Cet article date de plus de six ans.

Cinq choses à savoir sur Emmanuel Besnier, le très discret (et très puissant) patron de Lactalis

En pleine affaire du lait infantile contaminé, le PDG du géant agroalimentaire était convoqué par le ministre de l'Economie Bruno Le Maire pour s'expliquer. Coup de projecteur sur ce milliardaire méconnu.

Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Emmanuel Besnier lors d'une visite en Croatie, en avril 2007. (SKLEDAR/CROPIX/SIPA)

Convoqué vendredi 12 janvier à Bercy pour répondre de l'affaire retentissante des laits infantiles contaminés, le PDG du géant Lactalis, Emmanuel Besnier, a jusqu'ici cultivé la discrétion, voire l'invisibilité. Coup de projecteur sur ce grand parton à la tête d'un groupe dans la tourmente. 

1Il possède la huitième fortune de France

A 46 ans, il est la 8e fortune de France, selon le classement du magazine Forbes daté d'avril 2017. Estimée à 4,3 milliards de dollars en 2013, elle s'élèverait désormais à 11,3 milliards (9,2 milliards d'euros). Une augmentation conséquente dans un contexte de crise laitière au cours de laquelle les producteurs de lait ont qualifié Emmanuel Besnier de "plus mauvais payeur de France".

>> INFOGRAPHIE. Découvrez l'étendue de l'empire Lactalis, le leader mondial des produits laitiers

A l'image de son patron, Lactalis cultive le secret, "jusqu'à l'opacité", estime Le Parisien, "au point de payer des amendes plutôt que de publier ses comptes comme l'y oblige la loi"Seule donnée qu'il consent à livrer : son chiffre d'affaires annuel de 17,3 milliards d'euros est réalisé à 58% en Europe, 21% en Amérique, 14% en Océanie et 7% en Afrique.

A l'origine de ce géant de l'agroalimentaire : André Besnier, qui crée sa première laiterie en 1933. Mais c'est son fils Michel, surnomé "l'Emir Blanc", qui propulse le groupe aux sommets en fondant la marque Président puis en implantant ses premières laiteries à l'étranger. Une dynamique qui va s'accélérer avec Emmanuel. En 2011, il lance une OPA hostile sur l’italien Parmalat, qui le hisse au premier rang mondial des industriels du secteur laitier.

2Il est "né dans un bidon de lait"

En 1998, Emmanuel Besnier racontait à Capital qu’il était "né dans un bidon de lait" avant de grandir dans une usine de yaourts. Il s'agissait de sa première interview mais aussi de la dernière puisque ce patron d'industrie vole depuis en dessous des radars médiatiques. "C’était un gentil garçon qui ne se faisait jamais remarquer", se souvient la directrice du collège Sainte-Thérèse, à Laval (Mayenne), où il fait ses études, avant de rejoindre le lycée d’Avesnières, un autre établissement privé.

Il intègre ensuite une école de commerce, l’Institut supérieur de gestion de Paris, avec l'objectif de prendre la suite de son père. Une période où cet homme discret se lâche. "Pendant notre stage à New York, il n’était pas le dernier à s’amuser. (...) Il partageait une maison avec une bande de copains, disons… exubérants, pour parler sobrement", se rappelle un de ses amis de promotion. 

Son diplôme en poche, il apprend le métier en naviguant dans les différentes usines du groupe. Jusqu'au 11 juin 2000, le jour de la mort de Michel Besnier, son père. A 29 ans, c'est à Emmanuel que revient les rênes du géant familial. 

3Il est extrêmement discret

Bien qu'il occupe depuis près de 18 ans la tête du groupe familial devenu le numéro un mondial du lait, Emmanuel Besnier reste un inconnu. Inconnu du grand public, comme de ses 75 000 salariés dans 85 pays, dont 15 000 en France, ou des milliers de producteurs qui alimentent au quotidien cette gigantesque machine. "Son grand-père allait dans chaque ferme, connaissait chaque producteur. Lui, personne ne le voit jamais !" s'étonne Philippe Jéhan, président du syndicat agricole FDSEA de Mayenne, interrogé par La Voix du Nord.

En 20 ans de responsabilité agricole dans le département, je ne l'ai jamais rencontré.

Philippe Jéhan

dans "La Voix du Nord"

Emmanuel Besnier vivait encore il y a quelques années dans une commune proche de la préfecture de la Mayenne, à Entrammes, où sa famille dispose d'un château dans la forêt. Mais désormais "toute la famille a déménagé à Paris", informe un journaliste local à l'AFP.

Pas question non plus d'étaler au grand jour les événements familiaux. C'est Le Point qui raconte ainsi le coup de sang d'Emmanuel Besnier le jour de son mariage. Pour l'occasion, Jean-Claude Decaux, qui réalise nombre d'affiches publicitaires pour Lactalis, avait fait placarder sur tous les panneaux 4x3 de Laval : "Félicitations, Président". Une référence au beurre Président, fleuron de Lactalis. Mais quand il a découvert la surprise, le futur marié a fait arracher toutes les affiches dans la matinée.

4Il est dur en affaires

Seul aux commandes du groupe, il ne partage pas le pouvoir. "En pleine crise du lait, il décide, contre l'avis insistant de ses proches, de virer des éleveurs qui avaient quarante ans d'ancienneté. Leur erreur ? Avoir critiqué son groupe lors d'un reportage télévisé", se rappelle auprès du Parisien un producteur, longtemps proche du groupe.

Le groupe Leclerc confirme à Capital cette dureté en affaires d'Emmanuel Besnier. Mécontent des faibles augmentations tarifaires consenties par l’enseigne lors de négociation sur les produits laitiers, il avait pris une décision radicale en cessant de livrer ses produits aux centres Leclerc, sauf un, celui de Saint-Berthevin, à la sortie de Laval, rapporte Le Point. "Sur ce coup-là, on n’a pas compris ce qu’ils nous faisaient", reconnaît Michel-Edouard Leclerc, interrogé par Capital.

Quand il a décidé de vous mettre à genoux, il vous le dit calmement, droit dans les yeux.

Un industriel anonyme

dans "Capital"

Un homme tellement discret, que même les différents ministres de l’Agriculture qui se succèdent rue de Varenne ne savent pas comment le contacter. France 3 Pays de la Loire rappelle ainsi qu'en août 2016, Stéphane Le Foll, alors ministre de l'Agriculture, déclarait à son sujet : "On ne le voit jamais. Je ne l'ai jamais vu. Je n'ai pas son portable." 

En décembre, le patron avait aussi refusé de se rendre à une convocation dans l'affaire du lait infantile contaminé. Avant de finalement se déplacer à Bercy, vendredi 12 janvier, à l'invitation de Bruno Le Maire pour s'expliquer dans ce dossier. A la sortie, le ministre de l'Economie a tenu à préciser que "le président de Lactalis communiquera publiquement sur les causes de la contamination"

5Il a passé un accord avec Bercy

Lactalis, c'est avant tout une histoire de famille. A la mort de leur père Michel, ses trois enfants, Jean-Michel, Emmanuel et Marie, héritent de l'empire laitier. Mais pour éviter de s'acquitter des droits de successions astronomiques qui les auraient obligé à vendre une partie de leurs titres, les Besnier ont convaincu Bercy d'étaler le paiement pour garder le groupe entièrement à leur main. Seule contrepartie exigée par l’administration, rapporte Capital : pas de vente d’actions durant toute cette période.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.