Syrie : la crainte d'une nouvelle offensive militaire turque contre les Kurdes
Au moment où le monde a les yeux rivés sur l'Ukraine, la Turquie pourrait lancer une nouvelle opération militaire contre les Kurdes dans le nord-est de la Syrie. Recep Tayyip Erdogan entend neutraliser une fois pour toutes les combattants kurdes de la région.
Depuis 2016, le président turc Recep Tayyip Erdogan a lancé trois offensives dans le nord de la Syrie. Offensives qui lui ont permis d'établir une zone tampon de 30 kilomètres de profondeur et de 120 km de long pour séparer la Turquie des territoires aux mains des YPG, ces combattants kurdes assimilés par le régime turc à une organisation terroriste, en raison de leurs liens avec le PKK (le parti des travailleurs du Kurdistan). Le président Erdogan n'a jamais caché sa volonté de prendre le contrôle d'une bande de terre beaucoup plus importante qui irait de la région d'Afrin à l'ouest, conquise par la Turquie en 2018, à la ville de Qamishli à l'est où la Russie d'ailleurs dispose d'une base arienne.
Kobané en ligne de mire
Au milieu de cette bande de territoire se trouve Kobané. Une ville symbole puisqu'elle a été assiégés par Daech en 2014 avant d'être libérée un an plus tard par les combattants kurdes soutenus par Washington et qui ne l'ont pas quitté depuis. Les États-Unis, qui ont encore environ 2000 soldats présents dans l’est de la Syrie, ont exprimé à de nombreuses reprises leur inquiétude et multiplient leurs efforts diplomatiques pour stopper une possible offensive turque, qui risquerait selon eux de déstabiliser la région. Mais rien ne semble arrêter Recep Tayyip Erdogan et le timing joue en sa faveur. Isolée sur la scène internationale après le déclenchement de la guerre en Ukraine, la Russie, pourtant partie prenante dans le dossier syrien, a d'autres priorités. Une partie du contingent russe en Syrie composé de 5000 hommes a été redéployé dans le Donbass. Moscou ne semble pas décidé à freiner les ardeurs de la Turquie ce dont entend profiter le président Erdogan pour avancer ses pions dans la région.
L'enjeu des réfugiés syriens
Le président turc est également persuadé que ses alliés Occidentaux ne s'opposeront pas une nouvelle opération en Syrie au moment où la Suède et la Finlande espèrent rentrer dans l'OTAN. Deux pays accusés par la Turquie d'abriter des militants kurdes qu'elle considère être des terroristes. Ce dossier sensible pourrait lui servir de levier pour obtenir des concessions de Washington. Recep Tayyip Erdogan a enfin un autre projet : il veut rapatrier dans le nord de la Syrie un million de réfugiés syriens sur les 3,7 millions qui vivent sur le sol turc et dont la présence est source de tensions dans le pays. La question des réfugiés est devenue un enjeu électoral en Turquie. À un an de l'élection présidentielle, une offensive militaire pourrait regonfler sa popularité en berne et galvaniser le sentiment nationaliste comme ce fut le cas en 2019 lors de l'opération "Source de paix" qui avait été lancée dans le nord syrien après la défaite de son parti AKP aux élections municipales d'Istanbul et d'Ankara.
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