Lara Fabian : "'Tout', c'est la chanson d'une immense rupture qu'on a transformée en une grande réussite"

L’autrice, compositrice et interprète, Lara Fabian est l’invitée exceptionnelle du Monde d'Élodie Suigo du 15 au 19 juillet. Cinq jours, cinq chansons pour mieux comprendre cette artiste devenue incontournable sur la scène internationale. Lundi, le tube "Tout".
Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7min
Lara Fabian lors d'un concert à Kiev, en Ukraine, le 20 octobre 2019. (HENNADII MINCHENKO / MAXPPP)

Lara Fabian est l'invitée exceptionnelle du Monde d'Élodie toute cette semaine. Cinq jours pour évoquer ses 30 ans de carrière avec ses hauts, mais aussi ses bas. Celle que les Français ont vu débarquer du Québec dans les années 1990 avec une voix puissante touchant droit au cœur, est devenue, au fil de ses 16 albums, une artiste qui compte aussi bien dans les pays francophones qu’anglophones. C’est sans filtre qu’elle se livre en évoquant des bouts de son histoire, des souvenirs de vie autour de ses chansons devenues cultes : Je t'aime, Adagio, I Will Love Again, J'y crois encore, Immortelle, Tu es mon autre, Humana ou encore La différence. Elle revient sur sa rencontre avec le taulier, Johnny Hallyday, qui lui a donné confiance, sur sa vocation à transmettre ce qu’elle a appris aux autres et puis surtout elle souligne l’importance d’un sentiment qui réchauffe les cœurs fermés : l’empathie.

Durant trois décennies, Lara Fabian n'a jamais cessé de proposer un éclairage sur la vie, avec ses joies et ses peines, des pages qui se tournent et des aventures qui démarrent, à son précieux public. En prélude à la sortie d’un 17e album prévu fin 2024, elle nous a offert en janvier dernier le single Ta peine, écrit et composé avec Slimane et confirme qu’une tournée est à venir.

franceinfo : Pour résumer l'amour que vous avez reçu de vos parents, il y a un prénom, Lara, qui vient du personnage principal du Docteur Jivago. C'était la première déclaration d'amour qu'ils aient pu vous faire.

Lara Fabian : C'est vrai. Maman était amoureuse de ce personnage et j'ai découvert plus tard cette incroyable dualité dans l'amour qu'une part de moi porte.

Ce n'est pas un hasard si Ta peine parle de transmission. Quand on recoupe un peu, on comprend mieux pourquoi à chaque fois ce titre existe dans votre vie.

C'est vrai que ma maman était particulièrement à l'écoute, particulièrement empathique. Alors je ne sais pas si nos parents avaient toujours tous la vertu d'entendre en temps réel quelles étaient nos douleurs ou quelles étaient nos peines, mais j'ai suffisamment reçu d'amour pour comprendre qu'en tout cas ils essayaient de m'aider dans les moments difficiles.

Au départ, vous vouliez être Rudolf Noureev, vous vouliez faire de la danse. C'était vraiment un rêve de gosse ?

Oui, je voulais danser. Et puis voilà, j'ai rencontré quelqu'un qui n’était pas très bienveillant dans une académie, qui m'a écrasé le pied gauche avec son bâton en disant que j'étais grosse et que "personne n'aurait jamais pu soulever ça". Quand on a huit ans, c'est assez violent, c'est assez cruel et donc c'est resté en moi sans jamais trouver une sortie, une issue. Donc je danse pour moi, c'est tout.

Qui croit en vous en premier dans tout ce parcours ?

Ma grand-mère, mon papa, et maman, qui a toujours eu quand même un rapport assez compliqué avec les conséquences de ce métier, parce qu'elle les prévoyait. Maman avait une vision très à long terme de ce que pouvait être ce métier, ses effets. Comme elle voulait me protéger de tout, en sachant que c'était parfaitement impossible, elle me tenait parfois un peu à distance, ne me disait pas forcément que ce que j'écrivais résonnait en elle ou elle ne me disait pas forcément qu'elle aimait la voix que j'avais. Mais elle me maintenait dans une autre zone de confort. Elle m'apportait de l'amour autrement. Tandis que papa, lui, était plus fan. Il m'accompagnait à la guitare dans mes premiers radiocrochets, télécrochets.

"Quand j'avais 14, 15, 16 ans, les premiers pianos-bars dans lesquels je chantais, c'était papa qui m'accompagnait".

Lara Fabian

à franceinfo

Tout doucement, j'ai compris qu'en fait, ce n'est pas que maman n'aimait pas ce que je faisais ou n'était pas en amour de ce choix, mais elle était terrifiée de tout ce qui s'apprêtait à se dérouler sous mes pieds.

Par la suite, il va y avoir L'Aziza est en pleurs en 1986.

Ça, c'est le cadeau que je gagne à un radiocrochet l'année où Daniel Balavoine meurt. C'était ma première composition originale.

Vous avez 18 ans en 1988 et un événement assez fort va se passer. Vous allez être repérée pour l'Eurovision et vous allez représenter le Luxembourg.

Repérée dans un bar. Une dispute a éclaté, mais j'ai chanté au-delà de la dispute. Plus tard, lorsque je demanderai à Hubert Terheggen "pourquoi moi, avec tous ceux que tu as auditionnés ?", il me répondra : "Parce que quand la bagarre a éclaté, tu ne t'es pas démontée, tu as continué à chanter Somewhere over the rainbow, alors que les mecs se mettaient des tabourets sur la gueule. C'était assez fou". Et il m’a dit : "Parce que tu as eu cet aplomb. Je pensais que tu avais les nerfs pour être devant 700 millions de téléspectateurs quand même".

Malgré l'amour, vous allez avoir besoin de vous émanciper. Vous allez tomber amoureuse et partir vivre au Canada. Cela a-t-il été lourd à porter, de tout quitter ?

En fait, c'était vital pour se construire. Je pars avec Rick Allison. On a atterri dans cette bulle francophone en plein milieu de l'Amérique du Nord qu'on appelle le Québec. Et là, on y trouve une vraie maison, beaucoup d'amour, énormément de cordialité, une simplicité incroyable à faire ce métier. Et c'est là que tout va se déclencher, que j'apprends mon métier, que j'apprends et définis les contours de qui je suis. 

"Je peux faire des erreurs devant les caméras sans que cela ne soit vraiment comptabilisé. Le Québec, pour ça, est un pays incroyable."

Lara Fabian

sur franceinfo

Et puis il y a la France qui arrive derrière avec l'album Pure en 1996. Comment avez-vous vécu ce moment où vous "changez" de lieu. C'est juste une situation géographique, mais ça change aussi de public.

Comme un choc vagal. Il y a vraiment une sorte de : "Mais qu'est-ce qui se passe ?" Parce que c'est vrai que là, pour le coup, ça a été fulgurant, c'est-à-dire Tout, du jour au lendemain, est devenu un énorme hit. Ensuite, il y a eu Je t'aime, puis l'invitation au stade par Johnny Hallyday avec Requiem pour un fou. J'avais quand même déjà vendu deux millions d'albums. Et ça a été vraiment plus grand que moi. Il y a une grande partie de tout ce qui s'est passé, pour laquelle je n’étais absolument pas équipée, du tout, zéro.

Parlez-nous de Tout. Que représente cette chanson aujourd'hui ?

C'est la chanson d'une immense rupture qu'on a transformée en une grande réussite. C'était fou de voir que ce qui faisait sens pour moi à ce moment-là et qui naissait d'un désarroi, pouvait se connecter à des millions de gens et faire sens pour des millions de gens.

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