Après la mort du président Moïse, Haïti au bord du gouffre
Le président haïtien Jovenel Moïse a été assassiné chez lui mercredi 7 juillet. L'état de siège a été décrété dans tout le pays, plongeant Haïti dans une profonde crise.
Depuis l'assassinat du président Jovenel Moïse mercredi 7 juillet à son domicile, la police haïtienne mène une opération dans les rues de la capitale, Port-au-Prince, pour "pourchasser les mercenaires", selon le chef de la police Léon Charles. Bilan au petit matin selon les autorités : quatre mercenaires tués, deux arrêtés et trois policiers kidnappés puis relâchés. Aucune information sur l'identité du commando et ses motivations. D'après l'ambassadeur haïtien aux États-Unis, pour entrer chez le président, les auteurs se seraient fait passer pour des responsables de la Drug Enforcement Administration (DEA), l'agence américaine antidrogue. Toute la journée de mercredi, l'anxiété a recouvert le pays. Les rues et les commerces de Port-au-Prince ont été paralysés. Des millions d'Haïtiens sont restés accrochés à leur radio et leur télé pour comprendre ce qui se passait.
Cet assassinat intervient alors qu'Haïti est déjà au bord du gouffre. "Nous avons touché le point le plus bas de la chute du pays dans l'abime", commentait mercredi, navré, un Haïtien sur franceinfo. Plus rien ne tient le pays. Dans cet État le plus pauvre du continent américain, ce n'est pas juste une crise, tout est en crise. Crise politique : Jovenel Moïse était très critiqué, il s'accrochait au pouvoir et perdait chaque jour plus de légitimité. Depuis un an, il gouvernait par décrets. La population s’est soulevée contre lui, fatiguée de son inaction contre la corruption, les inégalités et la pauvreté. Crise sécuritaire : le pays est déstabilisé par des groupes armés qui se multiplient depuis deux ans et contrôlent aujourd’hui une partie de la capitale. Ces groupes organisent des enlèvements contre rançon, comme le rapt de sept religieux dont deux prêtres français en avril. Crise économique et sanitaire enfin : en Haïti, 60% de sa population vit sous le seuil de pauvreté. Le pays est classé 170e sur 189 par le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud) pour son indice de développement humain. Et enfin, Haïti vit une crise sanitaire : le Covid ravage le pays, les hôpitaux sont saturés et aucun programme de vaccination n'a été lancé. C’est l’un des rares pays au monde à ne pas avoir commencé sa campagne de vaccination.
Qui pour gouverner maintenant ?
Sans président, qui pour gouverner Haïti ? Pas de réponse claire sur cette question, et cela amène de l'incertitude au chaos. Comme l’explique RFI, "si l’on s’en tient à la Constitution haïtienne, suite à la réforme de 2012, si le poste de président de la République devient vacant, c’est le Conseil des ministres qui doit assurer l'intérim jusqu'à l'élection d'un nouveau président." Le Premier ministre assure donc le remplacement de Jovenel Moïse. Mais quel Premier ministre ? En ce moment en Haïti il y en a deux. Ariel Henry a été nommé lundi, deux jours avant la mort du président, et il n’a pas encore pris son poste. C’est donc le Premier ministre par intérim Claude Joseph qui est aux affaires.
Le président de la Cour de cassation aurait pu apporter son expertise et son aide mais il est récemment mort du Covid. Dans la nuit de mercredi à jeudi le Conseil de sécurité de l'ONU a "condamné dans les termes les plus forts" ce "crime odieux". Les Nations unies appellent "toutes les parties à rester calmes, à faire preuve de retenue et à éviter tout acte qui pourrait contribuer à accroître l'instabilité", précise son texte qui exprime aussi son "soutien indéfectible au dialogue". Elles réclament que les élections présidentielles et législatives, qui étaient prévues le 26 septembre, aient bien lieu. Mais dans un État sans État, qui menace de basculer dans l'anarchie, la transition politique va s'avérer très difficile.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.