"Silex and the city" : "Il y a une fidélité et une histoire commune qui se développent" pour l'auteur Jul

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mercredi 18 septembre 2024 : l'auteur de bandes dessinées Jul. "Silex and the city – La Clef" vient de paraître chez Dargaud, "Silex and the City - le film" est sur grand écran depuis le 11 septembre et une exposition sur la série est à voir au Musée de l'homme jusqu'au 29 décembre 2024.
Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le dessinateur Jul, à droite, aux côtés de François Hollande, qui prête sa voix à l'un des personnages du film, "Silex and the city". (STEPHANE CARDINALE - CORBIS / CORBIS ENTERTAINMENT)

Jul est dessinateur de presse et auteur de bandes dessinées indissociables des cavernes et de la préhistoire. Sa préhistoire a démarré très tôt sur les bancs de l'école avec en guise de meilleur ami, un crayon, véritable créateur de l'imaginaire et témoin du quotidien et de notre passé. C'est en sortant de Normale Sup et après une agrégation d'histoire qu'il a réellement commencé comme dessinateur de presse et rencontre son public lorsqu'il reçoit le prix Goscinny pour son album Il faut tuer José Bové, en 2007. Deux ans plus tard, sa première série, Silex and the city, naît. Une série qui se décline actuellement en trois formats avec la sortie du 10e volume de la BD, La Clef, chez Dargaud. Le film Silex and the City est sur grand écran depuis le 11 septembre et jusqu'au 29 décembre 2024, une exposition au Musée de l'homme à Paris lui est consacrée.

franceinfo : La Clef raconte pour la première fois dans cette série l'évolution, le progrès et la rencontre entre la préhistoire et le monde moderne, incarnés par un magasin qui pose souvent des problèmes quand on construit des meubles. Finalement, posséder la clef ne suffit pas ?

Jul : Non, il faut comprendre un petit peu pourquoi on fait les choses. Effectivement, cette famille d'Homo Sapiens, qui est projetée par inadvertance dans le futur, revient avec cette clef sans savoir ce que c'est et va tout déclencher. L'écriture, l'invention de la religion, le yoga, le nazisme, l'art contemporain comme un pêle-mêle. En fait, cette clé coudée est une espèce d'objet transitionnel, on projette n'importe quoi. Si on est spirituel, si on a soif de religion, on invente un nouveau dieu. Si on est libidineux, on le voit comme un objet de désir sexuel. Tous les cultes possibles nous ressemblent et donc cette clef coudée, c'est un peu un miroir de nos passions et de tout ce qui est un peu absurde alors, c'est assez marrant de mettre tout ça en scène.

Silex and the city, est un peu la prolongation de ce que vous êtes. On sent que tout vous intéresse. Vous avez commencé très tôt sur les bancs de l'école, j'ai l'impression que vous aviez déjà un regard d'adulte.

C'est vrai que mes premiers dessins, c'étaient des blagues sur Raymond Barre, ministre de l'Économie, et j'étais très petit. C'était tout ce qui arrivait un peu par hasard dans la télévision et que moi, je métabolisais et transformais en trucs rigolos. J'étais très angoissé. On parlait beaucoup de la rivalité entre le bloc de l'Est et le bloc de l'Ouest. Il y avait encore l'URSS. On pensait qu'il y aurait une guerre nucléaire. J'en faisais des cauchemars, la nuit. Je dessinais des abris antiatomiques avec des plans, par centaines, que mes parents ont gardé. J'étais quelqu'un d'anxieux. Aujourd'hui encore, le monde est extrêmement angoissant, aussi bien cette espèce de course en avant vers l'abîme écologique que vers la folie guerrière. Le seul moyen, c'est de mettre à distance avec le rire. Moi, j'ai trouvé le dessin.

"Ces BD, ce film sont aussi une façon de dire : 'on continue à vivre et à rester digne quand même dans la catastrophe' et c'est chouette aussi."

Jul

à franceinfo

Il y a toujours eu de l'humour dans tout ce que vous avez pu faire. L'humour, c'est aussi la clé pour transmettre ?

L'humour, qui est l'apanage de gens bien souvent tourmentés, a une magie particulière. Tout ce qui est artistique, teinté d'humour ne se contente pas d'une existence astrale, coupée des gens. Tout ce qui est du domaine de l'humour est relationnel parce que si on fait une blague, il faut que quelqu'un l'entende et la comprenne et rit. Ce partage-là, je l'ai avec les albums de bande dessinée. C'est cette espèce de petite chaleur qui se passe entre les gens, de petite étincelle comme quand deux silex se frottent. C'est pour partager autour du bistro, autour du comptoir, autour d'une table, sinon je dépéris. En classe, quand je dessinais, c'était pour attirer l'attention sur moi, pour faire rigoler les filles autour de moi. Ça a continué et je pense que ça ne s'est jamais arrêté. C'est ce goût-là, cette excitation.

Vous êtes devenu un incontournable, un dessinateur qui fait partie de nos vies. Qu'est-ce que ça vous inspire ?

C'est magnifique d'avoir cette durée. Venant du dessin de presse, je me disais que ça allait être oublié. En fait non, ça reste, perdure et parfois, c'est désespérant. Toutes les blagues sur le conflit israélo-palestinien, on aimerait bien qu'elles n'aient plus cours aujourd'hui et pourtant, elles sont encore tragiquement d'actualité. Il y a une fidélité et une idée de se dire qu'on a une histoire commune qui se développe et que ce n'est pas juste un coup d'un soir, mais une histoire d'amour.

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