Balkans : le regain de tension entre la Serbie et le Kosovo
Dans les Balkans, les esprits s'échauffent entre la Serbie et le Kosovo. À l'origine des tensions, une histoire... de plaques d'immatriculation.
Début novembre, le gouvernement kosovar décide d'appliquer une mesure tout à fait symbolique qui traîne dans les tiroirs depuis des mois, voire des années : imposer le même modèle de plaques d'immatriculation – un modèle kosovar – à tous les habitants et sur tout le territoire.
Ceux qu'il cible en réalité, ce sont les 50 000 Serbes qui vivent dans le nord du pays, et dont une bonne partie roule avec des plaques serbes.
La rébellion des Serbes du nord du Kosovo
Le Kosovo s'est déclaré indépendant il y a 15 ans, en 2008, mais cette minorité considère qu'elle fait toujours partie de la Serbie. Elle refuse régulièrement d'obéir aux autorités de Pristina, qui cette fois veulent la faire entrer dans le rang et pensaient sans doute, à la lumière du contexte de guerre en Ukraine, obtenir le plein soutien des Occidentaux (c'était oublier que cinq États européens, l'Espagne, la Grèce, la Roumanie, la Slovaquie et Chypre, refusent toujours de reconnaître l'indépendance du Kosovo).
La rébellion est immédiate. Dans la région de Mitrovica, des maires, des juges, des fonctionnaires et plus de 600 policiers serbes démissionnent en signe de protestation. Il y a des manifestations, des camions se positionnent en travers des routes pour bloquer la circulation, ce qui engendre des affrontements avec la police et des échanges de tirs sans qu'on sache vraiment qui en est à l'origine.
[ SERBIE | KOSOVO ]
— (Little) Think Tank (@L_ThinkTank) December 27, 2022
Le Kosovo a demandé à la Force pour le Kosovo de l'OTAN de démanteler les barricades de la minorité serbe dans la région de Mitrovica. Le Premier ministre kosovar affirme que si cela n'est pas fait les forces de sécurité du Kosovo s'en chargeront. pic.twitter.com/cK9eVKrgFp
Le 23 novembre l'idée des plaques est finalement abandonnée, grâce à un accord sous l'égide de l'Union européenne. Selon le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, "la Serbie va cesser de délivrer des plaques d'immatriculation serbes portant des dénominations de villes kosovares et le Kosovo va cesser toute activité pour les remplacer". Mais la tension, elle, ne retombe pas. Un ancien policier serbe accusé d'avoir agressé ses collègues a été mis en prison, ce qui remet une pièce dans la machine.
L'armée en état d'alerte renforcée
Face aux troubles, la Serbie adopte un discours très offensif. Belgrade, qui n'a jamais reconnu l'indépendance de son ancienne province méridionale, estime qu'il lui revient de protéger la minorité serbe du nord.
JUST IN: Serbian and Russian extremist groups (including the "Wagner Group" mercenaries) have gathered at the border point of Jarinja in the north of #Kosovo. They seek to escalate the situation and call for the invasion of Kosovo by Serbia. pic.twitter.com/R7VxuGmFWh
— Xhildinho Z (@xhildinho) December 18, 2022
1 500 soldats supplémentaires sont donc envoyés sur la frontière, déjà très militarisée (les Serbes disent plutôt "la ligne administrative") où se rend aussi le ministre de la Défense; depuis lundi l'armée est officiellement prête à intervenir, "en état d'alerte renforcée".
À en croire la première ministre serbe, le21 décembree, les deux pays sont "au bord du conflit armé". Pristina de son côté accuse son voisin d'attiser volontairement les tensions à des fins dedéstabilisationn.
Tensions entre la Serbie et le Kosovo. L'armée serbe a été placée en état d'alerte. Des tirs et explosions ont été entendus et des barrages routiers érigés à la frontière. La situation est "au bord du conflit armé" affirme la première ministre serbe. pic.twitter.com/uXTbl3fwhy
— AlterNews (@AlterNewsOnline) December 27, 2022
Les tensions ont connu un nouveau pic en ce début de semaine lorsque le patriarche de lÉglisee orthodoxe serbe, Porphyre, s'est vu refuser le droit d'entrer au Kosovo, où se trouve le monastère de Peć, siège de lÉglisee orthodoxe de Serbie.
Le risque de conflit ouvert semble toutefois peu probable : cela fait quinze ans que la zone est un point chaud des Balkans, que les poussées de fièvre y sontrécurrentes, maiss les deux voisins n'ont aucun intérêt à l'escalade.
Demande d'adhésion à l'Union européenne
La Serbie est surtout dans la rhétorique et la provocation ; même si elle est soutenue par Moscou, on la voit mal lancer une intervention militaire alors que sur le territoire du Kosovo, à peine plus grand que la Corse, l'attendent près de 4 000 soldats de la KFOR, la force de paix de l'OTAN, déployés depuis la fin de la guerre de 1998-99. En plus de la mission "État de droit" de l'Union européenne (EULEX), arrivée en 2008 et qui compte encore environ 200 policiers spéciaux sur place.
Le #Kosovo et la #Serbie seraient «au bord de la guerre». Pourtant, sur le terrain, il n’y a aucun signe d’affrontement. La machine de propagande du régime de #Belgrade roule toute seule, sans lien avec les faits. #Décryptage https://t.co/Tplwx9T0rT pic.twitter.com/N6i8qVuU40
— Courrier des Balkans (@CdBalkans) December 28, 2022
Et puis les deux voisins veulent tous les deux adhérer à l'Union européenne, le Kosovo vient tout juste de déposer sa candidature. Pour que leurs dossiers avancent, Bruxelles (qui parraine un dialogue depuis 2013) leur a expressément demandé de garder des relations de bon voisinage.
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