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Crise des sous-marins : l'Europe (enfin) soudée derrière la France

Toujours pas de coup de fil entre Joe Biden et Emmanuel Macron pour apaiser les tensions dans l'affaire des sous-marins, ce méga-contrat prévu entre la France et l'Australie mais abandonné au profit des Américains. Soulagement toutefois du côté de Paris : l'Europe est (enfin) venue à la rescousse.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne juge inacceptable la façon dont Paris a été traité dans l'affaire des sous-marins. (YVES HERMAN / POOL via AFP)

Il aura fallu cinq jours pour que les Européens expriment publiquement leur soutien à la France. Cinq jours pour admettre qu'il ne s'agit pas que d'une affaire franco-américaine ou franco-britannique, mais d'une crise globale engageant toute l'Europe.

Cinq jours pour réaliser qu'on ne parle pas dans cette affaire d'un simple contrat commercial mais d'une question stratégique majeure dans une zone indo-pacifique devenue théâtre de confrontation avec la Chine. Et que c'est là, maintenant, que se joue le prochain équilibre des puissances dans lequel l'Union européenne doit trouver sa place.

L'un des acteurs du dossier en France le reconnaît : Paris a du convaincre, expliquer, argumenter face à ses partenaires. Qui ont enfin pris position. Après une première expression timide du chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, c'est sur CNN, le 20 septembre, qu'intervient la présidente de la Commission. Ursula von der Leyen juge "inacceptable" la façon dont Paris a été traité.

Le commissaire au Marché intérieur, Thierry Breton, juge à son tour le 21 septembre que "quelque chose s'est cassé dans les relations avec Washington". Puis les ministres des Affaires Étrangères prennent le relais. "Cette crise est un signal d'alarme pour nous tous dans l'UE", dit le secrétaire d'État allemand aux Affaires européennes, Michael Roth.

Elle doit surtout servir de déclencheur, répond le Français Clément Beaune qui appelle l'UE à une "prise de conscience" : "on l'a vu dans la crise afghane, on le voit dans cette tension du moment". Il est temps d'accélérer "l'autonomie stratégique de l'Europe".

De la distance mais pas de brouille avec Washington

Sauf que personne ne veut vraiment se brouiller avec Washington. À Bruxelles plusieurs pays ont plaidé pour préserver la relation transatlantique. "On ne peut pas mettre en pièce les relations existantes" dit par exemple le ministre irlandais Thomas Byrne. "Bien sûr, nous devons défendre nos intérêts stratégiques. Mais nous ne pouvons pas le faire en nous repliant sur nous-mêmes", complète le ministre suédois des Affaires européennes Hans Dahlgren.

C'est aussi la position des pays baltes, traditionnellement alignés sur Washington, et de tous ceux qui ne veulent surtout pas affaiblir l'OTAN, organisation avec laquelle la France a pris ses distances. On se souvient du coup de tonnerre d'Elmmanuel macron qui l'avait qualifié d'organisation en état de "mort cérébrale".

Coup de frein sur l'accord de libre-échange UE-Australie ?

La capacité de rétorsion européenne passe par deux dossiers économiques. D'abord l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et l'Australie, auquel certains veulent mettre un coup de frein. Les discussions ont démarré en 2017, un nouveau cycle doit débuter le 12 octobre. Même si les négociations commerciales relèvent de la compétence exclusive de la Commission européenne, qui dispose d'un mandat des gouvernements, rien n'empêche la France de gripper le jeu.

Paris a déjà été très offensive en 2016 pour mettre fin aux discussions enlisées sur le TTIP, le traité commercial avec les Américains. Quant au Comprehensive economic and trade agreement (Ceta), l'accord avec le Canada, il est toujours bloqué, le Sénat n'a pas voté sa ratification. 

Sentant le vent touner, Canberra – qui aimerait bien exporter son agriculture et sa viande en plus de son charbon et voit dans cet accord un moyen de gonfler son PIB et ses parts de marché – s'est empressée d'en louer tous les bienfaits : un accord serait "mutuellement bénéfique" et permettrait aux États membres de l'UE "d'accroître leur présence dans la région indo-pacifique", déclare aujourd'hui le ministre australien du Commerce, Dan Tehan.

Le conseil "Commerce et technologie" retardé ?

À plus court terme, une réunion est prévue mercredi 29 septembre entre l'Union européenne et les États-Unis en Pennsylvanie, pour parler technologie et commerce. Le TTC (Trade and Technology Council), est un nouveau format censé inaugurer une coopération plus étroite pour mieux lutter contre l'influence de la Chine. Ce rendez-vous aura-t-il lieu comme prévu ?

La secrétaire américaine au Commerce le souhaite, elle a même publié ce mardi 20 septembre un communiqué insistant sur "l'importance que l'administration Biden accorde (au) partenariat avec l'Union européenne". Pour marquer le coup, la France préfèrerait reporter la rencontre d'une semaine. Tous les Européens, là encore, ne sont pas sur la même ligne. La Commission rendra sa décision dans les jours qui viennent.

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