"Que pourrait ma bonne foi si d'un coup, l’ADN me désignait comme coupable ?" : René Manzor signe un nouveau polar "L'Ombre des innocents"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Jeudi 25 janvier 2024 : le réalisateur et romancier, René Manzor. Il signe "L'Ombre des innocents" aux éditions Calmann-Lévy.
Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
René Manzor est réalisateur, scénariste et romancier, le 25 janvier 2024 sur franceinfo. (FRANCEINFO/ RADIO FRANCE)

René Manzor est réalisateur, scénariste et romancier. Il est le frère de Jean-Félix et Francis Lalanne. On l'a découvert avec le film Le passage en 1986 et puis viendront les films 3615 code Père Noël en 1990 ou encore Un amour de sorcière en 1997. Son univers et sa patte ont donné lieu à une série américaine : Les aventures du jeune Indiana Jones en tant que réalisateur, et à la demande d'ailleurs de Steven Spielberg et de George Lucas. Aujourd'hui, il signe L'Ombre des innocents aux éditions Calmann-Lévy. C'est un polar qui met l'accent sur ce que beaucoup considèrent comme la reine des preuves, l'ADN.

franceinfo : L'histoire démarre sur le meurtre d'un enfant. Le tueur a laissé un indice, le mot "Tresse". Il y a aussi une arme, une combinaison avec dessus de l'ADN. Cet ADN est relié à une écrivaine qui semblait se trouver à l'opposé du lieu du crime. L'ADN est-il infaillible ?

René Manzor : C'est justement ce qui a provoqué l'écriture. D'abord, c'était l'affaire d'Outreau qui m'a choqué. Comme plusieurs personnes, j'ai cru à la culpabilité de ces gens et je me suis dit : demain, que pourrait ma bonne foi si d'un coup la reine des preuves me désignait comme coupable ? Et à ce moment-là, je me suis mis à enquêter sur l'ADN. Comment se fait cette identification ? Car ce qu'on établit, ce n'est pas une empreinte. Là où l'ADN est une reine des preuves, c'est pour disculper quelqu'un parce qu'en fait, quand on fait un profil, on va expertiser 13 marqueurs. Il suffit qu'il y ait un marqueur qui ne soit pas le même, à ce moment-là, ça vous disculpe à 100%, mais on ne peut pas identifier un suspect à 100%.

Il y a un clin d'œil que vous faites à Victor Hugo. Il y a du Javert, du Jean Valjean dans les personnages principaux. Ça été aussi important pour vous de le relier à la littérature ?

Entre Victor Hugo et Alexandre Dumas, j'ai voyagé dans leurs histoires et donc forcément, quand je me suis attaqué à l'erreur judiciaire, j'ai tout de suite pensé à Jean Valjean et Javert. Justement, c'était encore une fois le principe de cette erreur, jusqu'où on peut broyer quelqu'un d'innocent.

Enfant, votre mère vous racontait beaucoup d'histoires et un jour elle vous a dit : "Ce ne serait pas mal que toi tu m'en racontes à ton tour". Est-ce le point de départ ?

Oui, c'est le point de départ ! J'étais très mauvais, elle s'endormait très vite. Donc tous les soirs, j'avais qu'une envie, c'était que ça dure un peu plus longtemps. Et donc j'ai commencé à développer des changements, des retournements de situation. Et c'est un peu comme ça que finalement j'ai appris à raconter.

"Je me considère comme un raconteur plus que comme un romancier ou qu'un cinéaste. Le médium change, mais je raconte des histoires."

René Manzor

à franceinfo

Qu'est-ce qu'elle vous a le plus transmis ?

L'amour ! La notion de l'amour maternel qui est un truc infini. J'ai, à travers l'exemple de mon père, compris la puissance de l'amour paternel dont on ne parle pas beaucoup. Mais en fait, le cordon ombilical, on le construit tous les jours, alors que l'autre il est là, présent depuis le départ et donc c'est un combat, c'est une construction et donc il faut donner beaucoup de temps, d'amour. Et ça, je l'ai reçu de mes parents.

Qu'est-ce qui fait que vous ayez eu envie d'utiliser le crayon dans l'écriture pure, c'est-à-dire l'écriture du roman, alors que vos deux frères, eux, se sont tournés tout de suite vers la musique ?

J'étais obsédé quand j'étais petit. Je répétais à mes parents : il me faut un professeur d'écriture. Je voulais écrire. Mes frères, eux, avaient un prof de guitare qui leur montrait les accords. Moi je voulais qu'un romancier me montre comment faire un roman, mais ça n'existait pas, prof d'écriture. J'ai donc dû apprendre par moi-même en lisant. Et la seule chose qui était le plus proche finalement de l'écriture, c'était le dessin. C'est ça qui m'a poussé vers le dessin car là, il y avait des professeurs de dessin.

Rapidement, vous avez écrit pour le cinéma et ça a été assez instinctif. Le point de départ, c'est le court métrage Synapses en 1981, puis il y aura le film Le passage avec Alain Delon. Qu'a changé ce film dans votre vie ?

Beaucoup de choses parce que je ne pensais pas faire carrière dans le cinéma. L'histoire avait touché Alain Delon et c'est le scénario qui finalement a été mon ticket d'entrée. Mais c'est grâce à lui et à mon frère Francis aussi, qui était coproducteur du Passage que j'ai réussi. Alain Delon est devenu mon mentor. Et alors, le coup le plus incroyable, c'est le succès de ce film parce que Delon lui-même pensait que c'était un film d'auteur qui allait faire trois entrées. On a fait deux millions et demi d'entrées, c'était énorme. Et derrière, ça m'a coûté trois ans de ma vie car, quand on faisait un succès en 1986, on était qualifié de "commercial".

Vous avez évidemment touché aussi en plein cœur Steven Spielberg et George Lucas. C'est vrai qu'ils ont tout de suite craqué pour vous. Ils vous ont demandé effectivement de faire cette série du jeune Indiana Jones. C'est une fierté, ça, justement en tant que Français, d'avoir réussi à travailler avec eux ?

C'est à la fois, bien sûr, une fierté, mais c'est au-delà de la fierté. C'est le sentiment qu'il suffit de changer de continent alors qu'on est exactement la même personne pour que finalement son univers soit apprécié.

"Je n'ai jamais eu le rêve américain. Moi, j'ai le rêve français."

René Manzor

à franceinfo

Et l'aventure avec Spielberg et Lucas, m’a fait me demander : "Mais bon sang, pourquoi pas chez moi ?" "Auprès de mon arbre, je vivais heureux", c'est la fameuse chanson de Brassens. La France, on l'aime quand on la quitte. J'ai toujours envie de revenir auprès de mon arbre. Et d'ailleurs, l'aventure littéraire, c'est ça, c'est le retour au français parce qu'à force de créer en anglais, même si c'est formidable, j'avais un besoin de France.

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