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Le vrai du faux. Bloquer un lycée et inciter à faire un blocage sont-ils des délits, comme le sous-entend Valérie Pécresse ?

La présidente de la région Île-de-France a décidé de porter plainte contre le député Louis Boyard pour avoir "incité au délit d'entrave", car il a appelé à bloquer tous les lycées et toutes les universités.

Article rédigé par franceinfo - Armêl Balogog
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Le député La France insoumise Louis Boyard, lors d'une conférence de presse à l'Assemblée nationale, le 14 novembre 2022. (THOMAS SAMSON / AFP)

Louis Boyard s'est attiré les foudres de plusieurs personnalités politiques, dont la Première ministre, Elisabeth Borne, mais surtout celles de Valérie Pécresse. Dimanche 5 mars, il a publié une vidéo sur les réseaux sociaux, dans laquelle il lance un concours pour inciter à bloquer tous les établissements scolaires mardi 7 mars, nouvelle journée de mobilisation contre la réforme des retraites. "On lance le hashtag #BlocusChallenge. Postez vos plus belles photos de blocus de lycée et d'université. Parmi ces photos, on en tirera une au sort et l'équipe de bloqueurs sera invitée à visiter l'Assemblée nationale avec nous", déclare-t-il.

Dès le lendemain, lundi 6 mars, la présidente de la région Île-de-France a annoncé dans un communiqué qu'elle allait déposer plainte contre lui pour "incitation au délit d'entrave" et "incitation à la violence", jugeant ses déclarations "inacceptables", "pyromanes" et "irresponsables". Ce faisant, elle sous-entend que bloquer un établissement est un délit et qu'inciter à le faire aussi… et elle a raison.

Bloquer un établissement scolaire est illégal, inciter à le faire aussi

Le blocage d'un établissement scolaire peut constituer un délit à deux titres. D'une part, il s'agit d'un délit d'entrave à la libre circulation, passible d'une contravention de 4e catégorie, soit une amende de 750 euros. D'autre part, si les enseignants ne peuvent pas se rendre sur leur lieu de travail, il s'agit aussi d'un délit d'entrave à la liberté du travail. La peine encourue est alors plus lourde : jusqu'à un an de prison et 15 000 euros d'amende pour des lycéens ou des étudiants majeurs. Les mineurs écoperont plutôt de peines pédagogiques, comme des stages ou des travaux d'intérêt général.

Et inciter à commettre ces infractions est aussi un délit. Pour avoir lancé son concours, Louis Boyard peut encourir une peine de cinq ans de prison et 45 000 d'amende. L'amende peut même monter jusqu'à 150 000 euros d'amende pour avoir inciter des mineurs à commettre une infraction. Néanmoins, et c'est important, il faudra au préalable qu'une enquête soit ouverte et qu'elle démontre qu'il y a bien eu des blocages ou des tentatives de blocages parce que le député a demandé de le faire et qu'il a donc eu une influence sur les auteurs de ces délits.

Le #BlocusChallenge de Louis Boyard a donc fait réagir plusieurs policiers sur les réseaux sociaux. "Au lieu de les sensibiliser intelligemment à la chose politique, vous envoyez des ados se faire interpeller pour votre buzz", s'indigne Linda Kebbab, du syndicat SGP Police FO. Alors que le député promet une visite de l'Assemblée aux vainqueurs du concours, le Syndicat des commissaires de la police nationale, lui, leur promet qu'ils "pourront tous visiter un commissariat de police". Le policier et auteur Abdoulaye Kanté a remercié le député de "faciliter la tâche" des fonctionnaires. Un autre agent, anonyme, a rebaptisé le concours le "garde-à-vue challenge".

Une loi peu appliquée

Cela dit, dans les cas des blocages des établissements scolaires, la loi est rarement appliquée et les chefs d'établissements n'appellent que très peu les forces de l'ordre. Il y a une sorte de tolérance pour la journée. Dans une tribune publiée sur le site du Monde lors des mobilisations contre la réforme des retraites en 2020, des chefs d'établissements expliquaient préférer dialoguer avec les bloqueurs, tout en appelant à ne pas faire durer la situation.

Quelques exemples très diffusés ont cependant prouvé qu'il pouvait y avoir des interpellations lors de blocages, lorsque des tensions naissent, voire des dégradations, des affrontements et des violences. Cela a été le cas au lycée Joliot-Curie de Nanterre (Hauts-de-Seine) en octobre 2022 et à Mantes-la-Jolie (Yvelines) en 2018.

La France insoumise dénonce une "tactique" politique

Le dépôt de plainte de Valérie Pécresse a, à son tour, beaucoup fait réagir. Le groupe des élus La France insoumise au conseil régional d'Île-de-France ont dénoncé un coup médiatique dans un communiqué. Selon lui, la présidente de région est "prête à tout pour exister médiatiquement". Il dénonce une "entrave au droit de grève"

Dans un tweet, Alexis Corbière, député LFI de Seine-Saint-Denis, a dénoncé une "tactique" politique "ridicule" de Valérie Pécresse.

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