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Au Mali, la France suspend ses opérations militaires communes avec l’armée nationale

Cette mesure de rétorsion, prise après le deuxième putsch des militaires, restera en vigueur tant que les civils ne seront pas de retour au pouvoir.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le camp des militaires de l'opération Barkane à Ménaka (Mali), le 3 novembre 2020. Photo d'illustration. (DAPHNE BENOIT / AFP)

La France ne veut plus rester "aux côtés d’un pays où il n’y a plus de légitimité démocratique" : Emmanuel Macron avait préparé le terrain dans le Journal du Dimanche la semaine dernière. Le chef de l’État jugeait "inacceptable" le récent coup d’État du 24 mai au Mali, le deuxième en neuf mois. Un coup d’État et un coup d’arrêt au processus de transition, qui prévoyait que les militaires rendent le pouvoir aux civils à la faveur d’élections prévues le 27 février 2022.

Ce jour-là, le 24 mai, le président de transition Bah N’Daw et son Premier ministre, Moctar Ouane, sont arrêtés et contraints à la démission par les hommes du colonel Goïta, déjà auteurs du putsh du 18 août 2020 qui avait abouti au renversement du président IBK.

Aujourd’hui la France met donc ses menaces à exécution. Et si les 5 100 soldats français de la force Barkhane continuent leur travail sur le terrain, c’est désormais en solo ou bien avec les Nigériens et les Tchadiens, mais pas avec les Maliens. Le ministre des Armées confirme : les missions de conseil, de formation et toutes les opérations communes sont  "temporairement suspendues."

"Temporairement", parce que si les nouvelles autorités maliennes apportent des garanties sur la transition politique, si elles cessent de négocier avec certains groupes terroristes – ceux-là même que combat Barkhane, la France assure qu’elle reprendra sa coopération. Une évaluation sera d’ailleurs faite d’ici quelques jours.

Un bras de fer avec la communauté internationale

Ce coup de pression tombe au bon moment : c’est lundi 7 juin que le colonel putschiste, Assimi Goïta, doit être investi dans ses fonctions de président. Mais le bras de fer de Bamako se joue en réalité avec l’ensemble de la communauté internationale. 

Dès la fin mai, le département d’État américain – autre soutien essentiel du Mali – a suspendu son assistance aux forces maliennes. Dans la foulée, la Communauté économique des États d’Afrique de l’ouest (Cédéao) et l’Union africaine ont toutes les deux exclu le Mali de leurs rangs et menacé les putchistes de sanctions ciblées.

Pas de retrait intégral

Doit-on pour autant se préparer à un retrait total de la force Barkhane ? C’est peu probable. Même si ces deux putshs offrent objectivement à l’Élysée un excellent prétexte pour se détourner d’une mission menacée d’enlisement...

Face au piège malien, il n’y a pas de solution miracle. D’un côté, il est injustifiable de laisser faire la junte sans rien dire. De l’autre, il n’est pas possible de se détourner d’un pays devenu l’épicentre du djihadisme en Afrique de l’ouest. Se retirer, retirer Barkhane ce serait comme faire sauter un verrou, permettre à l’organisation de l’État Islamique et à Al Qaida de poursuivre leur descente vers le sud : Sénégal, Côte d’Ivoire, etc.

Dans un avenir sans doute très proche, la force Barkhane devrait surtout se réorienter pour se consacrer davantage à la lutte anti-terroriste qu’à la formation des forces locales (le sujet a déjà été mis sur la table au sein de l'Etat-major). Mais l’attitude de Paris dépendra aussi de la rapidité et de l'ampleur de la réponse des nouveaux hommes forts de Bamako qui, pour ne pas s’isoler, seront contraints de faire des concessions.

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