En Turquie, la présence des millions de réfugiés syriens suscite de plus en plus d'hostilité dans la société
A plusieurs mois dâĂ©lections qui sâannoncent difficiles pour le prĂ©sident Erdogan, l'opposition dĂ©nonce la situation des migrants syriens notamment et propose de les renvoyer Ă Damas, malgrĂ© la guerre.
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![Le président turc Recep Tayyip Erdogan lors d'un discours au manoir de Vahdettin à Istanbul, en Turquie, le 8 mai 2021. (MUSTAFA KAMACI / ANADOLU AGENCY / AFP)](https://www.francetvinfo.fr/pictures/FpaYSYaR3iE2hlifRhP4IEba-uE/0x172:1023x746/432x243/2021/06/06/phpGwCcDd.jpg)
La Turquie est le pays qui accueille le plus de rĂ©fugiĂ©s au monde : 3,7 millions de Syriens sont prĂ©sents, selon un chiffre officiel, qui grimpe Ă 5 millions, si l'on ajoute les rĂ©fugiĂ©s dâautres nationalitĂ©s, notamment des Afghans. Or, dans la sociĂ©tĂ© turque, leur prĂ©sence suscite de plus en plus dâhostilitĂ©, que lâopposition tente dâinstrumentaliser Ă un an dâĂ©lections qui sâannoncent difficiles pour le prĂ©sident Erdogan.Â
Alors, pour tenter dâapaiser ce sentiment anti-rĂ©fugiĂ©s, les autoritĂ©s turques ont pris une mesure inĂ©dite : les Syriens enregistrĂ©s dans le pays nâont pas le droit de faire lâaller-retour avec la Syrie pendant les fĂȘtes de fin du ramadan, qui ont commencĂ© ce 2 mai, comme une petite partie dâentre eux le faisaient chaque annĂ©e.
Cette dĂ©cision est intervenue aprĂšs une Ă©niĂšme polĂ©mique dĂ©clenchĂ©e par le principal parti dâopposition, le CHP, le Parti rĂ©publicain du peuple, crĂ©Ă© par Mustafa Kemal AtatĂŒrk. Son dirigeant, Kemal Kiliçdaroglu, a promis, une fois de plus, de renvoyer tous les Syriens chez eux en cas de victoire aux Ă©lections de lâan prochain, alors que les autoritĂ©s â Ă commencer par le prĂ©sident Erdogan â rĂ©pĂštent jusquâici quâil nâest pas question de les renvoyer contre leur grĂ©, tant que leur pays ne sera pas en paix.
"Entre le paradis et lâenfer"
Cette surenchĂšre anti-rĂ©fugiĂ©s inquiĂšte beaucoup Shady Eed, un artiste syrien qui vit Ă Istanbul depuis 10 ans. Ce denier nâavait pas prĂ©vu de rentrer en Syrie pour lâAĂŻd el-Fitr. Mais les polĂ©miques Ă rĂ©pĂ©tition dans lâarĂšne politique et sur les rĂ©seaux sociaux renforcent chez lui le sentiment dâĂȘtre "coincĂ©" dans un entre-deux. Il utilise le mot "Araf" qui signifie, dans l'Islam, lâendroit situĂ© entre le paradis et lâenfer : le purgatoire.
"Câest la situation de ceux qui ont quittĂ© la Syrie. En Turquie, si vous vous habillez bien, on dit : 'Regardez ces Syriens, ils prennent du bon temps !' Quand vous nâĂȘtes pas bien habillĂ©, on dit : 'Regardez leur accoutrement, ils ne savent pas se tenir !' Quand vous trouvez un emploi, on dit : 'Et voilĂ encore un Syrien qui vole notre travail !'â Quand vous ne travaillez pas, on dit : 'Quels fainĂ©ants, ces Syriens !' MĂȘme si jâai fait un doctorat en Turquie, mĂȘme si je suis artiste et mĂȘme si je parle plusieurs langues, je suis coincĂ© Ă Istanbul. Je ne peux pas quitter la ville pour faire des recherches universitaires. Je ne peux pas quitter le pays pour exposer mes Ćuvres ailleurs. En Europe, de toute façon, personne ne veut de nous... Quoi quâon fasse, câest sans issue", dĂ©plore-t-il.
Comme les autres Syriens de Turquie, le peintre ne bĂ©nĂ©ficie pas du statut de "rĂ©fugiĂ©" Ă proprement parler, mais dâune "protection temporaire". Une protection qui, certes, lui offre des droits, tels que l'accĂšs aux soins, Ă lâĂ©ducation, au marchĂ© du travail, mais avec dâimmenses lacunes. Ce statut lâempĂȘche par exemple de sortir de sa province dâenregistrement, Ă savoir Istanbul. Shady et ceux de ses compatriotes qui ne souhaitent pas participer Ă lâun des programmes de "retour volontaire" en Syrie mis en place par les autoritĂ©s turques sont donc bel et bien coincĂ©s, physiquement et mentalement. Et vu lâattitude de lâopposition, l'artiste apprĂ©hende beaucoup la campagne pour les Ă©lections lĂ©gislatives et prĂ©sidentielle de juin 2023.
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