Le rendez-vous du Particulier. Tutelles et curatelles : un dispositif au bout du rouleau
"Le rendez-vous du Particulier" évoque aujourd'hui un système à bout de souffle, celui des tutelles et des curatelles.
Frédérique Schmidiger a enquêté pour le mensuel Le Particulier sur ce dispositif des curatelles et des tutelles, censé protéger les personnes vulnérables. Décryptage.
franceinfo : D’abord un bref rappel, qu’est-ce qu’une curatelle ou tutelle, pour et par qui ce système est-il mis en place ?
Frédérique Schmidiger : C’est un dispositif qui permet de protéger des personnes qui en raison de leur âge, d’une maladie ou à la suite d’un accident, voient leur facultés physiques ou mentales altérées, et qui ne peuvent pas agir seules. Elles sont donc épaulées par un curateur qui les accompagne pour les actes les plus graves ou si elles ne sont plus autonomes, elles sont représentées par un tuteur qui agit à leur place. C’est le juge de la protection –le juge des tutelles – qui prononce la mesure, très souvent à la demande d’un proche.
Le juge des tutelles qui décide des mesures ne peut pas suivre tous les cas. Et ce qu’on déplore, c’est qu’il y a trop peu de contrôles sur ces tuteurs ou curateurs ?
Le juge les suit, mais d’assez loin. Les tuteurs et les curateurs doivent établir chaque année leur compte de gestion. Longtemps, ce sont les greffiers des tribunaux judiciaires qui ont été chargés de contrôler ces comptes. Mais débordés, leurs vérifications étaient trop succinctes. En 2019, on a donc changé de fusil d’épaule. C’est un membre de la famille, désigné comme subrogé tuteur, qui endosse ce rôle de surveillance. D’ici 2024, si on n’a pas pu nommer de subrogé (parce qu’il n’y a pas de proche, pas de volontaire…), le juge devra désigner un professionnel (un expert-comptable ou un huissier de justice par exemple…). Aux frais de la personne protégée. On pourra toutefois s’en passer pour les personnes qui ont un tout petit patrimoine.
Autre problème : les certificats médicaux sur lesquels reposent la décision. Ils sont trop flous !
Bizarrement, il n’y a pas de modèle qui harmonise les informations données au juge. D’ailleurs les médecins qui les établissent - qui doivent être inscrits sur une liste établie par les procureurs de la République - ne sont pas toujours spécialistes des troubles cognitifs : gériatres, neurologues, ou psychiatres. C’est d’autant plus regrettable que très souvent, ces certificats dispensent d’auditionner la personne qui va être mise sous tutelle. Elle ne rencontrera donc pas le juge !
Dans certains cas, un membre de la famille est désigné tuteur ou curateur mais parfois ce n’est pas possible. C’est donc un professionnel rémunéré qui s’occupe de la personne, mais ces mandataires sont débordés...
Ils peuvent gérer une soixantaine de personnes pour lesquelles ils doivent payer les factures, gérer le patrimoine, et aussi bien sûr s’occuper de leur bien-être, de leurs vêtements, si la personne n’a pas de familles pour y veiller. Et la crise sanitaire n’arrange évidemment rien.
Heureusement, une loi doit venir améliorer le système, c’est la réforme grand âge et autonomie ?
La réforme serait une bonne occasion de le faire. C’est ce qu’espérait d’ailleurs Caroline Abadie, députée LREM, auteur avec le député LR, Aurélien Pradié, d’un rapport sur les tutelles qui date de juin 2019. Mais la crise sanitaire qui repousse cette réforme a aussi recentré les priorités du gouvernement sur l’aide au maintien à domicile, et sur la prise en charge en maison de retraite. Pas sûr donc qu’on y parle beaucoup de tutelle…
Quels sont vos conseils pour les auditeurs concernés par la mise en place prochaine d’une tutelle ou curatelle ?
- Il ne faut pas hésiter à demander une mesure de protection pour un proche qui en a besoin. Il court évidemment bien plus de risques d’être abusé s’il n’est pas protégé.
- Il faut aussi donner le maximum d’éléments au juge sur ce que la personne peut encore faire seule, sur ses difficultés, sur l’aide dont elle dispose, son entourage. Le juge pourra plus facilement faire du sur-mesure.
- Demander à être subrogé est évidemment aussi un bon moyen de continuer à veiller sur un proche même si on n’est pas son tuteur.
- Et si la personne à protéger s’oppose à la mesure, ou s’il y a un gros désaccord dans la famille, on peut se tourner vers un avocat.
- Dernier conseil : si l’entente familiale est bonne et si la personne est bien entourée, on peut demander au juge une habilitation familiale. Cela permet à un proche d’être autorisé à agir, mais sans ouvrir de mesure de protection judiciaire. C’est moins intrusif, moins traumatisant.
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