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Balkans : le regain de tension entre la Serbie et le Kosovo

Dans les Balkans, les esprits s'échauffent entre la Serbie et le Kosovo. À l'origine des tensions, une histoire... de plaques d'immatriculation.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Une route barricadée par des camions serbes dans le village de Rudare près de la ville de Zvecan (Kosovo, le 26 décembre 2022). (ARMEND NIMANI / AFP)

Début novembre, le gouvernement kosovar décide d'appliquer une mesure tout à fait symbolique qui traîne dans les tiroirs depuis des mois, voire des années : imposer le même modèle de plaques d'immatriculation – un modèle kosovar – à tous les habitants et sur tout le territoire.
Ceux qu'il cible en réalité, ce sont les 50 000 Serbes qui vivent dans le nord du pays, et dont une bonne partie roule avec des plaques serbes.

La rébellion des Serbes du nord du Kosovo

Le Kosovo s'est déclaré indépendant il y a 15 ans, en 2008, mais cette minorité considère qu'elle fait toujours partie de la Serbie. Elle refuse régulièrement d'obéir aux autorités de Pristina, qui cette fois veulent la faire entrer dans le rang et pensaient sans doute, à la lumière du contexte de guerre en Ukraine, obtenir le plein soutien des Occidentaux (c'était oublier que cinq États européens, l'Espagne, la Grèce, la Roumanie, la Slovaquie et Chypre, refusent toujours de reconnaître l'indépendance du Kosovo).

La rébellion est immédiate. Dans la région de Mitrovica, des maires, des juges, des fonctionnaires et plus de 600 policiers serbes démissionnent en signe de protestation. Il y a des manifestations, des camions se positionnent en travers des routes pour bloquer la circulation, ce qui engendre des affrontements avec la police et des échanges de tirs sans qu'on sache vraiment qui en est à l'origine.

Le 23 novembre l'idée des plaques est finalement abandonnée, grâce à un accord sous l'égide de l'Union européenne. Selon le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, "la Serbie va cesser de délivrer des plaques d'immatriculation serbes portant des dénominations de villes kosovares et le Kosovo va cesser toute activité pour les remplacer". Mais la tension, elle, ne retombe pas. Un ancien policier serbe accusé d'avoir agressé ses collègues a été mis en prison, ce qui remet une pièce dans la machine.

L'armée en état d'alerte renforcée

Face aux troubles, la Serbie adopte un discours très offensif. Belgrade, qui n'a jamais reconnu l'indépendance de son ancienne province méridionale, estime qu'il lui revient de protéger la minorité serbe du nord.


1 500 soldats supplémentaires sont donc envoyés sur la frontière, déjà très militarisée (les Serbes disent plutôt "la ligne administrative") où se rend aussi le ministre de la Défense; depuis lundi l'armée est officiellement prête à intervenir, "en état d'alerte renforcée". 

À en croire la première ministre serbe, le21 décembree, les deux pays sont "au bord du conflit armé". Pristina de son côté accuse son voisin d'attiser volontairement les tensions à des fins dedéstabilisationn.

Les tensions ont connu un nouveau pic en ce début de semaine lorsque le patriarche de lÉglisee orthodoxe serbe, Porphyre, s'est vu refuser le droit d'entrer au Kosovo, où se trouve le monastère de Peć, siège de lÉglisee orthodoxe de Serbie.

Le risque de conflit ouvert semble toutefois peu probable : cela fait quinze ans que la zone est un point chaud des Balkans, que les poussées de fièvre y sontrécurrentes, maiss les deux voisins n'ont aucun intérêt à l'escalade.

Demande d'adhésion à l'Union européenne

La Serbie est surtout dans la rhétorique et la provocation ; même si elle est soutenue par Moscou, on la voit mal lancer une intervention militaire alors que sur le territoire du Kosovo, à peine plus grand que la Corse, l'attendent près de 4 000 soldats de la KFOR, la force de paix de l'OTAN, déployés depuis la fin de la guerre de 1998-99. En plus de la mission "État de droit" de l'Union européenne (EULEX), arrivée en 2008 et qui compte encore environ 200 policiers spéciaux sur place.

Et puis les deux voisins veulent tous les deux adhérer à l'Union européenne, le Kosovo vient tout juste de déposer sa candidature. Pour que leurs dossiers avancent, Bruxelles (qui parraine un dialogue depuis 2013) leur a expressément demandé de garder des relations de bon voisinage.

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