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Les Iraniens se tirent dessus dans le golfe d'Oman

Un étrange accident s'est produit dimanche dans l'après-midi : les militaires iraniens ont tiré sur l'un de leurs propres navires.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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L'ayatollah Ali Khamenei, le guide suprême iranien, donne une conférence de presse à Téhéran, le 10 mai 2020. (AFP PHOTO / HO / KHAMENEI.IR)

La formulation utilisée par l’agence officielle iranienne Tasnim vaut son pesant : "une erreur lors d’un tir ami". Des termes bien policés pour décrire une réalité assez crue : 19 soldats iraniens ont été tués et 15 autres blessés lors de cet "accident". Un missile, vraisemblablement tiré par une frégate iranienne, a touché de plein fouet un autre bâtiment de la marine de Téhéran, le Konarak. Les images de la télévision iranienne montrent ce navire de secours logistique, très endommagé, en cours de remorquage vers les côtes. Le drame s’est produit au large de Jask entre l’Iran et le Sultanat d’Oman, juste au Sud du célèbre détroit d’Ormuz par où passent tous les pétroliers, pas très loin non plus de Dubaï.

L’agence Tasnim reconnait donc la mort de 19 marins, 19 "martyrs" comme elle les appelle. Mais cet aveu d’une "erreur" est effectué par l’agence uniquement sur son fil Twitter en anglais, pas sur son service en persan. Autrement dit : l’aveu est en partie dissimulé au public iranien. Il faut bien dire que ça fait mauvais effet, d’autant que la frégate à l’origine de l’erreur semble être le Jamaran, un navire de nouvelle génération porté aux nues par l’Iran comme une incarnation de son autonomie technologique. C’est raté.  

Erreurs et dissimulations en série

Et ce n’est pas la première "erreur" de ce genre : on se souvient de la destruction, il y a quatre mois - le 8 janvier, juste avant la crise mondiale du Covid-19 - d’un Boeing ukrainien par la défense anti-aérienne de l’Iran. En pleine poussée de tension avec les États-Unis, les militaires iraniens avaient confondu cet appareil civil avec un avion militaire. Bilan : 176 morts au-dessus de Téhéran, essentiellement des Iraniens. Après quelques jours de dissimulation des faits, les Pasdaran, les Gardiens de la Révolution, avaient fini par admettre leur responsabilité dans cette autre "erreur". Tout cela témoigne, soit d’une grave incompétence, soit à tout le moins d’une forte nervosité au sein de l’armée iranienne. Ajoutons à ce paysage une gestion controversée de l’épidémie de coronavirus : le pouvoir de Téhéran a d’abord cherché à cacher l’ampleur de l’épidémie avant de reconnaître les faits. Même aujourd’hui, le bilan, officiellement de 6 685 morts dans ce pays de 80 millions d’habitants, paraît largement sous-estimé. Et sont ainsi réunis tous les ingrédients d’une défiance importante de la population vis-à-vis du régime.  

Washington et Téhéran toujours à couteaux tirés

"L’accident" de ce 10 mai témoigne aussi de la tension persistante dans le Golfe persique entre l’Iran et les États-Unis. On l’a un peu perdue de vue depuis que tous les regards se sont braqués sur la pandémie. Mais rien n’a changé dans cette partie du monde. Washington se refuse catégoriquement à lever toute sanction contre Téhéran, épidémie de Covid ou pas. Dans le même temps, l’Iran semble poursuivre son processus de reprise de l’enrichissement de l’uranium. Et dans le détroit d’Ormuz, les navires américains et iraniens continuent de s’épier, parfois à seulement quelques centaines de mètres les uns des autres. Autrement dit, l’épidémie n’a absolument pas réduit le risque d’un embrasement dans la région.    

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