, enveloppée dans plusieurs couches d’isolant, a été fixée à l’atterrisseur Bereshit.

Après l'alunissage raté de la sonde, la Nasa estime que "la bibliothèque lunaire a survécu à l’écrasement de Bereshit et qu’elle est intacte sur la Lune". Par conséquent, les tardigrades seraient donc préservés. L'équipe d'Arch Mission pense même que le fait d'avoir inclus des échantillons d'ADN et des tardigrades dans la bibliothèque lunaire pourrait avoir été la clé de sa survie lors du crash. Les couches de résine l'ayant considérablement renforcée. "Ironiquement, notre bibliothèque est peut être la seule chose qui a survécu lors de cette mission", commente l'homme d'affaires, qui n'a pas choisi les tardigrades par hasard.

Ils sont réputés "immortels"

Ces animaux boudinés d'un peu plus d'un millimètre et dotés de huit pattes "sont la forme de vie la plus durable que nous connaissions", explique Nova Spivack. Privés d'eau et de nourriture, ils sont capables de se mettre en état de "mort clinique" et de "ressusciter" dès que les circonstances le permettent.

Ce minuscule invertébré vit dans des habitats aquatiques et semi-aquatiques comme le lichen et la mousse humide. Grossissement x250 (STEVE GSCHMEISSNER / SGS)

Ils peuvent survivre aux conditions les plus extrêmes telles que le vide spatial ou les profondeurs des océans. Ils supportent des doses massives de radiation mortelles pour l'homme ou encore une absence totale d’oxygène. Ils sont également capables de résister à des températures extrêmes allant de -272 °C à +150 °C pendant plusieurs minutes.

Selon une étude publiée par Scientific Reports en 2017, l'"ourson d'eau" pourrait aussi survivre aux conséquences d'une collision de la Terre avec un astéroïde géant, comme celui qui a contribué à la disparition des dinosaures et auquel l'être humain ne résisterait pas. Pour Nova Spivack, c'est l'être "idéal" pour survivre dans sa bibliothèque lunaire conçue pour durer des millions d'années. 

Nous pensons que les tardigrades ont peut-être apporté la vie sur Terre depuis des comètes ou des météores. C'est pourquoi nous avons trouvé poétique de renvoyer des tardigrades dans l'espace.

Nova Spivack, fondateur d'Arch Mission

à franceinfo

A plus de 380 000 km de la terre et toujours en état de cryptobiose, avec des fonctions vitales réduites à 0,01 % de leur capacité, les tardigrades sont peut-être devenus les premiers résidents terrestres de la Lune.

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