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Laits infantiles contaminés de Lactalis : le ministre de l'Agriculture dit "tout et son contraire", affirme une association de victimes

Le président de l'association des familles victimes du lait contaminé aux salmonelles, Quentin Guillemain, réagit jeudi sur franceinfo aux déclarations du ministre de l'Agriculture, Stéphane Travert.

Article rédigé par franceinfo
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Une des marques concernée par l'affaire des laits infantiles contaminés aux salmonelles. (MAXPPP)

"L'État n'a pas été défaillant, il y a eu des contrôles", a affirmé Stéphane Travert, ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation, jeudi 4 janvier sur franceinfo. Il réagissait à l'affaire du lait infantile de Lactalis contaminé aux salmonelles. Des déclarations contestées par Quentin Guillemain, président de l'association des familles victimes du lait contaminé aux salmonelles, à l’origine de la plainte, et père d’un bébé de trois mois. Il parle d'un "vrai scandale" et assure qu'il "ne lâchera pas tant qu'on n'aura pas la transparence sur la responsabilité de l'État."

franceinfo : Êtes-vous convaincu par les explications du ministre ?

Quentin Guillemain : Absolument pas. Dans ses propos, il affirme tout et son contraire. Il confirme que des autocontrôles réalisés en août, ont révélé chez Lactalis la présence de salmonelle. Ce qui, semble-t-il, a fait l'objet d'une information auprès des services concernés du ministère. Et il dit qu'aucune enquête n'a été menée après ces autocontrôles positifs. Ce qui est un vrai scandale ! On a une enquête vétérinaire qui passe dans l'usine au mois de septembre, et elle ne fait aucun contrôle ? Comment est-ce possible ?

Lactalis affirme que, dans ses contrôles internes, les inspecteurs ont repéré des traces de salmonelle mais uniquement dans l'environnement et non dans les produits, et que les contrôles ont eu lieu dans un autre atelier...

Comment des inspecteurs peuvent-ils passer un mois après, et ne pas s'intéresser au problème ? La responsabilité de l'État est de vérifier que l'usine a tout fait pour que ces autocontrôles s'avèrent négatifs par la suite. C'est la responsabilité de l'État, il en est informé. J'entends la défense qui consiste à dire qu'il y a plusieurs bâtiments. Mais il n'y a qu'une seule usine ! Comment l'inspection vétérinaire qui passe dans une usine peut ne pas s'intéresser à la présence de salmonelle dans cette usine ?

Pour vous, il y a un manque de transparence des deux côtés ?

Il y a une opacité totale. Quels sont les contrôles effectués ? Peut-on avoir les rapports des contrôles effectués, puisque le ministère n'a, semble-t-il, rien à se reprocher ? Pourquoi ne publie-t-il pas le rapport de ses inspecteurs vétérinaires ? On a une pétition en ligne pour la transparence de ces contrôles, qui a recueilli 30 000 signatures en six jours. Cette pétition continue d'augmenter. On ne lâchera pas tant qu'on n'aura pas la transparence sur la responsabilité de l'État. On ne peut pas se décharger sur Lactalis, dire que l'entreprise serait la seule responsable de ses produits, et donc que l'État n'aurait rien à voir avec cette affaire. Non. Encore heureux qu'il y a un certain nombre de protections du consommateur ! L'État a sa responsabilité, celle de vérifier que l'usine a tout fait, tout mis en oeuvre pour que cette salmonelle disparaisse.

Comment expliquez-vous cette opacité ? Y a-t-il trop d'intérêts économiques en jeu ?

On le sent bien. D'ailleurs, le ministre dit : "J'ai une pensée pour les familles de victimes, et j'ai une pensée pour les employés." On sent bien que derrière, il y a des enjeux économiques, des enjeux d'emplois. Je les comprends, ces enjeux-là. Mais comment peut-on dire cela, alors même qu'on sait que des dizaines, voire des centaines d'enfants ont été malades, et qu'on n'a jamais pris contact avec l'association des victimes ? Comment, dans un scandale de ce type-là, peut-on ne pas recevoir les familles pour leur expliquer ce qui est mis en oeuvre, fait par l'État, et comment on peut accompagner les parents qui sont victimes ? Il va falloir que l'État réagisse.

Santé publique France, l'agence nationale de santé publique, recense 35 cas de contamination. De votre côté c'est beaucoup plus, pourquoi ?

C'est beaucoup plus, sur un échantillon de 2 000 personnes. Imaginez à l'échelle de la France entière, et à l'échelle du monde, parce qu'on parle de plus de 60 pays concernés. Les chiffres de Santé publique France ont forcément un délai de latence. Ce sont des chiffres remontés d'hospitalisations qui ont eu lieu entre septembre et novembre. Il suffit de les interroger pour le savoir. Aujourd'hui, j'ai 2 000 familles qui ont acheté le lait. Sur ces 2 000, j'ai plus de 200 enfants qui ont été malades. Plus de 60 enfants ont été hospitalisés. Dans ces 60, 36 à l'heure actuelle ont été diagnostiqués. Il y a des familles qui n'ont pas été signalées à Santé publique France.

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