Cet article date de plus de trois ans.

En Inde, l'image de Narendra Modi vacille face à la pandémie

L’Inde, géant d’1,4 milliard d’habitants, est submergée par le coronavirus et doit faire appel à l'aide internationale. Pour la première fois, l’image du Premier ministre nationaliste Narendra Modi vacille.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Narendra Modi, Premier ministre indien. (GIL COHEN-MAGEN / AFP)

L'an dernier, au sortir de la première vague, l’Inde compte très peu de morts alors il triomphe, Narendra Modi. Ce succès, forcément, c’est le sien. La "plus grande pharmacie du monde" se lance même dans la production de vaccins pour les pays pauvres ; à la tribune des Nations unies, le Premier ministre pose en sauveur de l’humanité.
Un an plus tard, il y a 20 millions de personnes contaminées, l’Inde étouffe, l’Inde se meurt, l’aide internationale arrive chaque jour à New Delhi pour que les malades à court d’oxygène ne meurent plus sur les trottoirs devant les hôpitaux.

Entre-temps, il y a eu l’apparition d’un variant, double mutant. Mais surtout des décisions politiques désastreuses. L’autorisation – sans aucune mesure de protection ni geste barrière – des rassemblements religieux (notamment le pèlerinage de Kumbh Mela, plus d'un million de personnes) mais aussi politiques alors que quatre États organisaient des élections locales.

Un Premier ministre déconnecté de la réalité

Ces événements ont agi comme des super-propagateurs du virus, comme au Bengale occidental où Narendra Modi s’est surinvesti dans la campagne, organisant des meetings à tour de bras, ce qui n’a pas empêché son parti, le BJP, de prendre une claque magistrale. Aujourd’hui l’opposition accuse l’homme fort de l’Inde d’être déconnecté de la réalité, de pécher par "arrogance". Son chef, le député Rahul Gandhi, réclame un confinement national. "L'inaction du gouvernement, dit-il, est en train de tuer des innocents".

Face à ces critiques, Narendra Modi dépense beaucoup d’énergie. pas pour redresser la barre, mais pour les faire taire. C’est la première fois depuis son accession au pouvoir en 2014 qu’il est en difficulté : obsédé par la place qu’il laissera dans l’histoire, il ne veut pas laisser abîmer son image.

D’abord, il contrôle le récit politique en se déchargeant de toute responsabilité sur les États (il y en a 29 en Inde) : à l’entendre, ceux sont eux qui ont mal géré la distribution de l’oxygène, des vaccins, les confinements locaux. Ensuite il contrôle la parole des citoyens : il a demandé aux responsables des réseaux sociaux de censurer les messages trop virulents. Une plainte a été déposée contre une personne qui tweetait pour demander de l'oxygène pour son grand-père.

Ce besoin compulsif de maîtriser l’information dépasse les frontières. Le gouvernement australien a reçu une lettre de protestation officielle après la publication d’un article dans un quotidien national qui évoquait "l'hyper-nationalisme et l'incompétence bureaucratique" du gouvernement Modi.

Premier ministre ou sage hindou ?

Comme pour mieux échapper encore au droit d'inventaire, parallèlement Narendra Modi a entrepris une véritable transformation physique : il s’est laissé poussé les cheveux et sa longue barbe blanche lui donne l’image d’un sage hindou qui parlerait davantage de morale et de valeurs et se tiendrait au-dessus de la mêlée politique.

Le stratagème ne fonctionne qu’à moitié. Le dirigeant indien se sait en sursis mais le temps joue pour lui : les prochaines élections nationales, c’est en 2024. Autant dire très loin.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.