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Garry Kasparov, de la suprématie dans le jeu d'échecs au combat politique contre Vladimir Poutine

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, l’un des plus grands joueurs d’échecs du monde, Garry Kasparov.

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Le grand maître des échecs Garry Kasparov à St Louis (Etats-Unis) le 29 août 2019 (BILL GREENBLATT / MAXPPP)

Joueur d'échecs soviétique, puis russe, Garry Kasparov a acquis depuis 2014 la nationalité croate. En 2005, il se lance en politique et son opposition au président russe Vladimir Poutine lui vaut d'être condamné à l’exil depuis quelques années. Treizième champion du monde de l'histoire de 1985 à 2000, soit 15 ans de suprématie dans les échecs, il est considéré comme l'un des meilleurs joueurs de l'histoire et du monde. Aujourd'hui, il lance l'application Kasparov Chess (sur Androïd et ordinateur) avec au menu des anecdotes, des leçons de maître, etc.

franceinfo : Cette plate-forme est aussi un œil sur votre carrière. Quel regard avez-vous sur cet amour du jeu d'échecs ?

Garry Kasparov : Kasparov chess est la dernière de mes activités reliées aux échecs. Je suis très heureux de participer au développement des échecs, et de le faire de la manière la plus divertissante possible et d'y inclure un apport personnel de chaque utilisateur. On a appris de la série The Queen's Gambit (Le jeu de la dame) que les gens prêtent une attention particulière aux éléments personnels. Je crois que c'est ce que Kasparov Chess, l'application, apporte aux échecs en ligne en étant toujours connectée avec la personne qui envoie le message.

Mais comme vous l'avez mentionné, depuis ma retraite en 2005, j'ai été impliqué activement dans le combat contre Poutine et sa dictature, ce qui m'a amené à m'exiler en 2013. Je sais séparer les deux choses.

C'est mon devoir moral, je crois, que de me battre pour le futur de mon pays.

Garry Kasparov

à franceinfo

C'est votre père qui vous donne envie de jouer aux échecs et vous allez le perdre très jeune. Que gardez-vous de lui ?

La plupart des choses dont je me rappelle sont connectées à de tous petits épisodes en particulier. J'étais fasciné par l'exploration et il m'a lu des lettres de Magellan. C'est probablement le meilleur souvenir que j'ai. J'ai perdu ma mère, elle a succombé à la Covid-19 en décembre dernier et ça a été un temps pour moi pour me reconnecter au passé car depuis le départ de mon père, elle a joué un rôle vital dans ma carrière aux échecs.

À 9 ans, vous avez reçu le grade de 1ère catégorie et en 1980, vous remportez le premier championnat du monde junior. Vous obtenez le titre de grand maître international c'est-à-dire la plus haute distinction des jeux d'échecs. Comment réagissez-vous, sachant que c'est comme le Graal ?

Pour moi c'était très naturel parce que je savais que mon futur serait relié aux échecs. J'ai eu la chance d'avoir des coachs et des conseillers incroyables et grâce à ma mère, j’ai toujours gardé cette équipe autour de moi, elle m'a aidé dans les moments les plus difficiles. En 1980, je suis devenu grand maître, j'ai fini mon école et j'ai commencé à regarder dans le futur avec beaucoup d'optimisme.

Vous allez devenir l'homme de tous les records. Quand vous avez pris votre retraite, ça a été un moment difficile pour vous ?

Non. Je savais très en avance que le jour viendrait, mais ma retraite n'a été qu'un mouvement, de mes activités d'échecs vers d'autres choses dans lesquelles je me suis dit que je pouvais faire la différence.

En 2005, effectivement, vous décidez de tourner la page et fondez Le Front civique unifié. Vous devenez l'un des chefs du mouvement L'autre Russie, une coalition d'opposants à Vladimir Poutine. On croit en vous en 2008 pour l'élection présidentielle. Vous dites à ce moment-là que vous avez peur pour votre vie. Est-ce toujours le cas ?

Tous ces gens en exil, en prison ou morts. Est-ce que je me sens concerné par le sujet ? Oui. Mais est-ce que ça m'aiderait d'essayer de me cacher ou d'arrêter de parler ? Ce n'est pas vraiment une alternative pour moi.

Garry Kasparov

à franceinfo

Je crois que ça fait une différence que les gens entendent ce point de vue, le mien. En particulier dans le monde libre où, à ma grande surprise et à ma grande déception, la propagande de Poutine fait des émules.

Quelle est votre plus grande fierté ?

Ce dont je suis fier aujourd'hui, à 58 ans, seize ans après avoir pris ma retraite des échecs, c'est que je suis toujours d'actualité en tant que Garry Kasparov. Je fais toujours une différence dans les sujets dans lesquels je m'implique. Je ne suis pas seulement un paragraphe dans les livres d'histoire et c'est cela qui me donne de l'énergie et me rend fier.

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