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Le président des Emirats arabes unis en visite à Paris : la France déroule le tapis rouge

Le président des Emirats arabes unis, Mohamed ben Zayed, termine mardi 19 juillet une visite d'Etat de deux jours en France. Paris lui fait les yeux doux.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 93 min
Le président des Émirats arabes unis Mohamed ben Zayed (MBZ)et le président de la République française Emmanuel Macron sur le perron de l'Elysée à Paris, le 18 juillet 2022. (LUDOVIC MARIN / AFP)

Le tapis rouge,au sens propre comme au sens figuré : l'escorte de la garde républicaine, le dîner au Grand Trianon à Versailles... Sans oublier, c'est la tradition, les insignes de la grand-croix de l’ordre national de la Légion d’honneur.

La France sort le grand jeu pour MBZ, désigné chef d'Etat en mai après la mort de son demi-frère. MBZ qui offre donc à la France son premier voyage officiel dans le monde occidental, de la même manière qu'en 2017 Emmanuel Macron s'était rendu aux Emirats pour son premier déplacement dans le monde arabe. Preuve, s'il en fallait une, de l’excellence des relations entre Paris et Abu Dhabi.

Sur le plan stratégique, les deux pays nourrissent les mêmes craintes face à l'Iran et son programme nucléaire; ce sont deux adversaires de l'islam politiqueL'allié principal de la France dans le Golfe persique n'est plus l'Arabie saoudite, comme sous le quinquennat de François Hollande, mais bien les Émirats, liés par un partenariat axé sur le domaine militaire. 

Les Emirats, acheteur d'armes françaises

C’est à Abu Dhabi en 2009 que la France installe sa seule base permanente de la région, à Al Dhafra. Une implantation stratégique qui offre une capacité de projection au Moyen orient et permet d'assurer l'accès aux hydrocarbures du Golfe. Elle a notamment servi lors du pont aérien mis en place pour évacuer des étrangers et des Afghans de Kaboul en août 2021, après la prise de pouvoir par les talibans.

Les Emirats sont aussi en train de devenir l'un des plus gros clients de notre industrie d'armement. En décembre la visite d'Emmanuel Macron en décembre s'était accompagnée de la vente de 80 Rafale, commande historique de 16 milliards d'euros pour Dassault.
Sans oublier, pour la vitrine, des initiatives culturelles prestigieuses : l'université de Paris-Sorbonne ou le musée du Louvre ont tous les deux une antenne à Abu Dhabi. Le "Louvre du désert", symbole du rayonnement de la France, joyau architectural signé Jean Nouvel

L'avantage avec MBZ, à la tête d'une fédération de sept émirats richissimes, c'est qu'il n'hésite jamais à sortir le carnet de chèque. Avec les patrons de Thalès, Edf, Total ou Veolia qui participaient hier au dîner du Grand Trianon, des contrats ont été signés pour la gestion des déchets, de l'eau, pour les transports. Des investissements communs sont prévus dans l'hydrogène, nucléaire ou énergies renouvelables.

L'approvisionnement en diesel garanti

Et pour les énergies tout court, c'est maintenant : avec la guerre en Ukraine et l'embargo sur le pétrole russe, la France veut diversifier ses sources d'approvisionnement ? Les Emirats sont là. Troisième producteur de pétrole du golfe, après l'Irak et l'Arabie saoudite ils nous vendent de plus en plus de produits pétroliers raffinés (1,5 milliard d'euros en 2019); cette fois, c'est une nouveauté, ils s'engagent à fournir du diesel pour garantir notre approvisionnement.

Mais ce sera difficile d'aller plus loin, notamment en produisant plus de pétrole pour faire baisser les cours comme le réclament la France et les Etats-Unis. Abu Dhabi dit être au maximum de ses capacités, contraint par ses engagements au sein de l’Opep et surtout très soucieux de ne pas se fâcher avec Vladimir Poutine.

C'est l'ombre au tableau : une vrai divergence avec la France. Le président russe n'est pas considéré comme un paria aux Emirats, pas plus que ne l'est le président syrien, Bachar el-Assad, récemment reçu en visite officielle dans la pétromonarchie. L'Elysée assume : "On n’a pas la même approche, c’est de notoriété publique, mais ça ne nous empêche pas de travailler ensemble".

Plus difficile à défendre, la question du silence sur les droits de l'homme. A Abu Dhabi, les libertés civiles n'existent pas. Réclamer des réformes peut conduire en prison, le bloggueur Ahmed Mansoor en a fait les frais, condamné à dix ans de prison en 2018 pour avoir, selon les autorités, critiqué le pouvoir émirati et
"terni le statut et le prestige des Emirats arabes unis" en publiant de "fausses informations sur les réseaux sociaux". Les ONG comme Reporters Sans Frontières et Human Rights Watch, qui réclament sa libération, expliquent que les "discussions énergétiques et les contrats ne justifient pas de mettre sous le tapis" les agissements de la "petite dictature" que sont aujourd'hui les E.A.U.

Des critiques, il y en a aussi contre les ventes d'armes de la France dans le Golfe, alors qu'Abu Dhabi a rejoint la coalition menée par l'Arabie saoudite dans la guerre au Yémen contre les rebelles houtistes pro-iraniens. La "pire catastrophe humanitaire au monde" selon l'ONU. Les ONG appellent Paris à suspendre toutes ses ventes d'armes, car le matériel est utilisé contre les populations civiles "en violation des règles du droit international". Sur ce sujet aussi, les autorités françaises préfèrent garder le silence.

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